Le Bélarus compte près de 1500 prisonniers politiques

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Selon une ONG biélorusse, il y a actuellement près de 1500 prisonniers politiques en Biélorussie.

Human Rights Center Viasna est une ONG de défense des droits humains de renommée internationale opérant en Biélorussie. Comme l’a rapporté Reuters , elle a joué un rôle de premier plan dans la fourniture d'une assistance juridique et financière aux Biélorusses qui ont été poursuivis après les manifestations de masse qui ont éclaté en 2020. Nombre de ses dirigeants, dont le prix Nobel pour la paix Ales Bialatski [fr], sont illégalement et injustement détenus. Avec Valiantsin Stefanovich, directeur adjoint de Viasna, et Uladzimir Labkovich, l'avocat de Viasna, Bialatski risque  7 à 12 ans d'emprisonnement. Leur procès a débuté le 5 janvier 2023 .

Viasna a publié son rapport annuel sur la situation des droits humains en Biélorussie le 20 janvier 2023. Dans un e-mail, l'équipe de Viasna a écrit à Global Voices que pour l'année à venir :

«Nous espérons voir un changement, mieux tôt que tard, car tant de prisonniers politiques languissent dans les prisons. Chaque jour qui passe, pour eux, c'est une torture sans fin. Notre priorité est d'aider à libérer ces personnes, en particulier nos collègues emprisonnés, les dirigeants et les membres de Viasna »

Global Voices réimprime un extrait modifié du rapport, avec l'autorisation de l'organisation.

La politique répressive des autorités biélorusses

La profonde crise sociopolitique provoquée par l'usurpation du pouvoir et sa concentration entre les mains d'Alyaksandr Lukashenka, qui a refusé d'accepter sa défaite de facto à l'élection présidentielle d'août 2020, ainsi que l'absence d'institutions démocratiques efficaces en Biélorussie, a déterminé la poursuite et l'intensification des politiques répressives des autorités biélorusses en 2022.

Il n'existe pas de véritables mécanismes juridiques pour le changement de pouvoir constitutionnel au Bélarus. Il n'y a pas non plus de protection et de promotion des droits de réunion pacifique, de liberté d'association, d'expression, de protection contre la torture et d'autres types de traitements cruels, inhumains et dégradants.

Les actions de toutes les branches du pouvoir visent à construire un nouveau système totalitaire qui démontre une tolérance zéro à tout écart par rapport à la politique et à l'idéologie officielles. Une atmosphère de peur générale est instillée dans la société. Toutes les manifestations de dissidence sont éradiquées.

L'impact de l'invasion russe en Ukraine

En échange du soutien politique et économique — de la dictature biélorusse sous sanctions — des autorités de la Fédération de Russie, le pays a beaucoup offert. Tout d'abord, les autorités ont autorisé la Russie à utiliser le territoire, l'espace aérien et les infrastructures de la Biélorussie dans le cadre de l'agression russe contre l'Ukraine. Deuxièmement, la Biélorussie a également apporté son soutien politique et informationnel inconditionnel à l'offensive.

Viasna a immédiatement et inconditionnellement condamné l'acte d'agression [c'est-à-dire l'invasion russe en Ukraine] et l'implication du régime de Lukashenka dans cet acte. Viasna pense que l'une des conditions préalables au déclenchement de la guerre a été la suppression de la société civile biélorusse, qui a constamment et sans compromis refusé de soutenir le désir des élites des pouvoirs russe et biélorusse de créer des unions géopolitiques et militaires qui impliqueraient le Bélarus dans la mise en œuvre des ambitions impériales des autorités russes.

La guerre en Ukraine a eu un impact ambigu sur la politique des États et des organisations internationales envers la Biélorussie. D'une part, cela a changé le vecteur de l'attention générale sur le pays, mais, d'autre part, cela a provoqué des conséquences plus larges et un plus grand impact de la politique mondiale sur les processus politiques intérieurs biélorusses.

