Mozambique : une vidéo devenue virale montre des violations présumées des droits humains par des militaires à Cabo Delgado

Ponte fronteiriça de Cabo Delgado, nord du Mozambique, 4 août 2009. Photo de F. Mira via CC BY-SA 2.0.

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Le 12 janvier 2023, les réseaux sociaux au Mozambique ont été pris d'assaut par le partage d'une vidéo, qui montrait l'incinération de corps par de supposés militaires affrontant [fr] des terroristes dans le nord du pays, à Cabo Delgado. La vidéo montre des personnes habillées en militaires avec le drapeau sud-africain jetant des corps dans le feu. D’après la conversation entendue dans la vidéo, ces corps seraient ceux de terroristes capturés au combat par des troupes militaires .

Peu de temps après, la vidéo a provoqué de nombreuses réactions, principalement pour condamner la survenance de tels actes, ainsi que pour attirer l'attention sur les graves violations des droits humains qui sont commises depuis le début du conflit à Cabo Delgado. Pour le directeur exécutif du Centre pour la démocratie et le développement (CDD), Adriano Nuvunga, ces images ne sont que la pointe de l'iceberg d'une plus grande violation des droits humains et des abus commis par des agents militaires étrangers à Cabo Delgado.

Aquela é uma atitude dos esquadrões da morte, queimar corpos. Há uma lei própria que regula a atuação de tropas em situação de conflito, particularmente quando são forças internacionais.

C'est l'attitude des escadrons de la mort, qui brûlent les corps. Il existe une loi spécifique qui réglemente les actions des troupes dans les situations de conflit, en particulier lorsqu'il s'agit de forces internationales.

Quelle est la situation à Cabo Delgado ?

Depuis octobre 2017, le Mozambique connaît un conflit armé dans la province septentrionale [fr] de Cabo Delgado. Diverses explications ont été données sur les causes, telles que les problèmes religieux ou la pauvreté des jeunes, mais dans l'ensemble, les véritables causes restent inconnues. Malgré les allégations selon lesquelles l'État islamique serait derrière les attaques et aurait l'intention d'occuper les zones de production de gaz au Mozambique, ni les auteurs ni les origines de la violence n'ont été identifiés.

Depuis le début de ce conflit, environ 3 000 personnes ont été tuées et 784 000 ont été déplacées, selon le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés. Des groupes de défense des droits humains ont documenté ces violations contre la population locale.

Récemment, Human Rights Watch a dénoncé que les forces gouvernementales et les rebelles d'Al Shabab ont horriblement violé les droits des personnes. Les forces des deux parties ont été accusées d'avoir commis des crimes de guerre, notamment des meurtres de personnes, des agressions sexuelles et des destructions de biens.

Selon Amnesty International, en 2021, les forces de sécurité mozambicaines ont maltraité les personnes qu'elles étaient censées protéger par l'intimidation, l'extorsion, la torture, les disparitions forcées et les exécutions extrajudiciaires. Le Dyck Advisory Group, une entreprise militaire privée engagée par le gouvernement en tant que force d'intervention rapide, ne faisait souvent aucune distinction entre les cibles civiles et militaires lorsqu'il larguait des explosifs et tirait avec des mitrailleuses depuis des hélicoptères.

Outre le soutien apporté par les pays africains, le Portugal et d'autres pays de l'Union européenne ont formé des soldats des forces armées mozambicaines. Ce soutien a apporté un certain soulagement et une sécurité apparente à Cabo Delgado, bien que des poches de conflit persistent encore dans certaines parties de la province.

Appels à la justice

Le président de la Commission des droits de l'homme de l'Association du barreau mozambicain, Feroza Zacarias, a regretté la cruauté de la vidéo et a exigé que les coupables soient tenus responsables :

Aquilo é uma desconsideração dos direitos humanos. Um olhar de normalização que norteia o nosso Estado.

C'est un mépris des droits humains. Plaidoyer pour une normalisation qui guide notre État.

Pour Amnesty International (AI), les images sont un exemple « horrible » de ce qui se passe dans la « guerre oubliée » qui se déroule dans cette province du nord du Mozambique, a déclaré Tigere Chagutah, représentant de l'organisation pour l'Afrique orientale et australe. Chagutah a dit:

A queima de corpos por soldados é deplorável e provavelmente uma violação do direito humanitário internacional, que proíbe a mutilação de cadáveres e exige que os mortos sejam tratados com respeito.

L'incinération des corps par les soldats est déplorable et constitue probablement une violation du droit international humanitaire, qui interdit la mutilation des cadavres et exige que les morts soient traités avec respect.

D'autre part, le Président namibien Hage Geingob a déclaré que l'organisation ne pouvait pas encore condamner l'acte car une enquête est en cours pour vérifier la véracité des allégations.

Geingob préside également la Troïka de la politique de défense et de sécurité de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC), qui a qualifié la vidéo de « dérangeante » et promis « des actions » une fois les enquêtes terminées, sans préciser ce qui sera réellement fait. En réaction, Zenaida Machado, de Human Rights Watch, a déclaré que l'armée devrait respecter les droits humains dans la région.

Nous espérons lire le rapport bientôt. Vous devez également ordonner à tous les soldats sur le terrain à Cabo Delgado d'agir conformément à la loi et de respecter les droits humains. Expliquez-leur très clairement que des actes comme celui de cette horrible vidéo ne seront pas tolérés.

https://t.co/yvAwhBMDq8

— Zenaida Machado (@zenaidamz) 12 janvier 2023

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