La présidente tanzanienne Mme Samia Suluhu Hassan lève l'interdiction de six ans des rassemblements politiques et promet de nouvelles réformes

Tanzania's President Samia Suluhu Hassan (left) with Rwanda's president Paul Kagame during her state visit to Kigali in 2021. Photo credit; President Paul Kagame Attribution-NonCommercial-NoDerivs 2.0 Generic (CC BY-NC-ND 2.0)

La Présidente tanzanienne Samia Suluhu Hassan (à gauche) avec le Président rwandais Paul Kagame lors de sa visite d'État à Kigali en 2021. Crédit photo ; Président Paul Kagame Attribution-NonCommercial-NoDerivs 2.0 Generic (CC BY-NC-ND 2.0)

Le 3 janvier, la présidente tanzanienne Samia Suluhu Hassan a annoncé qu'elle avait levé l'interdiction des rassemblements politiques imposés en 2016 par son prédécesseur, le radical John Pombe Magufuli, dont l'objectif principal était de réprimer la dissidence politique. L'annonce de la Présidente est intervenue lors d'une réunion avec les dirigeants de dix-neuf partis d'opposition à la State House à Dar Es-Salaam.

L'accession de M. Magufuli à la présidence en 2015 a vu un déclin de l'état des droits humains en Tanzanie. En 2016, son administration a adopté la loi sur les services médiatiques, dans le but était d'empêcher les journalistes, l'opposition et les militants des droits humains de critiquer le gouvernement et le Président. La loi a entraîné la suspension de quatre journaux et de plusieurs plateformes de médias en ligne. Les suspensions ont suscité des réactions négatives de la part du Conseil des médias de Tanzanie (MCT), du Centre juridique et des droits humains (LHRC) et de la Coalition des défenseurs des droits humains de Tanzanie (THRDC), qui ont déposé une plainte conjointe devant la Cour de justice de l'Afrique de l'Est (EACJ), un organe judiciaire fondé sur un traité de la Communauté de l'Afrique de l'Est (EAC) dont la Tanzanie est signataire.

La Tanzanie se dirige vers une élection quinquennale des administrations locales en 2024, les élections présidentielles étant prévues pour 2025. La fin de l'interdiction des rassemblements politiques est donc une victoire majeure pour le discours politique tanzanien, car elle crée des conditions de concurrence équitables pour les acteurs de l'écosystème politique.

Les critiques ont toujours considéré la Tanzanie comme un « régime hégémonique à parti unique sous le règne du parti Chama Cha Mapinduzi (CCM) ». Cela est dû au fait qu'alors qu'une interdiction politique a été appliquée dans le pays, seuls les politiciens alignés sur le CCM ont pu mener des activités politiques normales, alors que leurs homologues de l'opposition ont été harcelés et détenus par les agences de sécurité de l'État pour avoir tenté de faire de même. Par conséquent, la levée de l'interdiction offre une lueur d'espoir pour la Tanzanie qui a célébré 30 ans de démocratie multipartite.

S'adressant aux médias en présence des différents leaders de partis d'opposition qu'elle avait convoqués, Mme Suluhu a révélé que la décision était motivée par sa «philosophie des 4R» (réconciliation, résilience, réformes et reconstruction) et basée sur les recommandations d'un groupe de travail sur les réformes constitutionnelles composé du parti au pouvoir et de l'opposition, entre autres parties prenantes.

« Organiser des rassemblements est le droit des partis politiques, tel que dicté par notre constitution. Selon nos discussions sur la réconciliation avec les différentes parties, cela est apparu comme le principal problème. Par conséquent, je lève aujourd'hui l'interdiction », a-t-elle déclaré, au milieu d'applaudissements retentissants et d'une ovation debout des membres des différents partis politiques présents.

En outre, la Présidente a révélé qu'un groupe de travail composé de partis politiques, d'organisations de la société civile et de Tanzaniens de tous horizons serait formé en temps voulu, pour lancer un nouveau processus de réforme constitutionnelle et s'appuyer sur le projet de constitution bloqué de 2014 – qu'elle pensait ne pouvait être mis en œuvre maintenant car elle est déjà dépassée par les événements.

D'autres réformes urgentes sur la table, a-t-elle ajouté, se concentreraient sur la refonte de l'organe électoral connu sous le nom de Commission électorale nationale (NEC), la modification des lois interdisant les partis politiques et la réforme du système judiciaire, entre autres.

La décision de Mme Suluhu intervient à un moment où le pays est aux prises avec une série de lois répressives institutionnalisées au fil des ans par les autorités pour faire taire les critiques et les membres de l'opposition politique. La levée de l'interdiction des rassemblements politiques a suscité la réaction de divers dirigeants politiques, partis et groupes de défense des droits humains.

