Népal : protéger les zones de conservation contre le développement des infrastructures

Image by Jana Asenbrennarova via Nepali Times. Used with permission.

Image de Jana Asenbrennarova par le biais du Nepali Times. Photo utilisée avec sa permission.

Cet article écrit par Sonia Awale a été initialement publié dans le Népali Times. Une version éditée a été republiée sur Global Voices dans le cadre d'un accord de partage de contenu.

Le Népal, nation du sud d’est de l’Asie est l’un des leaders mondiaux dans la restauration environnementale et dans la conservation. Par exemple, le programme de sylviculture communautaire a permis de doubler la surface forestière pour atteindre 45 pourcents au cours des trois dernières décennies. En outre, les sanctuaires naturels constituent un quart de la superficie totale du pays.

Il y a deux ans, les parcs nationaux du Népal ont célébré cinq années sans braconnage de rhinocéros. Ce pays est également le premier pays de l'aire de répartition du tigre à avoir presque triplé sa population de grands félins.

Mais de nouveaux projets en développement pourraient menacer ces réalisations durement acquises ; des projets d’infrastructures linéaires sillonneront bientôt les parcs nationaux de la région de plaine du Tarai, dans le sud du Népal, qui abrite de nombreuses espèces endémiques et menacées, perturbant l'habitat et bloquant les voies de migration de la faune.

Sur une longueur de 1028 km, près de 400 km de l'autoroute est-ouest traversent des parcs nationaux dans les districts de Parsa, Chitwan, Bardia et Banke. Des lignes de transmission ont été construites dans des zones protégées et d'autres sont prévues. Les canaux d'irrigation tels que Babai, Ranijamara et Sitka obstruent les voies de déplacement de la faune.

« Le Népal est parmi les pays dont la croissance est la plus rapide en termes d'infrastructures, mais les projets sont aussi les moins bien planifiés », déclare Ghana Gurung, directeur national du World Wildlife Fund Nepal (WWF-N).

L'équilibre entre le développement et la conservation est un défi de longue date pour des pays comme le Népal, mais les experts affirment qu'il n'est pas nécessaire de le relever. Les planificateurs construisent désormais des infrastructures avec des mesures de protection respectueuses du climat et de la faune, partout dans le monde. Grâce à l'expertise technique et aux investissements, il n'y a aucune raison pour que le Népal ne puisse pas faire de même.

Dans les faits, les 30 km de l’autoroute Narayanghat-Mugling comportent ses deux premiers passages souterrains pour animaux sauvages du pays, où l'axe routier très fréquenté traverse un important couloir de migration des animaux. Les pièges photographiques installés sur les passages souterrains ont montré que des cerfs, des sangliers et d'autres animaux les empruntaient régulièrement, la moitié des déplacements de la faune ayant lieu en hiver, lorsque les animaux cherchent de l'eau.

L'autoroute Narayanghat-Butwal, qui est en cours de modernisation, comportera 40 passages pour animaux sauvages le long de la section Daunne-Gaidakot. Leur emplacement est déterminé après avoir surveillé les mouvements de la faune dans la région. Le projet, financé par la Banque asiatique de développement (BAD), permettra également de contrôler la fréquence d'utilisation des passages par les animaux.

Ces installations sont nécessaires non seulement pour éviter la fragmentation des habitats de la faune, mais aussi pour réduire les accidents de la route impliquant des espèces menacées.

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Schéma par le biais du Nepali Times. Image utilisée avec leur permission.

Mais il y a des tensions entre les ingénieurs des routes et les défenseurs de l'environnement, le premier donne la priorité à la connectivité, tandis que le second est blâmé pour sa défense unidimensionnelle de la faune et de la flore, sans tenir compte des besoins de l'Homme ou du développement.

Le projet Asia's Linear Infrastructure safeGuarding Nature (ALIGN) récemment lancé, vise à combler cette lacune en protégeant les zones protégées de l'impact des nouvelles infrastructures.

Financé par l’USAID et mis en œuvre par le WWF, le projet ALIGN a été lancé lors de la Conférence des Nations unies sur la biodiversité qui s'est tenue à Montréal en décembre 2022 : le Népal pour sa riche biodiversité, la Mongolie pour ses zones protégées fragiles, et l'Inde qui accélère ses investissements dans les infrastructures.

