En République Démocratique du Congo, les prénoms étrangers et ceux des stars ont la côte

Image de Icicongo, utilisée avec autorisation

Cet article est repris sur Global Voices dans le cadre d'un partenariat avec www.icicongo.net . L'article original est à retrouver sur le site icicongo .

En République Démocratique du Congo (RDC), dans certaines familles, on préfère donner aux enfants des prénoms de stars, de grands écrivains ainsi que des prénoms étrangers au détriment des noms de leurs cultures locales. Si certains se justifient par le problème du tribalisme, d'autres se réfèrent aux exigences de leurs Églises. Une situation qui est à la base de la perte d'identité de plusieurs générations.

Kambula Claude est un étudiant dans une institution supérieure de Béni, à l'Est de la République Démocratique du Congo (RDC). Interpellé en pleine réunion, la colère le prend:

Je n'aime pas qu'on m'appelle par ce nom de Kawalina. Claude suffit largement pour m'identifier.

Ils sont nombreux ceux qui préfèrent des prénoms empruntés au détriment, parfois de leur culture locale. Ils ne supportent plus d'être appelés par leurs prénoms en langue locale et acceptent mieux les noms des stars de la musique ou du cinéma, des grands personnages de la littérature occidentale, ou encore des noms de saints.

Comme tente de convaincre Petit Lionel, dans une chronique musicale dans une radio de Butembo :

« Nous sommes des artistes. Les noms de nos familles n'ont rien à faire avec notre métier de scène. Les noms que nous portons sont ceux des stars dont nous interprétons les chansons. Ils nous font bien accepter devant notre public

Même dans les communautés pygmées, nombreux se réservent de donner des identités liées à leur culture. Le prénommé Alphonse est un agent dans une organisation non gouvernementale basée à l'est de la RDC. En ce début de décembre, il se rend à Oicha, à environ 30 km au Nord de Beni, pour identifier des ménages de pygmées en prévision d'une activité de distributions de vivres à certains habitants du coin. Le soir il revient du camp des pygmées très épuisé car il n'a pas pu trouver les noms authentiques des personnes qu'il voulait identifier.

Selon Alphonse:

« Tout ce qu'ils ont réussi à dire, ce sont des noms des musiciens. Tu vois quelqu'un te dire qu'il s'appelle Fally, l'autre Werrason, l'autre encore Ferre ou Koffi… Est-ce que ce sont leurs vrais noms !.

Échapper  au tribalisme

Selon certains psychologues, certaines personnes refusent d’être appelées par leurs noms d’origine pour éviter d’être victime du tribalisme dans un pays de plus de 100 ethnies,  et d'autres discriminations. Comme l'explique explique Marie Léa Wasukundi, chef de travaux en psychologie:

Dans certaines organisations, pour accéder à l’emploi on a toujours tendance à vouloir connaître votre tribu, votre colline, votre village… C’est pourquoi de nombreuses personnes utilisent des prénoms occidentaux en lieu et place de leurs noms de famille.

Une observation que partagent certaines personnes qui ont eu du mal à trouver de l’emploi car portant des prénoms rattachés directement à leurs communautés ethniques:

Mon nom c’est Kambale. Mais c’est grâce à un ami Rega (une communauté du Sud-Kivu, Ndlr) que j’ai eu le poste que j’occupe aujourd’hui. J’ai postulé sans faire mention de mon nom de Kambale et on m’a retenu. J’ai toujours expliqué que Kambale est un surnom qu’on m’avait donné quand j’étais étudiant dans la partie Nord de la Province du Nord-Kivu

Dans certaines familles, on préfère même oublier la langue maternelle s’il s’agit d’un dialecte de tribu. Nombreux s’expriment donc en français, en Kiswahili ou en Lingala… Kahindo Kambalume, chercheur en histoire des civilisations explique:

C’est pourquoi beaucoup de gens ne connaissent plus leur histoire, leurs origines ainsi que leurs généalogies. Et la culture locale se meurt.

