Hong Kong : menaces d'arrestations et annulation d'une manifestation de travailleuses

Photo de la manifestation des femmes en mars 2020. Crédit photo:  inmediahk.net (CC: AT-NC)

Après la levée de la restriction sur les rassemblements publics liés à la Pandémie du Covid-19 le 1er mars 2023, un groupe de défense des droits des femmes avait prévu un rassemblement le 5 mars, le dimanche précédant la Journée internationale des droits des femmes. Cependant, sans donner de raison, les organisateurs – membres de la Hong Kong Women's Association (Association des travailleuses de Hong-Kong) – ont annulé l'événement la veille, le 4 mars. 

Un groupe de manifestants a révélé que ses membres ont été menacés d'arrestation par les agents de la police s'ils prenaient part au rassemblement. De son côté, la police de la ville a déclaré aux médias [ch] que cette annulation faisait suite à une évaluation complète des risques, affirmant que les autorités avaient découvert qu'il y aurait des «groupes violents» lors de la marche.

Depuis des décennies, au début du mois de mars, les groupes locaux de défense des droits des femmes organisaient régulièrement un rassemblement de solidarité annuel à l'occasion de la Journée internationale de la Femme. En raison des restrictions imposées aux rassemblements publics par la pandémie, les manifestations et les rassemblements publics ont été interdits pendant près de trois ans.

Dans une conférence de presse tenue le 2 mars, les organisateurs ont déclaré que les autorités policières leur avaient fait «un clin d’œil», avant de leur adresser plus tard, le même jour, une «lettre de non-objection».  Le groupe de femmes s'est ensuite mis à préparer la manifestation au début du mois de février, alors que la police a attendu un mois pour publier une lettre officielle. 

Le groupe prévoyait qu'environ 100 personnes prendraient part à la manifestation afin de promouvoir les droits des femmes dans le monde du travail et l'égalité de genre.

Cependant, des vagues de pression politique ont précédé la manifestation.  

Lorsque le groupe a annoncé qu'il tiendrait la manifestation, les  politiciens pro-Pékin ont commencé à évoquer la nécessité de faire appliquer la loi  anti-masque [fr], promulguée en octobre 2019 en vertu de la loi d'urgence, interdisant la dissimulation du visage lors des manifestations légales ou illégales. 

 Un membre du Conseil Exécutif du gouvernement, Ronny Tong, a souligné que la police avait le pouvoir de mettre aux arrêts tous ceux qui se dissimulent les visages lors des manifestations, sous prétexte de se protéger du COVID-19. 

Craignant d'être identifiés ou arrêtés pour avoir participé à des rassemblements illégaux, plusieurs de ceux qui manifestaient contre l'extraction de la Chine en 2019, s'étaient dissimulé le visage à l'aide d'un masque.

Après l'annulation du rassemblement par la Women's Workers Association, la Ligue des sociaux-démocrates – un parti politique pro-démocratique - a révélé dans un communiqué [ch] que le 3 mars, quatre de ses membres ont fait l'objet de menaces verbales de la part des agents de la police nationale. Ils ont été menacés d'arrestation s'ils participaient à la manifestation. Dans son communiqué, le parti souligne que :

言論自由受威脅,遊行權利遭踐踏,這個活生生的事實,即使當政者如何舌燦蓮花,唱好香港,也不能掩飾。

La liberté d'expression est menacée et le droit de manifester bafoué. Telle est la réalité. Peu importe tout le bien qu'elles peuvent dire de Hong Kong, les élites dirigeantes ne sauraient malheureusement pas dissimuler une telle réalité. 

Entre temps, la police a déclaré qu'elle n'annulerait sa «lettre de non-objection» que si les organisateurs de la manifestation mettaient une croix sur leur projet. Par ailleurs, les autorités ont mis en garde contre tout rassemblement illégal, soulignant que les contrevenants s'exposaient à des arrestations. 

Dimanche, malgré l'annulation du rassemblement, plus de 30 policiers sont restés postés autour du Southorn Playground. La correspondante du South China Morning Post, Laura Westbrook, a écrit sur son compte Twitter:

La police était postée à l'intérieur et à l'extérieur du Southorn Playground MTR. Elle sillonnait le périmètre à 11h.  La Hong Kong Women Workers’ Association avait pourtant prévu d'organiser une manifestation avant la célébration de la Journée internationale de la Femme, mais l'a brusquement annulée hier soir. pic.twitter.com/PCXbBXOgOV

— Laura Westbrook (@LauraWestbrook) 5 mars 2023

En vertu de la loi sur l'ordre public, lorsque trois personnes ou plus se rassemblent et se comportent de manière «désordonnée, intimidante, insultante, ou provocante» et suscitent une «crainte raisonnable» ou une «rupture de la paix», il s'agit d'un  rassemblement illégal [en]. Dans ce cas, la peine maximale d'emprisonnement est de cinq ans. 

Avant la promulgation de la loi sur la sécurité nationale (NLS) le 30 juin 2020, les autorités policières ne se limitaient qu'à l'application de l'ordonnance sur l'ordre public, la loi coloniale adoptée pour réprimer les émeutes de 1967 à Hong Kong étant considérée comme une violation de  l'Ordonnance relative à la Déclaration des droits de Hong Kong (1991) [en]. Pendant plusieurs décennies, les autorités n'exigeaient des groupes civiques que le respect d'une procédure de notification pour organiser des manifestations et des rassemblements.

En réalité, le dernier rassemblement de la Journée internationale de la Femme dans la ville de Hong Kong s'est tenu en mars 2020, soit quelques mois avant la promulgation de la loi sur la sécurité nationale.

Au cours des trois dernières années, plusieurs activistes ont été emprisonnés, accusés d'avoir enfreint l'ordonnance relative à l'ordre public. En 2020 par exemple, une douzaine de militants ont été condamnés à des peines allant de six à dix mois de prison [en]  pour avoir organisé et participé, à Victoria Park le 4 juin 2020,à la veillée annuelle de commémoration du Massacre de la place Tian'anmen de 1989 [fr]. Cette veillée s'est tenue chaque année de 1990 à 2020, date à laquelle la police a formellement interdit les rassemblements publics dans la ville, brandissant les mesures restrictives imposées par la pandémie du COVID-19. 

En outre, depuis l'entrée en vigueur de la NSL, les autorités policières ont émis une douzaine de «Lettres de non-objection» pour des rassemblements publics à l'instar des célébrations du Nouvel An lunaire, des marches de bienfaisance dans les écoles, des collectes de fonds dans les églises…

S'elle n'avait pas été annulée, la manifestation pour les droits des femmes aurait été la première manifestation publique de la société civile depuis la promulgation de la loi sur la sécurité nationale.

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