La construction d'un système totalitaire a nécessité une modification de la constitution. La version actuelle, bien que créée pour soutenir la priorité inconditionnelle du pouvoir exécutif dirigé par Loukachenko, a cessé de satisfaire les besoins du dictateur. Dans le même temps, le cadre législatif a perdu ses caractéristiques juridiques et continue d'être rempli de normes réactionnaires qui ignorent les fondements constitutionnels démocratiques et les obligations internationales du Bélarus. Les principaux outils de maintien au pouvoir et de répression des opposants, des critiques du régime et des dissidents restent les poursuites pénales et administratives, les arrestations arbitraires, les licenciements et les expulsions de fait.

Poursuite des prisonniers politiques

Au 1er janvier [2023], il y avait 1 446 prisonniers politiques en Biélorussie, selon une coalition nationale d'organisations de défense des droits humains. La liste des prisonniers politiques est basée sur un ensemble de principes universellement reconnus prévus par les lignes directrices thématiques . Par rapport à l'année 2022, la liste a augmenté de 477 personnes. Alors que plus de 580 anciens prisonniers politiques ont été libérés en 2022, Viasna a dénombré au total 889 personnes qui ont été qualifiées de prisonniers politiques au cours de l'année.

Viasna a connaissance d'au moins 1 242 personnes condamnées pour des accusations criminelles à motivation politique en 2022. Au moins 2 627 personnes ont été condamnées pour les événements liés aux manifestations de 2020, et près de 3 800 ont fait l'objet de poursuites pénales au cours de cette période. Viasna connaît les noms de 6 381 personnes arrêtées et d'au moins 3 272 condamnées dans le cadre de procédures administratives pour l'exercice de leurs droits et libertés. Parmi celles-ci, 2 274 ont été condamnées à de courtes peines d'emprisonnement administratif et 938 à des amendes.

Poursuite des médias, des journalistes et des avocats

Les autorités continuent de recourir activement à la répression contre les journalistes en lien avec leurs activités professionnelles : selon la  BAJ (Association biélorusse des journalistes), 33 journalistes et professionnels des médias sont actuellement emprisonnés et 43 journalistes ont été arrêtés au cours de l'année.

La législation régissant les activités des associations de la société civile a considérablement aggravé leur position dans un certain nombre de domaines clés. Selon Lawtrend, depuis 2021, environ 1 180 organisations non gouvernementales ont été fermées ou sont en cours de dissolution. Cela signifie la tendance à la démolition des institutions de la société civile continue.

Le système judiciaire ignore systématiquement les normes d'un procès équitable. Ayant perdu les principales caractéristiques d'une institution indépendante et autonome, le système judiciaire est devenu lui-même un instrument de répression contre les avocats. En général, les avocats exercent leurs activités sous une pression, des menaces et un harcèlement constants. Les plus actifs d'entre eux font l'objet de poursuites pénales et administratives, tandis que beaucoup perdent leur droit au travail.

Peines de mort et exécutions : une profonde crise des droits humains

Le Bélarus continue d'appliquer la peine capitale. Au cours de l'année 2022, il n'y a eu aucune information sur de nouvelles condamnations à mort, mais une condamnation à mort antérieure contre Viktar Paulau a été exécutée. Deux personnes sont détenues dans le couloir de la mort en attendant leur exécution. Le gouvernement a encore élargi les motifs législatifs pour recourir à la peine de mort.

La répression à motivation politique est restée généralisée en 2022, témoignant d'une profonde crise des droits humains. Cela a conduit à l'isolement international de la Biélorussie et à de larges sanctions de la part des pays de l'UE, des États-Unis et du Royaume-Uni.

Viasna poursuit son travail actif de protection et de promotion des droits humains. Le 30 septembre 2022, l'organisation a reçu l'Albie Award de la Clooney Foundation for Justice dans la catégorie « Justice Democracy Defenders » (Défenseurs de la démocratie et de la justice). En outre le 8 décembre 2022, elle a reçu à La Haye le prix Human Rights Tulip, fondé par le Gouvernement des Pays-Bas.

Le rapport complet est téléchargeable ici (en anglais).

 

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