À Madagascar, la double nationalité d'Andry Rajoelina suscite une controverse à la veille de l’élection présidentielle

Andry Rajoelina, Capture d'écran de la chaine YouTube de Tv5monde Info

Madagascar prépare sa prochaine élection présidentielle sur fond de controverse à propos de la double nationalité de l'ex-président de la République, Andry Rajoelina. En effet, selon la loi malgache, le fait d'avoir une autre nationalité annule automatiquement la nationalité malgache, nécessaire pour se présenter à l'élection.

Le 9 novembre 2023, les Malgaches iront aux urnes pour élire le nouveau président de la République de Madagascar. Mais à moins de deux mois de cette élection, la question de la double nationalité d’Andry Rajoelina, président démissionnaire ne cesse d'alimenter de vives polémiques dans le pays, particulièrement au niveau des acteurs politiques.

La constitution de la quatrième république malgache oblige Andry Rajoelina à démissionner de son poste de président pour se présenter pour un second mandat. L'article 46 de ladite constitution stipule:

(…)Le Président de la République en exercice qui se porte candidat aux élections Présidentielles démissionne de son poste soixante jours avant la date du scrutin Présidentiel(…)

Celui-ci devrait être remplacé par Herimanana Razafimahefa, président du Sénat. Mais ce dernier refuse et la mission est confiée au gouvernement avec à sa tête le premier ministre. Cette situation déplait à l'opposition qui accuse Andry Rajoelina de vouloir manipuler les élections, comme l'explique cette vidéo d’Africanews:

En savoir plus sur l'actualité malgache dans les médias lire : Points de repère: que lire pour comprendre les débats à Madagascar à la veille des élections présidentielles?

Que dit la loi malgache?

De fait, la possession d'une nationalité étrangère ne permet à aucune personne de se présenter comme candidat à l'élection présidentielle. Le fameux article 42 de l'ordonnance No 60 – 064 du 22 juillet 1960 dispose que:

Perd la nationalité malgache, le Malgache majeur qui acquiert volontairement une nationalité étrangère.

En plus de l'article 46 de la Constitution Malgache qui stipule que.

Tout candidat aux fonctions de Président de la République doit être de nationalité malagasy.

Le code électoral précise également que:

Seul un citoyen de nationalité malgache peut se présenter à l'élection présidentielle.

Or depuis juin, des documents, datant de 2014, démontrant la naturalisation française de Rajoelina sont divulgués et circulent sur les réseaux sociaux. Cette information liée à la nationalité du président est source de débats récurrents dans la vie politique malgache. Les internautes, surtout du côté des opposants et les détracteurs du régime, profitent de l'occasion pour reprocher au chef de l’État une haute trahison et une  “faute morale”.

Le 17 juin, quelques jours après la divulgation de la nationalité Française du président, Fernand Cello, journaliste d'investigation malgache a partagé sur sa page Facebook la publication de Fanirisoa Ernaivo, juriste, ex-candidate à la présidentielle de Madagascar. Dans sa publication, Fanirisoa explique:

ANDRY RAJOELINA – MIZAKA NY ZOM-PIRENENA FRANTSAY FA TSY DOUBLE.
” Tsy manana « double nationalité » ny Filoha Andry Rajoelina fa « simple nationalité française » hoy i Fanirisoa Ernaivo. Sady tsy nolovainy tamin’ny dadany na ny dadabeny mantsy io zom-pirenena frantsay ananany io no efa 40 taona izy no nangataka sy nahazo izany tamin’ny 2014 hoy ity mpitsara teo aloha sy Filohan’ny Sendikan’ny Mpitsara teo aloha ity. Mihatra avy hatrany amin’ny Filoha Andry Rajoelina arak’izany ny andininy fa 42 ao amin’ny Code de la nationalité Malagasy izay milaza fa very avy hatrany ny zom-pirenena Malagasy ho an’ny Malagasy feno taona izay misafidy haka zom-pirenena hafa.” hoy i Fanirisoa Ernaivo izay nanazava mikasika ny « procédure de naturalisation » concernant la nationalité du président Andry Rajoelina:
ANDRY RAJOELINA – LA NATIONALITÉ FRANÇAISE N'EST PAS UN DOUBLE.
« Le président Andry Rajoelina n'a pas de «double nationalité» mais de «simple nationalité française» a déclaré Fanirisoa Ernaivo. Il n'a pas échangé sa nationalité française avec son père ou son grand-père et il l'avait demandée et reçue en 2014 depuis 40 ans, a déclaré l'ancien juge et ancien président de l'Union judiciaire. L'article 42 du code de la nationalité malgache s'applique directement au président Andry Rajoelina qui stipule que la nationalité malgache est immédiatement perdue pour les Malgaches qui choisissent une autre nationalité. ” a déclaré Fanirisoa Ernaivo qui a expliqué la “procédure de naturalisation”

