Au Togo, le digital tente de mettre en valeur l'utilisation des langues nationales

Capture d'écran présentant les alphabets de la langue Ewe, prise sur de la chaine YouTube de Sena Gameli

Au Togo, la promotion des langues nationales hormis le français relève surtout d'initiatives personnelles en ligne, même si le gouvernement tente de promouvoir leur enseignement.

Alors que le français demeure la langue officielle du Togo, 53 langues locales y sont parlées. Elles appartiennent principalement à deux groupes: les langues gour parlées au nord, et les langues kwa parlées au sud. Les deux groupes sont rattachés à la famille linguistique nigéro-congolaise. Parmi toutes ces langues, on distingue l’éwé, le kabyè, le tem, le moba, le peul. Deux de ces langues sont reconnues comme langues nationales du pays depuis 1975: l’éwé, qui domine au sud du pays, et le kabyè, pratiqué surtout au nord.

La reconnaissance de ces deux langues contribue théoriquement à leur insertion dans le système éducatif du pays, car elles sont non seulement parlées mais aussi écrites. Elles occupent toutefois une fonction relative car elles sont reléguées au rang de matières facultatives dans le système éducatif, et ce à partir du cours secondaire.

De plus, elles ne sont pas enseignées sur l’ensemble du territoire, et ne sont pas utilisées pour enseigner d'autres disciplines. En effet, malgré des déclarations d'intention fréquentes, comme ce symposium sur l’introduction du bilinguisme dans l’enseignement tenu en juillet 2022 au cours duquel les autorités togolaises manifestent leur volonté d'introduire l’enseignement en langue éwé dans la région Maritime au sud du pays, et en Kabyè dans la région de la Kara au nord du pays, les enfants togolais ont rarement la possibilité de suivre des cours de langues nationales autres que le français.

Une mosaïque linguistique qui complique l'enseignement des langues

La situation n'est pas la même si on compare l'éwé et le kabyè. Le sud est plus homogène linguistiquement parlant, et la grande majorité des habitants parle l'éwé à la maison et dans la rue. Au nord,  e kabyè ne domine pas le paysage linguistique de façon aussi marquée du fait de la réticence d'autres ethnies de cette partie du territoire à l'apprendre au détriment de leurs langues locales.

Dans une parution, le site icilome pose les clefs du débat:

(…)Le kabyè et l’ewé étaient enseignés comme deuxième voire troisième langue, respectivement au nord et au sud du pays. Sans aucune réussite notable. Si l’Ewé constitue la lingua franca dont l’enseignement était accepté sans conteste par la majorité des citoyens au Sud, l’enseignement du kabyè l’était moins au nord, qui a un paysage sociolinguistique beaucoup plus varié(…)

Dans un post sur sa page Facebook, la plateforme Veille Citoyenne Togo, une organisation de la société civile togolaise, revient sur cette volonté des autorités en ce qui concerne l'enseignement de ces deux langues:

L'enseignement des langues nationales à l'école.
La réforme de l'enseignement au Togo en 1975 a introduit l'enseignement du kabyè et l'ewe dans les écoles publiques sur toute l'étendue du territoire national. L'enseignement de ces 2 langues était dans le but de renforcer l'unité nationale.
47 ans après, il est important d'apporter des améliorations à cette réforme parce que l'unité nationale ne saurait se faire avec 2 langues nationales.
Au Togo, il existe plus de 50 langues locales, mais chaque région a une langue dominante.
Il serait donc nécessaire, et dans le souci de l'unité nationale d'enseigner la langue dominante d'une région dans toutes les écoles publiques de ladite région.
En Effet, le Moba qui est la langue dominante dans la région des savanes doit être enseigné uniquement à tous les élèves inscrits dans les écoles publiques et privées dans cette région.
Le Tem qui est la langue dominante dans la région Centrale doit être enseigné aux élèves de toutes les écoles publiques et privées dans cette région.
Par ces 02 exemples concrets, l'ewe et le kabyè doivent être respectivement enseignés dans la région maritime et dans la région de la kara.
Au Ghana, ce système a été adopté pour préserver l'unité nationale du pays.
Par ailleurs, dans le souci de l'unité nationale, il faut introduire une réforme qui modifie la loi qui fait de l'ewe et du kabyè les 2 langues nationales. Il faut élargir cette liste à 5 langues nationales correspondant aux 5 régions du Togo.
Le Moba, le Tem, et Ouatchi doivent être ajoutés à la liste des langues nationales au Togo.
A la télévision nationale et dans les médias publics, le journal en langue nationale doit se faire dans les 05 langues nationales cités ci-dessus.

Les commentaires sous ce post démontrent à suffisance la divergence des uns et des autres par rapport à la position des autorités.

Le digital au secours de l’enseignement de l'éwé

Un élément essentiel est en train de changer la donne: l'usage répandu des smartphones et l'accès à l'internet. Ainsi, la digitalisation de l'enseignement et de la pratique des langues locales devient une réalité.

Cette vidéo de TV5Monde montre comment le smartphone est introduit comme support pédagogique grâce à une application développée au Togo et introduite dans certaines écoles:

 

Dans le contexte togolais, on peut citer l'exemple de Roger Mawulolo Lasmothey, un Togolais vivant au Sénégal, blogueur et passionné de cette langue. Il est l'initiateur de cours en ligne en langue Ewe.

Sur son compte Facebook, il donne des indications pour apprendre cette langue, comme le montre cette capture d'écran:

Sur son compte Twitter, il explique le terme indépendance dans cette langue locale:

Ces initiatives lui ont valu des nominations à des prix nationaux, comme la cinquième édition de Togo Top Impact, un évènement qui récompense les acteurs togolais qui ont impact grâce à leur engagement.

Une autre initiative est l'enseignement de la langue éwé, initié par Sena Gameli sur son compte YouTube. Sena est un jeune Togolais qui est né et a grandi en France mais qui veut rester proche de ses racines africaines.

Ici, une vidéo de ses leçons sur sa chaîne YouTube:

Il a ainsi permis à plusieurs personnes d’avoir des notions de bases tant à l’oral qu'à l'écrit. Des commentaires sous cette vidéo témoignent de son apport à l'apprentissage de cette langue auprès des Togolais de la diaspora. Selon des estimations de 2016, la diaspora togolaise compte 1,5 à 2 millions de personnes dont 80% réside dans des pays africains comme le Ghana, le Nigéria, la Côte d’Ivoire, le Bénin, le Burkina Faso, et en Europe, principalement en Allemagne, France, Italie, et Belgique.

Ces initiatives linguistiques en ligne démontrent un véritable appétit pour l'apprentissage et la pratique en ligne. La balle est désormais dans le camp du gouvernement qui devrait accélérer les moyens pour un enseignement moderne et efficace en ces langues.

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