La présence de la Présidente tanzanienne à un événement des femmes de l'opposition marque le début de relations cordiales

La présidente Samia Suluhu Hassan de la République-Unie de Tanzanie lors d'une visite d'État en 2021. Crédit d'image : Paul Kagame. Attribution-NonCommercial-NoDerivs 2.0 Générique (CC BY-NC-ND 2.0)

La Présidente Samia Suluhu Hassan de la République-Unie de Tanzanie lors d'une visite d'État en 2021. Crédit photo : Paul Kagame. Attribution-NonCommercial-NoDerivs 2.0 Générique (CC BY-NC-ND 2.0)

[Sauf indication contraire tous les liens renvoient à des sources en swahili et anglais]

Alors que le monde célébrait la Journée internationale de la Femme, la Présidente tanzanienne Samia Suluhu Hassan a fait parler d'elle lorsqu'elle a accepté d'être l'invitée principale d'un événement organisé par le conseil des femmes du Parti pour la démocratie et le progrès de l'opposition ( Chama Cha Demokrasia na Maendeleo ou CHADEMA), connu sous le nom de Baraza la Wanawake Chadema (BAWACHA).

Organisé à Moshi, une municipalité et capitale de la région du Kilimandjaro dans le nord-est du pays, l'événement a vu la présidente de BAWACHA, Sharifa Suleiman, et le chef du principal parti d'opposition tanzanien, CHADEMA, Freeman Mbowe accueillir et partager le podium avec la Présidente.

S'adressant à l’assemblée de plus de 3 000 femmes enthousiastes toutes de l'opposition, la Présidente Suluhu a déclaré que l'événement avait ouvert un nouveau chapitre dans l'histoire du pays :

Tendre la main à l'opposition tout en maintenant une relation cordiale avec le gouvernement dirigé par le CCM n'a pas été une tâche facile, et ce n'était pas quelque chose que les partisans de la ligne dure du CHADEMA ou du parti au pouvoir, le CCM, ont accepté facilement.

Elle a ajouté qu'une «nouvelle culture d'unité» avait vu le jour entre son administration CCM et l'opposition, et même si certains critiques n'étaient pas satisfaits de cet arrangement, «ils s'y habitueraient rapidement».

Sous le régime de son prédécesseur John Magufuli, la Tanzanie avait basculé dans l'autocratie . Au cours de son mandat, il a porté un sérieux coup à l'espace civique en promulguant des lois répressives, dont la plupart ont été introduites dans les derniers jours de son prédécesseur – Jakaya Kikwete – pour justifier la censure gouvernementale des espaces civiques et médiatiques, ainsi que pour mener à bien des arrestations arbitraires. L'opposition, par exemple, a été privée du droit de se réunir, comme le stipule l’article 20(1) de la Constitution de 1977 de la République-Unie de Tanzanie . De plus, son régime a persécuté et même incarcéré les députés de l'opposition sur de fausses accusations et prétendu c'étaient des marionnettes de puissances étrangères .

Le geste historique de la Présidente Suluhu d'assister à l'événement de l'opposition intervient à un moment où elle célèbre ses deux ans de présidence , tandis que son parti au pouvoir – Chama Cha Mapinduzi (CCM) –  compte 46 ans d'existence . Depuis son accession au pouvoir, elle n'a cessé de manifester sa volonté de s'éloigner de la voie de régression de son prédécesseur en mettant en œuvre une série de réformes [fr] et en favorisant la réconciliation. Immédiatement après sa prise de fonction en 2021, Samia a ordonné la levée indéfinie de l'interdiction des maisons de presse . L'interdiction des médias était en place depuis 2015.

Lors de son allocution à l'occasion de l'événement de l'opposition, la Présidente Suluhu a raconté comment des obstacles avaient surgi des deux côtés de la division politique, menaçant ainsi le processus de réconciliation.

Citant un exemple du moment où elle a dû lever l'interdiction des rassemblements politiques de l'opposition, elle a révélé que cet effort bienvenu de l'opposition avait été violemment opposé par certains cercles restreints du parti au pouvoir. Elle a ajouté que malgré les difficultés rencontrées pour progresser, elle était déterminée à créer un nouveau climat dans le pays avec un espace civique plus large.

