Inégalité des conditions électorales au Zimbabwe : les lois sur la protection des données utilisées pour refuser l'inspection numérique des listes électorales

Image reproduite avec la permission d'Ameya Nagarajan

Alors que le Zimbabwe se dirige vers les élections en août de cette année, les observateurs électoraux continuent d'implorer le gouvernement de mettre en œuvre des réformes électorales significatives, telles que l'utilisation de la version numérique de la liste électorale.

Cependant, l'organisme chargé de l'administration des élections, la Commission électorale du Zimbabwe (ZEC), résiste fermement à ces appels en invoquant la nécessité de se conformer à la loi de 2021 sur la cybersécurité et la protection des données. Dans l'intérêt de la transparence et de l'intérêt public, la conduite des agents électoraux n'a servi qu'à porter atteinte à la crédibilité et à l'intégrité de l'ensemble du processus électoral. Plus tôt cette année, les électeurs ont reçu des SMS non sollicités du parti au pouvoir ZANU PF, au pouvoir depuis 43 ans, mettant en évidence d'importantes violations de la sécurité de l'information.

Du cyberdroit et de l'intérêt public

Bien que des copies physiques de la liste électorale soient accessibles dans les bureaux de la ZEC, les parties prenantes soutiennent que la version numérique est vulnérable à la manipulation par des acteurs politiques ayant un intérêt à déterminer le résultat électoral. En avril de cette année, la présidente de la ZEC, Priscilla Chigumba, a déclaré au Parlement que la publication de la version électronique de la liste électorale, comme l'exigent les partis politiques de l'opposition, violerait la loi sur la cybersécurité et la protection des données. Chigumba a déclaré que la cyberloi a confié des responsabilités supplémentaires à la commission en termes de format dans lequel les données doivent être diffusées au public, afin de protéger les données personnelles des électeurs.

Elle a ajouté qu'il était nécessaire de veiller à ce que la loi électorale soit alignée sur la loi sur la cybersécurité et la protection des données afin de garantir que les électeurs aient facilement accès à la liste électorale tout en protégeant le public contre le vol d’identitéSes remarques faites au parlement interviennent peu de temps après que la Haute Cour ait rejeté une action en justice intentée par le député de Harare North, Allan Markham, du principal parti d'opposition Citizens Coalition for Change (CCC), cherchant à contraindre la ZEC à publier la version électronique de la liste électorale pour contrôle et vérification. Dans une décision, le juge Never Katiyo a convenu avec la ZEC que la publication de la version numérique de la liste compromettrait la sécurité de sa base de données. Markham a depuis porté l'affaire devant la Cour suprême.

Cependant, des groupes de la société civile accusent l'organisme de gestion des élections de violer délibérément la constitution, sous prétexte de se conformer à la cyberloi. L'article 11 (5) (h) de la loi sur la cybersécurité et la protection des données prévoit qu'un responsable du traitement, en l'occurrence la ZEC, doit traiter des données sensibles si cela est autorisé par une loi ou tout règlement pour toute autre raison constituant un intérêt public substantiel. En outre, l'article 21 (3) de la loi électorale autorise la ZEC à « … dans un délai raisonnable, de fournir à toute personne qui en fait la demande et qui s'acquitte des frais prescrits, une copie de toute liste électorale, soit sous forme imprimée, soit sous forme électronique selon le souhait du demandeur.»

Cependant, la ZEC a toujours refusé aux partis d'opposition et au public l'accès à la liste électorale. Dans une déclaration, un organisme de surveillance indépendant, le Centre de ressources électorales (ERC) soutient que la ZEC est légalement tenue par les deux lois de mettre à disposition des citoyens les données des listes électorales, car elles constituent un intérêt public substantiel et que leur disponibilité est nécessaire à la participation électorale et à la réalisation des droits politiques.

«Le refus continu de la liste électorale, en particulier aux personnes y ayant un intérêt légitime et pour des élections libres et équitables… sous couvert de protection des données, est illégal et préjudiciable à la crédibilité des élections harmonisées de 2023», a déclaré l'ERC.

Dans des réponses envoyées par e-mail à une enquête de Global Voices, l'avocat des droits humains Nompilo Simanje a souligné que les commentaires de la ZEC, représenté par Chigumba, mettent en évidence un problème juridique critique qu'il est nécessaire d'harmoniser les lois. «”Si l'accès aux listes électorales est prévu par les lois électorales, la ZEC a également des obligations en vertu de la loi sur la protection des données et du cyberespace, qui impose des obligations en matière d'utilisation, de transmission et de diffusion des données», a-t-elle déclaré.

Simanje a déclaré qu'il s’agissait d'une question où un équilibre doit être trouvé entre la promotion de l'accès à l'information et la promotion du droit à la vie privée.