M. Zitto Kabwe, chef du parti d'opposition Alliance pour le changement et la transparence (ACT-Wazalendo), s'est extasié dans une interview vidéo avec TBC1, la chaîne de télévision du service national : « Ce que la Présidente a fait, c'est restaurer la constitution. Ce n'était pas une marche facile. Depuis 2021, nous avons eu des conventions interparties et beaucoup a été discuté. Des réunions et des discussions ultérieures nous ont amenés ici [la levée de l'interdiction]. La Présidente a tenu sa promesse. Nous avons bien commencé l'année. C'est une année de révolution et de réformes politiques… une année d'État de droit », a-t-il déclaré.

M. Freeman Mbowe, chef du Parti pour la démocratie et le progrès (Chama Cha Demokrasia na Maendeleo ou CHADEMA), principal parti d'opposition tanzanien, a déclaré dans une interview accordée à Global TV en ligne : « Nous avons accueilli « positivement » la déclaration de la Présidente Samia, mais avec beaucoup de prudence. Notre nation a eu pendant longtemps un système de suppression de la démocratie, du niveau national au niveau du gouvernement local. Il est exact que la Présidente a autorisé les meetings publics, ce qui était un droit constitutionnel et légal dans notre pays. C'est une bonne chose. De la même manière, la Présidente a mentionné le lancement du processus de constitution, mais il est évident que toutes ces choses nécessitent du temps et des consultations constantes. Les lois qui doivent être améliorées sont nombreuses, la principale chose dont la Présidente a parlé est que l'amélioration de ces lois sera inclusive et collaborative, c'est quelque chose d'important.

Mme Fatma Karume, une éminente avocate et militante des droits humains, et ex-présidente de la Tanganyika Law Society (TLS) a tweeté:

Aujourd'hui SSH (Samia Suluhu Hassan) a montré que :

  1. Elle n'a pas peur de la compétition politique
  2. Elle respecte la Constitution qu'elle a juré de protéger
  3. Elle respecte la démocratie
  4. Elle respecte nos droits de participer à la politique
  5. Elle comprend que la #Tanzanie nous appartient à tous

Fière d'elle! Fier d'être Zanzibari aujourd'hui !

— fatma karume aka Shangazi (@fatma_karume) 3 janvier 2023

M. Onesmo Olengurumwa, le coordinateur national de la Coalition tanzanienne des défenseurs des droits humains (THRD), a tweeté :

“Remettons les pendules à l'heure, je vois de nombreux journalistes utiliser l'expression “rassemblements politiques” désormais “autorisés”. Les réunions politiques étaient déjà autorisées par la constitution, quoi qu'il se soit passé à cette époque [l'ère Magufuli] défiait la constitution. Maintenant, nous avons une présidente [Samia Suluhu] qui a décidé de protéger la constitution. Son Excellence a bien fait de lever l'interdiction. pic.twitter.com/zJ1GtYw1Db

— Olaigwanani-Olengurumwa, Adv (@OlengurumwaO) 3 janvier 2023

M. Roland Ebole, chercheur à Amnesty International, s'est exprimé lui aussi . «Nous saluons la décision de lever l'interdiction générale des rassemblements politiques qui a été utilisée dans le passé pour arrêter et détenir arbitrairement d'éminents politiciens de l'opposition qui organisaient des rassemblements», a-t-il déclaré. «Participer et organiser des assemblées est un droit, pas un privilège, et ne nécessite pas d'autorisation de l'État», a-t-il souligné.

Sur sa page Twitter, l'Ambassade de Pologne en Tanzanie, a tweeté:

Nous félicitons SE la Présidente Samia Suluhu Hassan et les partis politiques de Tanzanie pour la levée de l'interdiction des rassemblements politiques par les partis d'opposition. Une autre étape positive vers une démocratie multipartite active.

M. Martin Otieno, le commandant de la police dans la région de Dodoma, lors d'une conférence de presse, a assuré les partis politiques que suite à la directive de la Présidente, la police collaborerait dûment avec tous les partis de cette partie du pays, qui comprend la capitale. M. Otieno a invité les partis politiques à suivre les procédures établies, pour s'assurer que la sécurité leur est accordée lors de leurs rassemblements politiques.

Ce dernier développement en 2023 pourrait être un héritage durable de la Présidente Suluhu et celui qui finira par donner naissance à un changement de paradigme dans le paysage politique tanzanien ? Les Tanzaniens ne peuvent qu'attendre et voir.

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