Exploitation minière des grands fonds : aucune décision n'a été prise en Jamaïque, mais les jeunes militants poursuivent leurs actions.

Solidarité sur le front de mer : La 28e session de l’Autorité internationale des fonds marins a débuté le 16 mars dernier. Des délégués du monde entier se sont retrouvés à Kingston en Jamaïque deux semaines. après la signature du traité international de protection de la haute mer par les États membres des Nations unies. Ce sommet se déroule à un moment critique pour l’avenir des océans alors que les entreprises d’extraction minière se mettent en ordre de marche pour démarrer cette activité potentiellement dangereuse. Photo © Martin Katz/Greenpeace, utilisée avec son aimable autorisation.

[Sauf mention contraire, tous les liens de cet article renvoient vers des pages web en anglais, ndlt.]

Prêts et déterminés ! Avec le soutien de Greenpeace États-Unis, un mouvement collaboratif de militants climatiques jamaïcains, impulsé par Jamaica Climate Change Youth Council (JCCYS) et Sustainable Ocean Alliance Caribbean, s’était organisé pour l’ouverture [fr] du Conseil de l’Autorité internationale des fonds marins (AIFM) le 16 mars dernier. Le groupe avait déjà commencé à alerter [fr] les Jamaïcains sur la menace que représente l’exploitation minière des grands fonds : un grand événement s’était déroulé à l’Université des Indes occidentales le 26 janvier dernier et il faisait suite à une campagne lancée en septembre 2022.

30 des 36 membres du Conseil de l’AIFM ont participé à la première partie de cette 28e session qui s’est achevée le 31 mars dernier au centre-ville de Kingston. Les 12 jours de négociations ont essentiellement porté sur la rédaction d’une réglementation pour encadrer l’exploitation minière des grands fonds et prévenir les effets potentiellement désastreux sur l’environnement, la biodiversité marine et les changements climatiques.

Dahvia Hylton, co-responsable de la recherche, du développement et de l’élaboration des politiques au Jamaica Youth Climate Council, accueille le militant maori et membre de Greenpeace Aotearoa, James Hita (au centre) ainsi qu’une délégation d’îliens du Pacifique. Quack Pirihi, militant maori de 20 ans et membre du groupe, porte le drapeau maori, à savoir le Tino rangatiratanga. Le 26 mars dernier, à proximité des côtes costaricaines, Quack Pirihi a plongé en déployant la banderole « Don’t Mine the Moana » (pas d’extraction minière dans le Moana en français). Photo d’Emma Lewis, utilisée avec son aimable autorisation

La délégation internationale comprenait un groupe composé de militants de plusieurs États du Pacifique, à savoir Hawaï, Papouasie–Nouvelle-Guinée, Nouvelle-Zélande et les Îles Cook, et représenté par James Hita, un militant maori également membre de Greenpeace Aotearoa. Le groupe est arrivé de Nouvelle-Zélande à bord du navire de Greenpeace Arctic Sunrise. Lors d’une cérémonie émouvante organisée sur le front de mer du port de Kingston, l’aîné hawaïen et chef autochtone Solomon Kaho’ohalahala, surnommé « Oncle Sol » a retiré ses chaussures pour demander au Colonel Marcia Douglas, responsable des Charlestown Maroons, l’autorisation de débarquer sur le sol jamaïcain. Des percussionnistes Maroons ont réservé un accueil chaleureux aux visiteurs et les militants ont dansé ensemble pour célébrer leur solidarité.

À gauche : l’aîné autochtone hawaïen, Solomon Kaho’ohalahala (« Uncle Sol »), réalise une incantation traditionnelle pour demander au Colonel Marcia Douglas, cheffe des Charlestown Maroons de la Jamaïque, l’autorisation de débarquer sur l’île. Le responsable hawaïen et une délégation de militants sont arrivés à bord du navire de Greenpeace Arctic Sunrise, le premier jour des négociations de l’AIFM sur l’exploitation minière des grands fonds. À droite : les percussionnistes Maroons écoutent la cérémonie sur le front de mer de Kingston. Photos d’Emma Lewis, utilisées avec son aimable autorisation.

