- Global Voices en Français - https://fr.globalvoices.org -

Choc : les vestiges du Brechin Castle à Trinidad, autrefois « la plus grande usine sucrière (…) de l'Empire britannique ».

Catégories: Caraïbe, Trinité-et-Tobago, Economie et entreprises, Histoire, Médias citoyens, Politique
[1]

Capture d'écran du Brechin Castle prise sur la vidéo YouTube [1] « Brechin Castle sugar factory [f]rom the sky » par Lyndon Baptiste.

Le long de la côte ouest du centre de Trinité siège la ville de Couva [2], qui était à ses débuts un village qui s’est développé autour des cannes à sucre. L’auteur trinidadien Micheal Anthony le décrit dans son livre Towns and Villages [3] comme « l’un des centres les plus dynamiques de la zone de culture de la canne à sucre » et qui « doit sa prospérité à la canne à sucre ».

En 1880, elle fait partie du réseau ferroviaire de Trinité, qui a grandement contribué à sa croissance économique, mais à l’époque ce n’était « en réalité guère plus qu'une clairière dans un champ de canne à sucre ».

La population, composée principalement de travailleurs sous contrat des Indes orientales et d'un petit pourcentage d'Africains, ne devait pas compter plus d’une centaine de personnes. Pourtant, même à cette époque (…), c'était un village animé et vibrant.

En 1886, Brechin Castle [4], qui a été par la suite inclus à la Sevilla House (acquis dans le cadre de la centralisation des domaines sucriers après l'abolition), a été acheté par Turnbull Stewart and Co., qui a ensuite acquis un chemin de fer et des navires. Ces deux moyens de transport donnaient à la compagnie un avantage significatif lors du transport des produits de l’usine jusqu’aux quais, exportant ensuite le sucre à l’étranger.

Pendant des années, la zone a été utilisée de nombreuses manières. Par exemple, lors de la Seconde Guerre mondiale, la base aérienne auxiliaire de Camden (Field) a été construite [5] pour servir de piste d'atterrissage d'urgence. Au fur et à mesure que Trinité-et-Tobago se dirigeait vers une économie basée sur l’énergie, de plus en plus de gens en dehors et au sein de la zone ont recherché à travailler aux alentours de la raffinerie de pétrole [6] à Pointe-à-Pierre, qui après des décennies, a fermé ses portes le 30 novembre 2018.

Cependant au fond, Couva demeure une communauté qui s’est tournée vers l’industrie sucrière dont le fier symbole était le domaine et l'usine sucrière de Sainte Madeleine [7], ainsi que les moulins à sucre associés à Brechin Castle [8]. Le National Trust of Trinidad and Tobago a noté à quel point ce projet était innovant et important à l'époque :

La société a introduit le procédé Vacuum Pan qui, à l'époque, n'était utilisé que par le domaine de Brechin Castle. (…) Il s'agissait également de la première sucrerie centrale de Trinité-et-Tobago, ce qui signifiait que la canne à sucre des domaines environnants y était envoyée pour être traitée. C'était à l'époque la plus grande sucrerie de l'Empire britannique.

Néanmoins, le sucre fit face à un déclin constant. Le glas a finalement sonné le 1er août 2003 avec la fermeture de Caroni Ltd (1975), mettant ainsi fin à la production de sucre à grande échelle dans le pays. En 2009, le gouvernement a décidé de démanteler les usines de Sainte Madeleine et de Brechin Castle, qui ne fonctionnaient plus.

Des décennies plus tard, la question reste un ballon politique [9], non seulement en raison des divisions diplomatiques du pays [10], mais aussi parce que certains anciens employés de l'entreprise qui ont signé des accords de départ volontaire (voluntary separation of employment ou VSEP), maintiennent [11] qu'ils n'ont pas reçu la possession des terres résidentielles et agricoles qui constituaient une condition de leur départ. En 2021, Clarence Rambharat, alors ministre de l'Agriculture, des Terres et de la Pêche, a déclaré [11] que le processus de distribution des terres avait été « substantiellement achevé » (à l'exception de 1 130 personnes que son ministère n'a pas pu localiser) et a conseillé [12] aux bénéficiaires de « cultiver la terre ou de la perdre ».

Un éditorial du quotidien Trinidad and Tobago Newsday datant de près de deux ans suggérait [12] :

Peu de choses ont été faites pour donner suite aux résultats d'une étude réalisée en 2003 par l'UWI sur le potentiel de ses 78 780 acres de terres arables. Aucune banque de compétences n'a été créée pour établir le profil des anciens travailleurs. Les systèmes d'irrigation ont été mis en place de manière sporadique et sans stratégie pour obtenir un résultat axé sur la valeur. (…)

Lors d'une cérémonie de distribution de baux en décembre 2017, M. Rambharat a noté que le paquet de VSEP donné aux anciens travailleurs a coûté 18 milliards de dollars, y compris des actifs fonciers évalués à 10 milliards de dollars.

Bien entendu, cet atout ne devrait pas continuer à être gaspillé.

Cependant, alors que cette lutte se poursuit, Brechin Castle tombe en ruine. Une proposition [13] visant à transformer la zone en ferme photovoltaïque n'a pas eu de suite. Alors le ministre, Rambharat a précisé [14] que le gouvernement avait l'intention de conserver seulement Sevilla House [15] en tant que musée du sucre, en ajoutant que « les usines sucrières et la préservation de l'histoire du sucre étaient deux questions distinctes », une position non partagée [16] par certains utilisateurs des réseaux sociaux.

Le Centre des archives du sucre et le musée du Sucre de Séville ont été officiellement inaugurés [17] le 5 août 2015. Brechin Castle est aujourd'hui dans un état de délabrement [18] avancé, mais reste cependant un rappel brutal de ce qu'était le passé :

@lemniscate_tt [19] L'avez-vous déjà vu en fonctionnement ? #trinidad [20] #abandonedplaces [21] #drone [22] #trinidadandtobago [23] #islandlife [24] #mysterious [25] #trini_tiktoks [26] #trinidad🇹🇹 [27] #fyp [28] #dji [29] ♬ Fly – Ludovico Einaudi [30]

La photographie par drone du site, bien que dystopique, témoigne de l'importance des bâtiments et de la vie qu'ils représentaient, même si Couva n'était à l'origine « qu'une simple clairière dans un champ de canne à sucre ».