Des jeunes activistes au cours d'un flash mob, une manière de protester, contre le maintien de la junte au pouvoir. Photo de Yangon Revolution Force, utilisée avec permission

Au Myanmar, le mouvement pro-démocratique continue de défier la junte qui s'est emparée du pouvoir par un coup d'État en février 2021. Le gouvernement d'opposition, les groupes armés ethniques, les activistes urbains et les médias en exil demandent tous la fin de la dictature militaire, le rétablissement d'un gouvernement civil et la relance de la transition du pays vers un régime démocratique.

Des rassemblements massifs contre la junte et un mouvement de désobéissance civile ont vu le jour contre la dictature militaire immédiatement après le coup d'État. La junte a réagi en réprimant violemment les actions de protestation, en retirant les licences des médias indépendants et en désignant le gouvernement d'opposition comme un groupe terroriste. Une répression systématique de la dissidence vise les jeunes militants, les dirigeants de l'opposition, les journalistes et les citoyens soupçonnés de soutenir le mouvement pro-démocratique.

Malgré les arrestations massives et les violences, l'opposition à la junte continue de recueillir le soutien du public, comme en témoigne la « grève silencieuse » coordonnée dans tout le pays. Des militants rejoignent également la résistance armée dans les communautés rurales ou alimentent l'opposition dans les zones urbaines.

À l'aide d'un réseau solidaire, Global Voices a interviewé les groupes Yangon Revolution Force (YRF) et Artists Collective concernant les perspectives de la lutte urbaine contre la junte et son état actuel.

Après la violente dispersion des rassemblements, les activistes ont organisé des flash mobs, des mobilisations éclaires, pour échapper aux forces de sécurité tout en diffusant le message de la résistance. Oakkar, un porte-parole de YRF, explique comment ces flash mobs sont organisés.

Au départ, nos flash mobs comprenaient 30 à 40 personnes, mais lorsque la répression est devenue mortelle, nous avons réduit nos effectifs à des groupes de 10 à 20 personnes. Au final, la plupart d'entre nous ont été appréhendés et nous avons dû opérer dans des unités encore plus petites.

Artists Collective, un groupe d'artistes rebelles, soutient la valeur des flash mobs dans la résistance globale.

Les grèves douces et les flash mobs sont très efficaces. Nous devons continuellement montrer aux fascistes qu'ils ne contrôlent pas la situation. Nous pensons que ces campagnes gagnent en importance au fil du temps.

Les images et les vidéos de ces actions deviennent souvent virales et reflètent le soutien des internautes du Myanmar. Oakkar partage comment les militants utilisent au maximum les différentes plateformes pour atteindre le plus grand nombre de personnes :

Lorsque la junte a commencé à réprimer brutalement les manifestations pacifiques et à restreindre l'accès à l'internet, nous avons commencé à organiser des flash mobs. Nous ne nous attendions pas à ce que nos campagnes deviennent virales ou soient applaudies ; nous avons simplement agi en fonction des besoins et relayé l'information aux médias. Le soutien du public nous a donné la force de continuer. Nous avons également tiré parti de plateformes telles que Telegram et Instagram. Il est risqué pour les gens de s'intéresser à nos messages sur Facebook en raison des répercussions potentielles, mais nous continuons à innover pour prouver que la junte ne peut pas gouverner.

Un rassemblement éclair contre la junte. Sur la bannière est écrit : « Les rebelles urbains de Rangoun, » Rangoun étant la plus grande aire urbaine du Myanmar. Photo de Yangon Revolution Force, utilisée avec permission.

Une autre initiative innovante, la campagne Longyi, consiste à afficher des messages de protestation dans les vêtements traditionnels du Myanmar.

La campagne Longyi est une source de fierté pour nous. Le Longyi est notre vêtement traditionnel, une jupe portefeuille portée par les hommes et les femmes. Nous avons écrit sur le tissu des messages révolutionnaires pouvant devenir visibles en ajustant le Longyi dans la foule. La campagne a reçu de nombreux éloges et un vaste soutien. C'était un moment de fierté pour nous.

Une autre forme de protestation, risquée, consiste à parler de la campagne anti-junte à des inconnus dans la rue.