Gilbert Siryasi, un autre interlocuteur témoigne pour sa part:

J’évite de donner à ma progéniture des noms comme Masika, Kavira, Kambale, Sondirya,… parce qu’ils sont objet de tribalisme dans certaines régions de notre pays où mes enfants étudient ou travaillent.

Rôle de la religion

Pour certains psychologues et sociologues, des garçons peuvent également avoir plusieurs prénoms dans leur vie en passant à la puberté puis à l’âge adulte. Les sentiments éprouvés à l’arrivée du nouveau-né peuvent aussi être sources d’inspirations. C’est pourquoi avec beaucoup de joie sont apparus « Bijou », « Trésor » ou « Fortuné ». L’empreinte colonisatrice est aussi très forte. Que la référence soit aux colonisateurs (« Léopold » en référence à la Belgique), à la religion importée (« Marie ») ou même aux nouvelles modes (« Marley », « Jackson »).

Dans certaines Églises, le baptisé est obligé de prendre un nouveau nom, celui qui l’identifie à un saint de l’histoire. Kahambu Siwako, vendeuse au marché central de Butembo affirme :

Pour ne pas changer les noms de mes enfants, à la naissance je consulte seulement le calendrier des Saints pour trouver un nom qu’il portera même le jour de son baptême.

D’autres encore donnent à leurs enfants des noms des personnalités qui les ont marqués pendant la période de grossesse ou même de leur parcours scolaire. C’est ainsi qu’on retrouve des noms comme Socrate, Aristote, Archimède, en référence avec des notions de philosophie et de physique. Et même des noms comme Jackson, Lionel, Michael qui tirent leurs origines de célèbres musiciens américains comme  Michael Jackson, Lionel Richie. Certains préfèrent une combinaison des prénoms des époux… C’est le cas de « Erache » qui vient d’« Erasme et Rachel » ou encore « Mirade » pour « Myriam et Dieudonné ».

Pourtant, l’article 58 du code de la famille de la DRC stipule que « les noms doivent être puisés dans le patrimoine culturel congolais ». A l’article 64 du même code il est écrit qu’« il n’est pas permis de changer son nom en tout ou en partie ou en modifier l’orthographe ni l’ordre des éléments tel qu’il a été déclaré à l’état civil. Le changement ou la modification peut toutefois être autorisé par le tribunal de paix pour juste motif et en conformité avec les dispositions de l’article 58 ».

Pour le président de l’ASSTA (Association des sages solidaires du troisième âge) c’est par ignorance que certaines personnes se permettent de changer les noms proposés par leurs parents. Il précise:

Selon la coutume locale, le nom doit être respecté car il est une force

Un agent de la Bibliothèque nationale au Nord-Kivu soutient pour sa part:

Être fier de son nom est en réalité un respect pour sa famille et sa culture.

Le nom, c’est la personne

Dans plusieurs communautés, le prénom peut avoir des valeurs, des symboliques différentes en fonction des cultures et des époques. Il peut être inventé, et être issu de certaines cérémonies. Il peut être caché, secret ou influencé par la géopolitique. Il tient ainsi compte de l’importance de la phonétique, de la filiation, de la numérotation, des origines, des caractéristiques physiques et même des échanges économiques.

Silvie Ngeleka, qui aujourd'hui veut que ses enfants portent des noms liés à sa culture regrette:

Le comble est qu'actuellement on recherche plus un prénom à la mode ou qui sonne bien au détriment de sa signification voire parfois de son orthographe. Et pour la plupart de cas, il faut voir l'énergie que fournissent des grands-pères et des grands-mères pour prononcer des prénoms de leurs petits. Ils vont jusqu'à trouver leur propre phonétique pour les appeler .

Clairement dans les cultures de la RDC , le choix du prénom a une grande importance car a il a une relation directe à destinée de la personne.

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