Des rapports sur la gestion des fonds Covid en Afrique illustrent le degré de corruption

Image de Olga Lionart via Pixabay

Apparue pour la première fois le 16 novembre 2019 à Wuhan, en Chine centrale, la Covid 19 a surpris la planète en 2019 et causé près de 7 million de morts. Au vu de l'insuffisance d’infrastructure sanitaire de qualité sur le continent africain, la catastrophe était prévisible et les gouvernements se sont mobilisés pour endiguer le mal. Mais loin d’être une occasion de renforcer le système sanitaire, la gestion de la crise a entraîné des pratiques de corruption. Ceci est évident aujourd'hui suite à plusieurs rapports portant sur la comptabilité des fonds alloués à la riposte de la Covid dans certains pays d’Afrique comme le Togo et le Sénégal.

Dénonciation au Togo

Au Togo, la cour des comptes (organe chargé du contrôle des comptes de l’État) du Togo a rendu public le 1er février 2023 son rapport d’audit sur la gestion des Fonds de riposte et de solidarité Covid19 (FRSC). Ce rapport fait état d’irrégularités en ce qui concerne certaines dépenses, et suscite des débats au sein de l’opinion nationale. En effet,  certains marchés ont été attribués sans cadre, et certains fonds ont été dépensés sans justificatif.

Que ce soit à travers des publications sur les réseaux ou par le biais des conférences de presse, plusieurs personnalités dénoncent ces faits de corruption.

Le 07 février 2023, Gerry Taama, président du parti de l’opposition Nouvel Engagement Togolais (NET) et député à l'Assemblée nationale, manifeste sur sa page Facebook son indignation et exige que des sanctions fermes soient prises à la hauteur des écarts de conduite relevés.

(…) c’est un énorme scandale. La lecture de ce rapport m’a donné des frissons. Certains se sont mis bien, et d’autres ont été très négligents, mais en conclusion, l'argent public et l’argent des dons ont été gaspillés, mal gérés ou détourné. (…) Je m’en remets au chef de l’État. Il faut des sanctions et des réparations.

Nathaniel Olympio, éco-entrepreneur et homme politique togolais questionne sur son compte twitter la décision du président Faure Gnassingbé sur le rapport d’audit.

Des regroupements d’organisations de la société civile tapent également du poing sur la table. Le 13 février 2023, 11 mouvements et associations réclament la poursuite des personnes mises en cause par le rapport. Le 14 février 2023, cinq autres organisations exigent la démission du gouvernement actuel.

Au micro de la Radio France Internationale, Thomas Dodji Koumou, économiste et président de la Coalition Lidaw, regroupant plusieurs organisations de la société civile, se dit trahi et s’en remet à la justice pour trancher.

Nous pouvons vous dire aujourd’hui avec certitude que nous sommes en présence d’abus de confiance, de fraude, de fraude fiscale. Nous avons également intégré la sortie de flux par ce qu’on appelle la surfacturation des importations de biens – ça allait dans le cas de la commande des caméras thermiques. Nous comptons désormais sur l'intervention de la justice, qui doit trancher.

Déni du gouvernement togolais

Dans la fièvre de ces vagues d’indignation, le gouvernement par le biais d’un communiqué de presse en date du 9 février 2023, dit prendre acte du rapport publié par la cour des comptes . Toutefois il se réjouit de ce que “ce rapport considère que les dépenses relatives aux mesures barrières, de riposte ou sanitaires sont conformes, régulières et sincères”. Il déclare que:

Les ressources mobilisées à travers le FRSC ont été utilisées conformément aux clauses des accords de dons et de prêts d’une part, et dans le respect des textes en vigueur et de ceux pris dans le contexte d’urgence sanitaire.

Ce déni de toute faute indigne de nombreux Togolais. Dans un tweet, Nathaniel Olympio répond sèchement au premier ministre et à son gouvernement qui qualifient les dépenses épinglées dans le rapport comme “dépenses régulières”. Il écrit:

Anani Sossou, journaliste togolais, stratège en communication politique et de crise, expert en relations publiques, sur son compte twitter s'interroge, quant à lui, sur le satisfecit des autorités gouvernementales eu égard de ce rapport.

Selon le classement de l'Indice de Perception de la Corruption de Transparency International, en 2021, le Togo a un score de 30/100 et est classé 128ème sur 180 pays. En 2022, le pays chute à la 130ème place, ce qui montre à suffisance le niveau de corruption dans le pays.

Manifestation et ouverture d’enquête au Sénégal

Le Togo n'est pas le seul cas avéré de corruption: le Sénégal connaît le même problème. L’opposition et plusieurs mouvements de la société civile réclament en décembre 2022 des poursuites judiciaires suite à la publication d'un rapport sur la gestion des fonds de la Covid. Ainsi, Aminata Touré, ancienne premier ministre et ancienne ministre de la justice du Sénégal proteste sur son compte Twitter:

Dans la foulée, « Sunu’y milliards du ress » (nos milliards ne vont pas disparaître), un mouvement qui voit le jour au lendemain de la publication du rapport, dépose une plainte exigeant la poursuite des personnes citées dans le rapport.

La coalition Yewwi Askan Wi regroupant une partie de l’opposition appelle ensuite à manifester le 30 décembre 2022 à travers un tweet:

Les actions et mobilisations de ces différents acteurs de la société civile sénégalaise ont fini par payer. Le 6 février 2023, selon le journal Le Monde, la justice sénégalaise ordonne l’ouverture d’enquêtes sur des cas présumés de « corruption et d’abus de fonction » dans la gestion du Fonds de riposte contre les effets du Covid-19, et l’affaire est suivie par la division des investigations criminelles de la police judiciaire.

Un problème à l'échelle du continent

Plusieurs responsables des pays d'Afrique subsaharienne sont soupçonnés de corruption, de détournements de fonds ou de mauvaises gestions des fonds consacrés à la lutte contre la pandémie de Covid-19, notamment en Afrique du Sud et au Cameroun. En novembre 2022 au Mali, trois officiels sont inculpés pour mauvaise gestion d'un fonds anti Covid pour “atteinte aux biens publics”, en lien avec la gestion d'un fonds anti-covid d'environ 15 millions d'euros.

Ce problème est également mentionné par des organisations internationales comme l'ONU. Se référant aux exemples du Togo et du Sénégal, Dr Thierno Baldé, responsable des opérations de riposte à la Covid du bureau régional de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) Afrique réitéré le 14 février 2023 une politique de zéro tolérance de l'OMS par rapport à la mauvaise gestion de ces fonds

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