De même, une vidéo publiée sur la page Facebook de Rien ne va + (by Abdel en vrai) qui est devenu virale sur les réseaux sociaux questionne sur l'acte de l'ex-président malgache: Le président malgache a-t-il trahi son peuple ? Voici la vidéo:

Capture d'écran de la vidéo sur la page Facebook de Rien ne va + (by Abdel en vrai)

Lors d’une émission spéciale en direct, trois semaines après le déclenchement de la controverse concernant son acquisition de la nationalité française, le président malgache admet avoir effectivement acquis la naturalisation en 2014 dans l’intérêt de ses enfants. Dans cet article du média TRTAfrica, Andry Rajoelina explique:

Je n’étais plus au pouvoir à cette époque, et j’ai accepté cette démarche dans l’intérêt de mes enfants qui devaient poursuivre des études universitaires en France. Quel parent ne ferait pas tout pour ses enfants?

Il évoque qu'il est dans son droit d'acquérir la nationalité française, du fait que son grand père l'avait. Mais cette affirmation est réfutée par Fanirisoa Ernaivo, exilée politique et fervente opposante du régime, qui donne ici, sur sa page Facebook, sa propre interprétation:

De ce fait, les opposants ne cessent de remuer ciel et terre empêcher Andry Rajoelina de se représenter pour un second mandat.

Des procès et requêtes en vain contre Andry Rajoelina

La question de la nationalité ne se limite pas seulement aux débats. Une plainte pour « faux et usage de faux, espionnage et atteinte à la sûreté extérieure de l’État » a été déposée au tribunal de première instance malgache par l’Association pour le droit et le développement de Madagascar (ADM), dirigée par Fanirisoa Ernaivo, actuellement réfugiée politique en France.

L'information a été relayé par le média Orange Actu Madagascar sur sa page Facebook:

Capture d'écran du compte Facebook d’Orange Actu Madagascar

Dans un article du journal Le Monde, l'association accuse le chef de l’État d’avoir toujours eu l’intention de dissimuler sa nationalité française tout en étant président, et d'avoir ainsi enfreint la loi en se présentant à la présidentielle de 2018.

Un autre saisine a été déposée par Fanirisoa Ernaivo auprès de la Haute Cour Constitutionnelle (HCC) pour se prononcer sur la nationalité d’Andry Rajoelina. La requête est rejetée en bloc par la HCC. Dans son arrêt 04-HCC/AR du 22 août 2023 repris par le média Taniko Madagascar, les juges de la haute cour constitutionnelle déclarent que:

La Haute Cour Constitutionnelle n’est pas compétente pour dire et juger si Rajoelina Andry Nirina a perdu la nationalité malagasy.

Des partisans et défenseurs du régime comme Rinah Rakotomanga se réjouissent de la décision de la HCC en publiant sur sa page Facebook:

Malgré toutes les tentatives d’empêcher la candidature d’Andry Rajoelina, celui-ci a quand même officialisé sa candidature pour un second mandat. Par conséquent, des requêtes aux fins d’invalidation de la candidature du président Andry Rajoelina ont été également déposées par des candidats à l’élection présidentielle, en raison notamment de la double nationalité de celle-ci. La HCC a déclaré irrecevables toutes ces requêtes à travers son arrêt n°6.

Resaka Madagasikara publie la nouvelle sur les plaintes des candidats qui ont été rejetés:

A l’approche de l'élection en novembre, la situation politique à Madagascar reste très tendue. Les 11 candidats à l'élection continuent d’utiliser tous leurs moyens afin de disqualifier la candidature d’Andry Rajoelina à la prochaine course au palais d'Iavoloha , la résidence officielle du président de Madagascar.

Certains opposants tentent de mobiliser les foules pour manifester leurs indignations. Mais les arrestations se multiplient également. Pour empêcher toute manifestation, les forces de l’ordre quadrillent régulièrement la place du 13 mai, un lieu historique du pays et qui joue un rôle de premier plan dans les manifestations politiques à Madagascar.

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