Le populaire journaliste zimbabwéen Hopewell Chin'ono a tweeté que sans liste électorale, l'élection est déjà truquée en faveur du parti au pouvoir ZANU PF.

Le président Emmerson Mnangagwa du Zimbabwe a annoncé que les élections auraient lieu en août.
La constitution dit qu'elle doit avoir lieu avant le 26 août.

Cela signifie que l'opposition n'a que 2 mois pour préparer ses candidats, préparer ses agents électoraux et avoir son… pic.twitter.com/Tmkat78nRl

— Hopewell Chin’ono (@daddyhope) 13 mai 2023

Quand le capital politique l'emporte sur la protection des données

Les enjeux restent très élevés pour le gouvernement de la ZANU PF, alors que les élections prévues pour août se rapprochent. Une organisation de la sécurité de l'État connue sous le nom de Forever Associates Zimbabwe (FAZ) dirigée par le co-directeur adjoint de la Central Intelligence Organisation, le brigadier général (Rtd.) Walter Tapfumaneyi, travaillerait avec la ZEC pour manipuler les sondages en faveur du président sortant Emmerson Mnangagwa. FAZ a reçu 10 millions de dollars pour préparer les élections, bien que l'arrangement ne soit pas constitutionnel.

En avril de cette année, des électeurs éligibles ont reçu des SMS de campagne ciblés avec précision du parti au pouvoir, avec des détails tels que les noms complets des électeurs et l'endroit où les destinataires des messages s'étaient inscrits pour voter. Plusieurs citoyens se sont inquiétés de la manière dont ils avaient reçu ces SMS de campagne ciblés du parti au pouvoir, en déduisant que ces données avaient été obtenues à partir des serveurs de la ZEC. Le groupe d'analyse de données, Team Pachedu, a tweeté que les électeurs des nouvelles circonscriptions recevaient des messages non sollicités du parti au pouvoir ZANU PF.

La ZEC a illégalement divulgué la nouvelle liste électorale avec les numéros de téléphone à la ZANU-PF.

Les électeurs reçoivent désormais des messages non sollicités du ZANU-PF, y compris ceux des nouvelles circonscriptions.

La loi sur la protection des données et plusieurs lois ont été violées.

Nous exigeons une explication !@ZECzim @Potraz_zw pic.twitter.com/2eCXPyfpes

— Team Pachedu (@PacheduZW) 3 avril 2023

Ces violations de données personnelles, administrées dans le cadre d'un système de vote biométrique, constituent une menace importante pour la liberté d'expression, la vie privée et les droits d'association politique des citoyens.

Le groupe allègue également que la ZEC refuse délibérément de se prévaloir de la version numérique de la liste électorale pour vérification afin de manipuler le résultat électoral. Dans le tweet, le groupe allègue que les agents politiques de la ZANU PF déplacent en masse les électeurs des zones rurales vers les zones urbaines, où l'opposition a toujours bénéficié d'un fort soutien politique.

La ZEC a illégalement divulgué la nouvelle liste électorale avec les numéros de téléphone à la ZANU-PF.

Les électeurs reçoivent désormais des messages non sollicités du ZANU-PF, y compris ceux des nouvelles circonscriptions.

La loi sur la protection des données et plusieurs lois ont été violées.

Nous exigeons une explication ! @ZECzim pic.twitter.com/w0EWvDbUAX

— Team Pachedu (@PacheduZW) 12 mai 2023

Ces violations de données ne sont pas nouvelles sur la scène électorale du Zimbabwe. À l'approche des élections de 2018, le principal parti d'opposition de l'époque, l'Alliance du mouvement pour le changement démocratique, s'est inquiété des importantes atteintes à la sécurité des données liées aux élections. Celles-ci allaient de l'accès sélectif aux données personnelles des électeurs, aux électeurs recevant des SMS de campagne de masse du parti au pouvoir, à l'intégrité des données biométriques des électeurs et à l'incapacité de la ZEC à divulguer pleinement les capacités technologiques cachées et les caractéristiques de sécurité du bulletin de vote.

Dans une étude intitulée «l'obfuscation dynamique des données avant les élections au Zimbabwe», l'expert en technologie et en droit Arthur Gwagwa postule que, dans le cas du Zimbabwe, un modèle émerge où le pays acquiert progressivement des technologies basées sur la biométrie externalisée, souvent en provenance de Chine pour contrôler quand ces informations peuvent être consultées et dans quelles conditions. Il note que le gouvernement peut crypter ou utiliser des technologies similaires pour cacher des informations qui lui donnent un avantage, alors qu'il utilise la doctrine de la sécurité de l'information et la règle de droit pour cimenter sa position.

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