Greenpeace États-Unis a twitté :

Une délégation de Greenpeace accompagnée de militants du Pacifique s’est rendue à la 28e session de négociation de l’AIFM à Kingston, en Jamaïque, à bord du @greenpeaceships Arctic Sunrise pour tirer la sonnette d’alarme face aux dangers liés à l’exploitation minière des grands fonds.

pic.twitter.com/VKEcU4gkdW

— Greenpeace International (@Greenpeace) 23 mars 2023

Cette action des jeunes militants a été la première d’une série de temps forts en marge du Conseil de l’AIFM attirant progressivement l’attention des médias jamaïcains. Le JCCYC et ses partenaires ont organisé des manifestations sur le front de mer devant le centre de conférences où se déroulait le sommet. Les délégués pouvaient voir les banderoles des manifestants depuis l’espace de restauration.

La banderole du JCCYC sur le front de mer du port de Kingston. Photo d’Emma Lewis, utilisée avec son aimable autorisation.

Pendant le sommet, les militants présents ont sympathisé dans l’enceinte du centre de conférences. Dans le message ci-dessous publié sur Twitter, Daniel Caceres Bartra, responsable de Sustainable Ocean Alliance (SOA) en Amérique du Sud, à gauche de la photo, a été photographié avec des représentants du World Wildlife Fund et du Vanuatu, fer de lance, avec de jeunes militants de l’ONU, d’une résolution historique pour la justice climatique adoptée le 29 mars dernier. Khadija Stewart, originaire de Trinité-et-Tobago, à droite de la photo, a travaillé avec des collègues jamaïcains de la section régionale de la SOA dans les Caraïbes.

Le combat pour les océans est meilleur avec des amis.

@KajaFjaertoft @SOAlliance pic.twitter.com/suejOm4Viz

— Daniel Cáceres Bartra (@caceresbartra) 31 mars 2023

Alison Stone-Roofe, représentante permanente de la Jamaïque auprès de l’AIFM, a déclaré lors du Conseil de l’AIFM que les autorités jamaïcaines souhaitent « rester dans une approche consultative et conserver l’équilibre entre les points de vue de toutes les parties prenantes », alors que le sommet et les manifestations se déroulaient à quelques encablures des locaux du ministère jamaïcain des Affaires étrangères et du Commerce extérieur.

Malgré l’inquiétude croissante de certains pays, les négociations n’ont abouti à aucun résultat, au grand dam des militants, ce qui a incité un média local en ligne à publier :

Aucun accord n’a été trouvé pour réguler l’exploitation minière des grands fonds. Pour en savoir plus, cliquez sur ce lien : https://t.co/Kc6KCDTTQf@ISBAHQ

Photo : Notre présent
#OTNews #Sea #Pollution #Jamaica

— OUR TODAY (@Our_Today_News) 2 avril 2023

Résolu à faire progresser le dossier sur l’exploitation minière, Michael Lodge, secrétaire général de l’AIFM, avait déclaré lors des négociations que « la balle est désormais dans le camp du Conseil de l’AIFM qui se réunit pour travailler sur le code minier. Il est déjà bien avancé et nous avons six semaines devant nous ». Le Conseil se réunira à nouveau le 10 juillet prochain.

Pour les militants de Greenpeace, les négociateurs ont « raté une occasion unique d’agir lors de cette 28e session de l’AIFM » et ils ont « laissé la porte ouverte » à une exploitation minière des grands fonds qui pourrait débuter dès juillet.

Le groupement d’ONG Deep Sea Conservation Coalition a affirmé de son côté :

These negotiations have made it abundantly clear that there is a deeply entrenched pro-mining agenda within the ISA Secretariat and the ISA is not fit for purpose. It must be reformed so that it truly acts for the benefit of humankind as a whole.

