Le report des élections au Somaliland a entraîné une crise politique sans précédent

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Le Somaliland, république autoproclamée du nord-ouest de la Somalie, traverse une crise électorale en raison d'un désaccord sur la date de l'élection présidentielle. Le mandat du président actuel a expiré le 13 novembre 2022, mais aucune élection présidentielle n'a suivi.

Les partis d'opposition accusent le président Musa Bihi Abdi d'avoir tenté de retarder les prochaines élections afin de rester au pouvoir au-delà de son mandat, et ont promis de ne pas reconnaître son mandat une fois que celui aura expiré le 13 novembre. L'opposition a exigé l’organisation des élections dans les délais et a exhorté ses partisans de descendre dans la rue et de rejeter ce qu'ils appellent une tentative de saper la constitution.

En août 2022, des manifestations antigouvernementales ont éclaté dans plusieurs villes du Somaliland, opposant les forces de sécurité aux manifestants pro-opposition. Cinq civils ont été tués, des centaines blessés et des dizaines d'autres arrêtés. Les deux principaux partis d'opposition (Waddani [fr] et le parti pour la justice et le développement) ont dénoncé la force excessive employée par la police contre des civils non armés, tandis que le commandant adjoint de la police, Abdi Hassan Mire, a accusé les manifestants d'être armés de couteaux, de catapultes, de gourdins et d'autres armes, ce qui, selon lui, a fait des dizaines de blessés parmi les agents de sécurité.

Un mois plus tard, la situation s'est encore compliquée lorsque la commission électorale du Somaliland a déclaré qu'elle ne pouvait pas organiser l'élection présidentielle à temps en raison de contraintes techniques et financières. Elle avait précédemment déclaré que les élections auraient lieu dans un délai de neuf mois. Les partis d'opposition ont salué ce délai, qui était censé commencer à l'expiration du mandat présidentiel actuel, mais cela n'a pas encore été réalisé.

En octobre dernier, la chambre haute (Guurti ou Chambre des Anciens) a prolongé de deux ans le mandat présidentiel, ce qui signifie que les élections auront désormais lieu en 2024. La chambre haute a également prolongé son propre mandat à cinq ans, son mandat expirant en même temps que celui du président. Soixante-douze députés ont voté ; un seul s’y est opposé.

L’impasse politique perdure et jusqu’à présent aucun accord n’a été trouvé. Le président Bihi, du parti au pouvoir Kulmiye (Parti kulmiye de la paix, de l'unité et du développement), a rencontré les deux chefs des partis d'opposition  – Abdirahman Abdullahi (Irro) du parti Waddani et Faisal Ali Hussein du parti UCID – pour parvenir à un consensus sur le calendrier électoral. Cependant, la réunion n'a fait qu'exacerber les tensions politiques, le chef du parti UCID accusant le président de tenter d'atteindre des objectifs politiques personnels au détriment des exigences de l'opposition.

La principale pomme de discorde est le calendrier des élections présidentielles et des partis. L'administration actuelle insiste sur le fait que l'octroi de licences aux partis politiques devrait être antérieur à l'élection présidentielle et affirme que les neuf associations politiques qualifiées (conformément aux exigences de la commission nationale d'enregistrement des partis politiques) auront la même possibilité de se présenter pour obtenir une licence que les trois partis politiques, dont le mandat de 10 ans a expiré en décembre 2022. Seuls trois partis sortiront de cet exercice, le public votera alors pour le parti de son choix.

La raison de ces élections directes est que des élections locales et parlementaires ont eu lieu en 2021. Les trois principaux partis politiques auront alors rempli leurs conditions d'autorisation pour les 10 prochaines années, comme le stipule la loi électorale modifiée du Somaliland . Cela leur permettra de se présenter à l'élection présidentielle. En revanche, les deux seuls partis d'opposition existants font pression pour que l'élection présidentielle ait lieu avant l'enregistrement des partis politiques.

