La campagne #IcazəliMediaIstəmirik (##Nonauxmédiasautorisés) a été lancée en février 2023 par un groupe de journalistes indépendants en Azerbaïdjan. Rassemblés sous ce hashtag, les journalistes protestent contre la nouvelle loi sur les médias, entrée en vigueur l'année dernière, et contre le registre des médias, une ressource d'information électronique gérée par l'Agence de développement des médias d'Azerbaïdjan, créée en janvier 2021. Avec cette nouvelle campagne, les journalistes exhortent le gouvernement à abroger la loi, alléguant qu'elle viole la Constitution azerbaïdjanaise et lève l'obligation de s'enregistrer au registre des médias. Les journalistes affirment que le registre pourrait réduire au silence les dernières plateformes médiatiques indépendantes d'Azerbaïdjan et éroder davantage un environnement médiatique déjà restreint.
Pour s'inscrire, les journalistes doivent remplir une série de critères. Par exemple, ils doivent avoir suivi des études supérieures ; ne pas avoir de casier judiciaire — ce qui est pratiquement impossible pour les journalistes indépendants ou d'opposition, car ils sont souvent interrogés ou harcelés par la police et, dans certains cas, purgent une peine de prison ; ils doivent être sous contrat de travail avec un éditeur, ce qui pose des difficultés aux journalistes indépendants et pigistes. Pendant ce temps, les points de distribution doivent produire un minimum de 20 histoires par jour ; les fondateurs doivent venir d'Azerbaïdjan et être basés dans le pays, ce qui constitue également un défi, car un certain nombre de médias, dont les fondateurs sont basés à l'étranger, ont quitté le pays en raison de la pression de plus en plus forte.
Le calendrier de la campagne
Le système de registre des médias est devenu opérationnel en octobre 2022. Conformément à la loi sur les médias, les médias imprimés et en ligne doivent s'adresser à l'agence des médias dans les six mois suivant la création du registre des médias. Le délai expire ce mois-ci. Selon un communiqué de l'Agence des médias, 200 médias et 180 journalistes ont déposé une demande d'inscription au registre des médias. Parmi ces demandes, 160 médias ont été enregistrés, tandis que l'inscription a été refusée pour les 40 médias restants. Le 12 janvier 2023, Ahmed Ismayilov, directeur exécutif de l'Agence de développement des médias, a déclaré que l'agence prévoit de poursuivre en justice les médias qui ne se sont pas enregistrés auprès de l'agence. Les tribunaux décideront de leur permettre ou non de poursuivre leur travail, a ajouté Ismayilov. Quant aux journalistes ayant refusé de s'enregistrer, ils ne seront pas considérés comme des journalistes a-t-il précisé, tout en ne sachant pas encore toutefois quelles pourraient en être les conséquences officielles.
Ces déclarations ont incité un groupe de journalistes et de professionnels des médias à lancer la campagne intitulée « Nous ne voulons pas de médias licenciés ». Dans un entretien, le journaliste Aynur Elgunesh a expliqué que c'était avant tout la loi elle-même qui dressait les contours du métier de journaliste. Mais à présent, le patron de Media Agency menace les journalistes de restreindre leurs activités professionnelles s'ils ne s'enregistrent pas ou décident de ne pas s'enregistrer. Elgunesh n'est qu'un des nombreux autres journalistes qui ont rejoint la campagne.
« Comment se fait-il qu'il n'existe pas de registre pour les employés médicaux, les entreprises de construction, etc. C'est risible », a déclaré Turan Mehman Aliyev, journaliste et directeur de l'agence de presse lors d'une conférence de presse organisée par les militants en réponse aux déclarations antérieures d'Ismayilov sur inscription obligatoire. La journaliste Khadija Ismayilova, également présente à cette même conférence de presse, a déclaré trouver cela amusant qu'Ahmed Ismayilov [sans lien de parenté avec Khadija Ismayilova] « décide qui est journaliste ou non ».
En réponse à la campagne, Ahmed Ismayilov est revenu sur ses précédentes menaces concernant d'éventuelles poursuites judiciaires. Au lieu de cela, l'enregistrement était volontaire, aurait-il dit. Cependant, il reste à voir si cette affirmation est vraie, en particulier compte tenu de la mauvaise note de l'Azerbaïdjan sur l'indice mondial de la liberté des médias. « Le Président Ilham Aliyev a anéanti tout semblant de pluralisme, et depuis 2014, il a cherché sans relâche à réduire au silence toutes les critiques restantes », lit-on dans le rapport établi par Reporters sans frontières 2022, qui a également classé l'Azerbaïdjan au 154e rang sur 180 pays dans l'indice mondial publié l'année dernière. Selon les informations d'Eurasianet, « cette tentative claire de coopter des journalistes critiques potentiels rappelle un programme d'État introduit en 2013 visant à fournir des appartements gratuits aux journalistes des médias fidèles au gouvernement et de l'opposition ».