Ces négociations ont clairement prouvé que l’AIFM est inadaptée et que son secrétariat protège la cause minière. Elle doit être réformée pour agir dans l’intérêt de l’humanité.

Le JCCYC a maintenu la pression jusqu’à la fin du sommet de l’AIFM :

Eh oui, l’exploitation minière des grands fonds est un dossier en suspens.

Pour en savoir plus, nous vous invitons à un échange sur la haute mer : Réunion d’information et temps de convivialité à l’extérieur

Vendredi 31 mars 2023 de 12 h à 13 h,
Pelouses du front de mer, centre-ville.

pic.twitter.com/fOqnlIYbRy

— OurFootPrintJa (@OurFootprintJA_) 28 mars 2023

Malgré l’incertitude sur l’avenir des océans et l’échéance du mois de juillet, le groupe de militants jamaïcains reste déterminé à communiquer dans les médias du pays et auprès du grand public. Les médias locaux continuent à s’intéresser au sujet, plusieurs interviews ont été diffusées à la radio et à la télévision. Le mouvement de jeunes est intervenu lors de l’édition 2023 du Earth Hour, et Robyn Young de la SOA a pris la parole lors d’une réunion du club Rotaract. Le principal quotidien jamaïcain The Gleaner a consacré un éditorial à cette campagne pour appeler les autorités à « clarifier leur position ».

Une semaine après le sommet, Dahvia Hylton de JCCYC a partagé ses impressions mitigées dans un commentaire en ligne pour Global Voices :

It has been heartening to see the improved numbers of citizens showing up and caring about the issue of Deep-Sea Mining. It is worrying, however, how quickly the ISA is rushing toward an irresponsible deadline for a new industry that can change the world we live in.

Those of us not in the room are not just spectators to the decisions they make, especially as these decisions affect us too. I look forward to the meetings in July being more open, and more member states making their concerns heard. I congratulate the member states that have been brave enough to join the call for a pause, moratorium or ban on yet another extractive industry.

Voir un nombre croissant de citoyens se mobiliser et s’intéresser à l’exploitation minière est encourageant. Toutefois, l’AIFM s’est dépêchée de fixer une échéance, ce qui est inconscient quand on sait que cette nouvelle industrie extractive risque de changer le monde dans lequel nous vivons. C’est alarmant !

Nous sommes certes absents de la salle, mais nous ne sommes pas de simples spectateurs et les décisions prises nous concernent également. J’espère que le sommet de juillet sera plus ouvert et qu’un plus grand nombre d’États membres exprimeront leurs craintes. Je félicite les États qui ont eu le courage de se joindre à l’appel et qui ont demandé une pause, un moratoire ou une interdiction de cette activité extractive.

À l’occasion de la Journée de la Terre, le 22 avril prochain, le mouvement jamaïcain en plein essor visitera le sanctuaire White River Fish Sanctuary situé sur la côte nord de l’île pour une journée de militantisme, de musique et de camaraderie qui vise à élargir sa base de soutien. Les militants ont également prévu d’intervenir dans les écoles lors de la Journée de la biodiversité qui se déroulera le 22 mai prochain. Les activités se poursuivent, mais la question de l’exploitation minière des grands fonds sera à l’ordre du jour. Elle reste un problème en suspens dans les Caraïbes, dans la région Pacifique et au-delà.

2 commentaires

Ajouter un commentaire

Merci de... S'identifier »

Règles de modération des commentaires

  • Tous les commentaires sont modérés. N'envoyez pas plus d'une fois votre commentaire. Il pourrait être pris pour un spam par notre anti-virus.
  • Traitez les autres avec respect. Les commentaires contenant des incitations à la haine, des obscénités et des attaques nominatives contre des personnes ne seront pas approuvés.