Depuis le premier scrutin au suffrage universel organisé en 2002, seuls trois partis ont dominé la scène politique du Somaliland. Le président en exercice souhaite élargir l’espace politique afin que de nombreux partis puissent rivaliser – une position soutenue par les associations politiques non agréées. Jusqu'à présent, neuf associations politiques ont rempli les conditions d'éligibilité à l'enregistrement d'un parti. L'une des conditions est que chaque parti politique doit bénéficier de 1 000 soutiens dans chacune des six régions du pays.

L'organisme électoral du Somaliland a récemment déposé une requête auprès de la Cour suprême afin de donner une interprétation juridique sur le déroulement des élections. Le tribunal a rejeté la demande , affirmant que la commission avait le pouvoir légal de fixer le calendrier des élections. Le 17 juillet, la commission électorale a publié un nouveau calendrier électoral, selon lequel l'élection du parti  aura lieu le 28 décembre 2023 et l'élection présidentielle aura lieu environ un an plus tard, le 13 novembre 2024. Dans un décret, le Président Bihi a accepté  le nouveau calendrier.

Les partis d’opposition soutiennent que l’ensemble du processus est contraire à la loi. Selon eux, la législation modifiée n'a aucune base légale en raison de l'incapacité du président à la promulguer. Selon l'opposition, le délai de 21 jours exigé pour signer le projet de loi amendé a expiré, rendant ainsi applicable la législation précédente.

La bataille s'est portée devant la Cour suprême du pays qui, dans son arrêt du 16 janvier 2022, a confirmé la légalité de la loi originale. Cependant, le tribunal a soutenu une clause de la loi modifiée qui permet l'élection directe de nouveaux partis politiques. L'opposition a salué cette décision, car elle n'a pas accepté l'amendement proposé à la loi par le gouvernement. Néanmoins, le gouvernement a procédé à l'amendement et a officiellement ouvert l'enregistrement des partis politiques.

Dans un communiqué de presse conjoint, les partenaires internationaux du Somaliland, dont l'Autriche, la Belgique, le Danemark, l'Éthiopie, la délégation de l'Union européenne, la Finlande, l'Allemagne, les Pays-Bas, la Norvège, la Suède et le Royaume-Uni, ont salué le nouveau calendrier électoral et ont exhorté toutes les parties prenantes, y compris le parlement , à avancer avec le consensus politique comme fondement de la stabilité, et les a encouragés à résoudre rapidement les lacunes techniques, financières, politiques et juridiques en suspens, comme indiqué par la commission électorale national

🇬🇧 se joint à🇦🇹🇧🇪🇩🇰🇪🇹🇪🇺🇫🇮🇩🇪🇳🇱 🇳🇴 & 🇸🇪 pour exhorter les parties prenantes à résoudre rapidement les lacunes techniques, financières, politiques et juridiques en suspens suite à l'annonce de la date des élections par la Commission électorale nationale du Somaliland. Plus d'informations ⬇️ https://t.co/qZU590Ueqf

— GB en Somalie🇬🇧🇸🇴 (@UKinSomalia) 19 juillet 202

Pendant ce temps, les civils qui s'opposent au maintien du président actuel ont pris les armes pour faire pression sur lui pour qu'il quitte le pays et organise les élections. Des milices autoproclamées contre l'injustice ( dulmi diid ) se sont mobilisées  autour de la montagne Ga'n Libah [fr], dans la région du Sahel . Dans une embuscade contre un convoi de police le 11 août, neuf policiers ont perdu la vie et 17 ont été blessés . Lors des funérailles publiques du 13 août pour les policiers tombés au combat, auxquelles ont assisté des hommes politiques de tous bords, le président Bihi a promis de traduire les responsables en justice.

Le Somaliland, largement considéré comme l'une des démocraties les plus fortes d'Afrique de l'Est, est un phare de paix et de stabilité dans une région dominée par les conflits et l'instabilité politique. Depuis 1991, le pays connaît une paix relative ; depuis 2002, les citoyens ont le droit de faire entendre leur voix lors d'élections consécutives à un seul homme, une voix. Ce report des élections pourrait bien saper les progrès réalisés sur la voie de la démocratie.

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