Une autre campagne risquée pour nos membres est d'approcher des personnes au hasard dans la rue pour discuter du simulacre d'élection à venir, organisé par la junte. Cette tâche est dangereuse : si les personnes approchées sont des espions ou des partisans de la junte, nous risquons l'emprisonnement. Mais nous avons réussi à la mener à bien.

Sur le longyi, nous pouvons lire le message « la junte va tomber. » Photo de Yangon Revolution Force, utilisée avec permission.

Oakkar raconte les difficultés qu'ils rencontrent pour mener des tactiques de guérilla dans les centres urbains :

Il est extrêmement risqué pour nos camarades d'opérer à Yangon. L'intensification des patrouilles, l'augmentation du nombre d'espions et la mise en place d'une surveillance avancée rendent les opérations dans la ville difficiles et gourmandes en ressources. Malgré l'économie en ruine, les habitants sont prêts à louer des planques à nos membres pour un prix plus élevé. Le coût des opérations est élevé en raison de la nécessité d'employer plusieurs éclaireurs pour en assurer la sécurité.

Artists Collective souligne le rôle de la collaboration entre les différents membres du mouvement pro-démocratique :

Tant que nos camarades, ceux dans des situations plus risquées, sont prêts à se révolter, nous sommes prêts à les aider de toutes les manières possibles pour assurer le succès de cette révolution. Par exemple, lors de l'anniversaire de Daw Aung San Suu Kyi, nous sommes restés éveillés toute la nuit pour guider nos camarades de Yangon, via un appel vidéo, sur la manière de dessiner la bannière.

Oakkar met l'accent sur les sacrifices de ceux ayant décidé de rejoindre la résistance anti-junte :

Nos membres ont dû faire d'immenses sacrifices. Notre sécurité est une préoccupation constante, jour et nuit. Nombre d'entre nous ne parviennent pas à dormir tranquillement, car la menace des raids de minuit plane. L'une des réalités les plus déchirantes est d'être coupés de nos familles. De plus, contrairement à la plupart des jeunes adultes dans la vingtaine, nous n'avons pas le luxe d'avoir des passe-temps et des activités de loisir. Néanmoins, notre engagement pour la cause rend tous ces sacrifices supportables.

Il lance également un appel à la communauté internationale :

Nous comprenons que chacun a ses propres responsabilités et obligations. Toutefois, nous apprécierions grandement si les gens peuvent faire des dons pour soutenir les victimes de la guerre fuyant vers les frontières, aider les immigrants ou offrir une éducation en ligne gratuite aux étudiants soutenant le mouvement de désobéissance civile.

Une bannière lors d'un flash mob portant le message suivant : « Que la fille d'Aung San soit en bonne santé. » Aung San était un dirigeant nationaliste birman. Sa fille, Aung San Suu Kyi, est prix Nobel de la paix, et est la dirigeante élue démocratiquement du Myanmar. Elle est actuellement dans les geôles de la junte. Photo de Yangon Revolution Force, utilisée avec permission.

Artists Collective, quant à eux, font référence à la contribution des artistes au mouvement pro-démocratique :

Nous-mêmes étant des artistes, nous savions que nous pouvions contribuer à la révolution en créant des œuvres d'art. Le fait que les gens impriment nos œuvres ou utilisent les versions numériques nous procure une immense satisfaction. Nous soutenons la révolution par notre art. En travaillant ensemble, nous créons des bannières, transmettons des messages importants et aidons à la conception. Voir nos œuvres imprimées, exposées pendant les marches et en ligne lors d'événements spontanés nous remplit de fierté.

Le groupe reste convaincu que la révolution contre la junte sera couronnée de succès :

Nous avons vu un nombre important de femmes et de personnes d'orientations et d'identités sexuelles diverses participer à des combats meurtriers. Cette situation unique rassemble des personnes de différentes générations pour lutter contre le régime, celui opprimant systématiquement notre nation depuis 70 ans. Nous pensons que le monde sera témoin de l'établissement d'une nouvelle démocratie dans notre pays.

Le message inscrit sur le longyi est une insulte envers le chef de la junte, Min Aung Hlaing. Photo de Yangon Revolution Force, utilisée avec permission.