Capture d'écran de la chaîne YouTube [1] de l'artiste Smarty, debout près du monument de Thomas Sankara
Au Burkina Faso, l'évolution de la scène musicale reflète l'intégration d'influences panafricaines, diasporiques et internationales et donne ainsi lieu à une diversité de genres et de styles qui en fait son succès.
Une des icônes de la musique burkinabè est le chanteur Amadou Balaké [2] (1944 -2014), longtemps considéré comme l'un des plus grands chanteurs dans son pays, et qui par son parcours illustre bien les changements du paysage musical. Il débute sa carrière dans le genre traditionnel en langues mandé et mossi, puis adopte la salsa afro-cubaine via le groupe sénégalais Africando [3]. Ce genre de mélange musical entre tradition et modernité continue de gouverner la musique burkinabè jusqu'à nos jours.
Pas aussi connue à l'international comme celle du Mali, la musique du Burkina Faso regorge pourtant de genres musicaux originaux inspirés des traditions et des langues de ses peuples. La langue mooré [5] qui est parlé par le peuple mossi [6] (52% de la population au centre du pays) est la langue la plus utilisée dans la musique burkinabè. D'autres langues comme les langues Gur [7] sont parlées par les Gurunsi [8], Gurma [9], Dagaaba [10] et Lobi [11] dans le sud du pays; le peul [12] est pratiqué au nord, et les langues mandé [13] sont parlées chez les Samo [14], Bissa [15], Bobo [16], Sénoufo [17] et Marka; elles participent toutes au patrimoine musical du pays.
Yonko [18], beatmaker et photographe souligne l'importante place qu'occupent les langues locales dans cette musique:
A votre avis est-ce qu’aujourd’hui on a une chance un temps soit peu de se faire remarquer dans la musique burkinabé (plus précisément le rap) sans forcément passer par les langues locales? A mon humble avis non, en tout cas…
— Yonkō (@AAsHbeats) July 18, 2021 [19]
Cette diversité ethnique et ce mélange des langues ont permis au pays de Thomas Sankara, [20]le président du Burkina Faso à de trouver une voie pour élaborer une identité musicale multiple.
Les précurseurs
Nombreux sont les artistes et groupes d'artistes à s'engager dans le développement et la promotion de la musique voltaïque ( référence à la Haute Volta [21], l'ancien nom du Burkina Faso à l'époque coloniale). Ces groupes et artistes ont écrit les plus belles pages de l’histoire musicale du pays : Amadou Balaké, Georges Ouédraogo, [22]Joseph Moussa Salambéré, Mangue Konde & le Super Mandé; l’Orchestre Volta Jazz, l’Orchestre Harmonie Voltaïque, l’Orchestre C.V.D., Tidiani Coulibaly & Les Dafra Stars, Sandwidi Pierre et Simporé Maurice.
Cette vidéo de Georges Ouédraogo témoigne de ce patrimoine:
Une nouvelle génération tournée vers la modernité
Entre les précurseurs de la musique burkinabè et les artistes de la nouvelle génération, on constate une certaine rupture. Les tendances de la modernité tant au niveau africain que sur le plan international se sont implantées et ont insufflé une nouvelle énergie dans les années 80 et 90 en introduisant de nouvelles sonorités. L‘afro-zouk [23], le reggae et bien d'autres rythmes se sont imposés sous la direction des noms comme Amity Meria, Bil Aka Kora, Solo Dja Kabako, Idak Bassave etc…
A cela se sont ajoutés les tendances hip-hop, rap, R&B avec des groupes comme Sofaa, Kouma Kan, Clepto-Gang, Yeleen et des artistes comme Smarty [24], ancien membre du groupe Yeleen.
L'artiste Smarty fait un appel à la conscience collective des Burkinabè dans cette vidéo:
Le zouk [25] et le coupé-décalé [26] ivoirien font également parti des genres musicaux qui ont impacté la nouvelle génération des artistes burkinabè. Selon Wikipedia [26]:
Le coupé-décalé est un genre musical [27] né au début des années 2000 [28] dans la communauté ivoirienne à Paris et devenu populaire en Côte d'Ivoire [29] et dans beaucoup de pays d'Afrique subsaharienne durant les dix années qui suivirent. Aux critiques du matérialisme exprimées par le zouglou (autre genre musical), le coupé-décalé affirme son attachement aux biens matériels, et au regard satirique sur sa société, le coupé-décalé met en avant le divertissement et la mise en scène. Ainsi, « on passe d’une musique engagée et réflexive sur sa société à une musique d’ambiance qui permet de faire la fête
Rythme populaire et moderne, le coupé-décalé a séduit beaucoup d'artistes burkinabè comme Floby [30], Dez Altino [31], Dicko Fils [32], Imilo Lechanceux [33], Kayawoto, Huguo Boss, Razben, Barsa 1er, Agozo [34], Bebeto Bongo, Greg Burkimbila, David Le Combattant et Sofiano [35].
Voici une vidéo de l’artiste Floby illustrant l'influence du Coupé-décalé:
Ici une autre vidéo de Moise Ouattara [36] qui s'inspire elle du zouk:
Un autre genre musical qui fait son entré dans l'arène musicale Burkinabè est le slam. Il fait parti des moyens par lesquels ses fans, surtout les jeunes, sensibilisent et interpellent les gens sur des problématiques sociales. Ce genre de musique est porté par la jeune artiste Malika la Slameuse [37], Rama la slameuse [38] et le parolier Donsharp de Batoro.
Dans cette vidéo, Malika la Slameuse sensibilise sur l'alimentation des enfants:
Sur twitter [39], certains apprécient bien ce que font ces artistes pour la musique Burkinabè.
Justement, eux ce sont des burkinabés mais ils ne font pas de LA MUSIQUE BURKINABÉ . Quand tu écoutes par exemple Awa Boussim , Nabaloum ,Alif , Floby… il y’a ce truc en commun qui fait de ça la vraie musique Burkinabé
— Burkiñd Bilã🇧🇫 (@sweetybananaa) July 20, 2019 [40]
La tradition n'est pas oubliée
Le Burkina Faso peut également compter sur des célébrités telles que Bil Aka Kora [41], Nabalum [42], Miss Tanya [43] , Alif Naaba [44] et bien d'autres talents. Leurs musiques est un mélange des anciennes et nouvelles sonorités. A travers leurs chansons, certains de ces artistes rendent hommage à l'histoire du pays tandis que d'autres dénoncent certains problèmes et sensibilisent.
Ainsi Alif Naaba en collaboration avec l'artiste sénégalais Ismaël Lô [45] qui disent non à la discrimination en est une parfaite illustration:
Comme l'indique le site www.musiques-afrique.net [46]. la tradition reste bien vivante en matière de musique:
Il y a de nombreux artistes très respectés qui font de la percussion (Adama Dramé) de la musique au balafon (Saramaya, Les Freres Coulibaly) ainsi que des ensembles de musique et danse traditionnelles tels que Farafina, Djiguiya ou le Troupe Saaba. Il y a également la musique dite world de Gabin Dabiré, qui, basé en Italie depuis des longues années, s'inspire sur la tradition.
Une playlist complète des musiques burkinabè est disponible ici [47]. D’autres playlists de musique du monde entier sont aussi disponible et accessible via le compte Spotify Global Voices [48].