Le projet ALIGN a trois objectifs principaux : affiner et renforcer les politiques existantes afin qu'elles s'alignent sur les meilleures pratiques internationales, renforcer les partenariats pour promouvoir et soutenir les investissements, et enfin, mettre en œuvre des garanties pour les infrastructures linéaires et le renforcement des capacités.

« Dans l'état actuel des choses, nous disposons d'un cadre politique très faible, mais nous devons le renforcer pour éviter les impacts des grandes infrastructures. Nous allons bientôt les réexaminer », déclare Semina Kafle, du projet ALIGN, dans une interview accordée au Nepali Times.

Elle ajoute : « Nous nous concentrons sur la production de notre propre énergie : notre objectif est de former nos propres experts. Mais il y a un grand fossé entre la façon de penser d'un ingénieur et celle d'un défenseur de l'environnement. Nous avons donc décidé de retourner à l'école et de faire en sorte que l'impact des infrastructures linéaires sur le climat et la faune fasse partie intégrante des études d'ingénierie. »

ALIGN travaille avec l'Institut d'ingénierie (IOE) du campus de Pulchok à l'élaboration d'un programme d'études pour un cours facultatif destiné aux étudiants en génie civil, en génie électrique et en urbanisme.

L'équipe collabore également avec des universités américaines pour faire venir des conférenciers ingénieurs à l'Institut. Au fur et à mesure que la demande et l'intérêt pour ce cours augmenteront, le cours facultatif sera transformé en cours principal, voire en programme de maîtrise.

« Il est essentiel de doter nos étudiants des dernières technologies et de construire des infrastructures linéaires tout en assurant la sécurité de la faune », déclare Shashidhar Joshi, doyen de l’IOE.

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Il ajoute : « Cela se pratique déjà ailleurs dans le monde : cela se pratique déjà ailleurs dans le monde, et nous l'intégrons maintenant dans nos études d'ingénierie pour redéfinir l'infrastructure et la planification. »

Des autoroutes, des lignes électriques ou des chemins de fer piètrement planifiés menacent aujourd'hui de réduire à néant les succès du Népal en matière de conservation. Le braconnage étant largement contrôlé, les zones protégées sont désormais surpeuplées, ce qui entraîne des contacts plus fréquents entre l’Homme et les tigres, les éléphants sauvages et les léopards.

Les passages pour la faune au-dessus ou en dessous des autoroutes, ou encore le passage des canaux d'irrigation peuvent les rendre plus sûrs pour les espèces menacées. Dans le cas contraire, les collisions entre véhicules et animaux sauvages peuvent devenir un problème en raison de l'augmentation du nombre de véhicules circulant à une vitesse plus élevée.

Des itinéraires sûrs pour les animaux réduiront également les contacts entre l’Homme et la faune. Les passages assurent le drainage, évitant ainsi les inondations, d'autant plus que les extrêmes météorologiques induits par le climat entraînent une augmentation des pluies diluviennes et des crues soudaines

Les structures respectueuses de la faune qui traversent les autoroutes et les canaux d'irrigation sont utiles, mais elles doivent être entretenues et surveillées. Un passage souterrain à Barandabhar, un corridor forestier de 29 km de long traversé par l'autoroute est-ouest à Chitwan, est souvent cité comme un passage remarquable pour la faune. Cependant, Sandesh Singh Hamal, du projet ALIGN, affirme que le manque d'entretien l'a transformé en décharge.

Il ajoute : « Qui devrait être responsable de leur entretien ? Il ne doit pas y avoir de conflit de compétence, nous ne pouvons pas nous renvoyer la balle d'une agence à l'autre ».

Le projet ALIGN a une période d'exécution allant jusqu'en septembre 2025, au cours de laquelle il facilitera également l'apprentissage et le partage entre les trois pays concernés. Le Népal se lance dans de grands projets tels que la ligne ferroviaire est-ouest, l'aéroport de Nijgad et l'autoroute Katmandou-Tarai, et les passages pour animaux sauvages doivent être intégrés dans leur planification.

Ghana Gurung du WWF, déclare : « Nous travaillerons avec les gouvernements et essaierons de réunir les ingénieurs et les défenseurs de l'environnement pour veiller à ce que les infrastructures ne perturbent pas les zones protégées ».

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