En outre, elle a fait valoir que choisir le dialogue plutôt que la confrontation était essentiel pour des débats courtois. Pour tenter de réfuter les opposants, la Présidente Samia a promis de relancer le processus de révision constitutionnelle au point mort, comme l'opposition l'exige depuis longtemps :

Personne ne dit non aux revendications de la Nouvelle Constitution. Même mon parti a demandé que le processus de rédaction de la constitution soit rétabli. Ainsi, après avoir parlé avec d'autres partis politiques, je créerai en temps voulu un comité pour mener à bien cette tâche.

Dans son allocution de clôture, la Présidente Suluhu a invité les acteurs politiques à mettre de côté leurs différentes convictions et à aider à orienter le pays vers une proéminence économique moderne.

Sous la présidence de Suluhu, le pays a connu des étapes importantes dans l'espace démocratique dans ce que certains commentateurs ont qualifié de « démagufulification de la politique de la Tanzanie ». Elle s'est progressivement éloignée du type de gouvernance autocratique de son prédécesseur en adoptant un style de leadership moins agressif favorisant un nouvel optimisme quant à un retour au respect de l'État de droit et à l’amélioration de la démocratie du multipartisme  .

Son impressionnante philosophie des quatre R, à savoir la réconciliation (Maridhiano), la résilience (Ustahamilivu), les réformes (Mabadiliko) et la reconstruction (Kujenga Upya), a été un pilier déterminant pour tendre une branche d'olivier à l'opposition. Pour la première fois en six ans, les rassemblements politiques de l'opposition ont fait leur retour en janvier 2023, excitant les politiciens de l'opposition et des Tanzaniens en général.

S'exprimant plus tôt lors de l'événement, Freeman Mbowe, chef du Parti pour la démocratie et le progrès (Chama Cha Demokrasia na Maendeleo ou CHADEMA), le principal parti d'opposition, a comblé le président Suluhu d'éloges et l'a remerciée d'avoir respecté l'accord qu'ils avaient conclu pendant leur première réunion à la State House en mars 2022 qui avait eu lieu quelques heures après que les procureurs avaient abandonné les charges contre Mbowe et l'avaient libéré. Le dirigeant de CHADEMA avait été incarcéré sous le régime du défunt Président John Magufuli sur des allégations de terrorisme .

Mbowe a réitéré que la réconciliation ne peut pas être entre seulement deux parties – CHADEMA et CCM – car il y avait d'autres partis politiques, des institutions confessionnelles et des organisations de la société civile, entre autres, qui anticipaient la réconciliation.

Les dirigeantes du conseil des femmes, BAWACHA, ont pour leur part demandé à la Présidente de veiller à ce qu'une nouvelle dérogation constitutionnelle soit mise en place alors que les engrenages politiques se tournent vers les élections générales présidentielles quinquennales du pays prévues pour 2025 .

Les événements politiques récents en Tanzanie montrent la détermination de la Présidente Suluhu à unir les Tanzaniens, quelles que soient leurs orientations politiques. Cela lui a permis de continuer à gagner le cœur de nombreux Tanzaniens .

En novembre 2022, le Parlement tanzanien a adopté une loi sur la protection des données personnelles après une longue attente, une évolution qui a été très bien accueillie par les parties prenantes .

Cette évolution a été suivie par l’ annonce qu'elle avait levé l'interdiction [fr] des rassemblements politiques imposée en 2016 par son prédécesseur radical Magufuli, provoquant le retour de personnalités de l'opposition en exil .

En février 2023, le gouvernement tanzanien est revenu [fr] sur sa position sur la modification de la loi de 2016 sur les médias , lorsqu'il a inscrit le projet de loi d'amendement dans le calendrier du parlement. Le projet de loi, qui a depuis passé sa première lecture , vise à abroger diverses clauses controversées muselant la liberté des médias dans le pays.

Actuellement, la Présidente Suluhu s'est engagée sur la voie d'une série de réformes axées sur les réformes judiciaires et juridiques  et accueillera la vice-présidente américaine Kamala Harris plus tard en mars de cette année, lors d'une rencontre considérée comme une tentative de réparer des relations glaciales avec les deux pays, à la suite de sanctions imposées par les Etats-Unis à cause de l'érosion des libertés civiles sous le défunt président Magufuli.

Malgré les progrès constants, la tâche herculéenne qui pourrait peut-être nuire à l'héritage de Suluhu est le casse-tête des réformes constitutionnelles . Les analystes attestent depuis longtemps que la constitution actuelle qui a été essentielle pour cimenter l'emprise du parti au pouvoir, le CCM, dans le pays , perpétuant ainsi l'impunité sous le régime hégémonique du parti unique.

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