- Global Voices en Français - https://fr.globalvoices.org -

Au Sénégal, bras de fer entre le président Macky Sall et l'opposant Ousmane Sonko à un an des élections présidentielles

Catégories: Sénégal, Droits humains, Élections, Gouvernance, Guerre/Conflit, Liberté d'expression, Manifestations, Média et journalisme, Médias citoyens, Politique, Sénégal, un modèle démocratique à réinventer

Capture d’écran de la chaîne YouTube de France 24 [1]

A un an de l'élection présidentielle de 2024 au Sénégal, le candidat principal de l'opposition, Ousmane Sonko, fait face à un démêlé judiciaire qui ne laisse présager rien de bon pour le processus démocratique dans un pays pourtant longtemps considéré comme un modèle en Afrique.

Ousmane Sonko [2]est une figure de la scène politique sénégalaise: il est président du parti des Patriotes du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité [3] (PASTEF), ancien député à l'Assemblée nationale de 2017 à 2022, et maire de la ville de Ziguinchor [4], dans le sud-ouest du pays depuis 2022. Sonko est un politicien relativement jeune (48 ans) et connu pour sa position panafricaniste, .comme en témoigne ce tweet d’Isaac Amadu [5], historien et anthropologue africain.

Après le succès de l'opposition aux élections locales et législatives de janvier et juillet 2022, où sa coalition fait perdre la majorité absolue au camp présidentiel, Ousmane Sonko annonce en août 2022 son intention de présenter sa candidature à l’élection présidentielle de 2024. Sonko est arrivé troisième à l'élection présidentielle de 2019 avec 15 % des voix derrière Idrissa Seck [8] et le président sortant Macky Sall [9]. En tant que chef de file de l'opposition à Macky Sall [9], au pouvoir depuis 2012, il est maintenant la cible d'attaques visant à le discréditer.

Dans cette vidéo [10] enregistrée par son avocat, et diffusée sur les réseaux sociaux, dont le média sénégalais Senenews [11] sur YouTube, on aperçoit les forces de l'ordre sénégalaises en train de briser la vitre arrière de la voiture de l’homme politique pour le faire sortir manu militari:

La scène a lieu le 16 février 2023 alors que Sonko rentre chez lui après une convocation au tribunal de Dakar. L’opposant fait face à la justice sénégalaise pour « diffamation, injures et faux », dans un procès  intenté [12] par le ministre du tourisme, Mame Mbaye Niang [13] contre sa personne. Sonko a aussi été récemment inculpé pour viol et placé sous contrôle judiciaire en mars 2021, après avoir été visé en février 2021 par une plainte [14] d’Adja Sarr, une employée d’un salon de beauté.

Selon Sonko, ces accusations sont le fruit d’une manœuvre montée de toute pièce par Macky Sall et son gouvernement pour l’empêcher de se présenter à l’élection présidentielle de 2024. En effet, toute condamnation pourrait conduire à son inéligibilité. Sur son compte twitter [15], il se dit être la cible de harcèlement politique:

Selon le journal LaCroix [14], le président sénégalais accuse également Sonko d’être un « agitateur » et un « populiste » suite à des émeutes meurtrières en mars 2021. [17]

Régression démocratique et escalade de la violence politique 

Modèle démocratique en Afrique de l’ouest (3ème derrière le Cap Vert [18] et le Ghana [19] entre 2015 et 2020) selon The Economist Intelligence Unit, [20] le Sénégal est souvent considéré comme un modèle à suivre [21] en Afrique de l'Ouest. Mais depuis 2021, des tensions répétitives, et surtout une éventuelle « candidature de trop » de Macky Sall ternissent cette image. En effet, l’article 27 de la constitution du pays [22], est clair:

Article 27,  Article premier de la loi constitutionnelle n° 2016-10 du 05 avril 2016 portant révision de la Constitution (JORS, numéro spécial 6926 du 07 avril 2016, p.505), article modifiant et remplaçant l’article 27. « La durée du mandat du Président de la République est de cinq ans. Nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs ».

Même si Sall, élu pour sept ans en 2012, puis pour un mandat de cinq ans en 2019, ne s’est pas encore prononcé officiellement sur sa candidature, son silence à l'égard de la question d'un éventuel prochain mandat en dit long. Sall laisse jusqu’à présent planer le doute: le 9 décembre 2021, il déclare dans un entretien sur France 24 [23] “« Je traiterai ce débat en temps voulu, mais je ne poserai jamais un acte qui soit antidémocratique ou anticonstitutionnel. “:

 

Sonko s'affiche comme un sérieux candidat pour la présidentielle prochaine de 2024. L'opposition affine ses armes pendant que nombreux meetings [24] organisés par Sonko ont été interdits [25] ces derniers mois et nombreux militants [26] ont été emprisonnés. D’autres opposants et militants ont également fait l'objet d’arrestations [27] depuis le début des débats autour d’un troisième mandat de Macky Sall.

Lors d’une manifestation pour réclamer la libération [28] de tous les détenus politiques, en mars 2021, au moins cinq personnes ont trouvé la mort. Sonko a aussi été arrêté, ce qui selon LaCroix [14], montre « le véritable visage du président Macky Sall » et illustre « la persécution permanente contre toutes les voies dissidentes ».

Sur Twitter, les citoyens sénégalais n'ont pas manqué de souligner le déficit et le recul démocratique dans le pays.

Cheikh Fall [29], africtiviste sénégalais écrit:

Pisco Galsenboy [33] un autre citoyen écrit:

Alioune Tine [36], fondateur du Think Tank Afrikajom Center [37] crie son indignation:

Hamid [40], juriste d'affaires sénégalais, quant à lui, pointe du doigt Macky Sall d'autres acteurs de vouloir assassiner la démocratie sénégalaise et mettre le pays dans le chaos.

Le rythme des tensions et des dénonciations est un signe certain que la démocratie sénégalaise est plus que jamais menacé.