Moins connue que ses voisines africaines, la musique béninoise doit son renom en grande partie aux femmes qui portent cet héritage jusqu'en Europe.
Plus de 4o groupes ethniques composent la République du Bénin, ce pays d'Afrique de l'Ouest, et se repartissent en plusieurs religions, dont chrétiens, musulmans, animistes principalement. Bien qu'absent des statistiques le culte vodoun est la religion la plus pratiquée dans le pays.
En effet, le Bénin est souvent décrite comme le pays du vodoun, ou encore appelée le royaume du vodoun, le monde des dieux et des forces invisibles. Le vodoun est une religion qui met en commun des forces invisibles et surnaturelles dont se servent les adeptes vodoun pour communiquer avec les dieux. Elle est pratiquée en Afrique de l'Ouest, au Togo, au Bénin et dans certaines communautés noires au Brésil, aux États Unis et dans les Caraïbes. Ce marqueur culturel joue donc un rôle essentiel dans l'identité du pays que les artistes de la chanson n'hésitent pas valoriser dans leur art.
Une première histoire musicale venant de la tradition
L'histoire de la musique béninoise contemporaine remonte aux années 1960, après l'indépendance, quand le pays découvre une première génération de musiciens issus des traditions du pays.
Yédénou Adjahoui (1930-1995) est considéré comme un de ces précurseurs des rythmes inspirés de musiques traditionnelles. Sa musique a épousé plusieurs rythmes dont, entre autres, massè-gohun, agbalè et Zinli.
Le Zinli, rythme et musique traditionnelle se joue avec des instruments comme le gong, tam-tam, ogene, des castagnettes traditionnels et des claquements de mains qui riment avec la danse, le chant et aussi des hochets de tête. En voici une démonstration:
C'est dans ce dernier style que l'artiste a évolué durant toute sa carrière musicale.
En vidéo le titre Agogo Zinli, une des chansons Yédénou Adjahoui :
D'autres artistes ont mis en exergue la tradition vodoun du Bénin dans leurs chansons. Alekpehanhou, allie adages et histoires dans ses compositions musicales. Il s'inspire de la culture béninoise et la raconte, principalement quelques rites vodoun. Aujourd'hui, ses chansons sont utilisées dans des rites comme incantation.
Une vidéo Alekpehanhou :
Les Frères Guèdèounguè, même s'ils sont moins actifs, font tourner la plupart de leurs chansons autour de la thématique de la tradition et de la culture.
Un tournant: Angélique Kidjo
Une femme a changé la donne de la musique béninoise: la star internationale Angélique Kidjo. Initiée très tôt au théâtre et à la musique, Kidjo, qui est d'origine culturelle Fon et Yoruba de par ses parents, inspirée aussi par la chanteuse togolaise Bella Bellow, elle se lance très tôt dans la musique. Après son départ pour la France, elle suit des cours de musique à Paris dans les années 90. Elle devient une star au début des années 2000 et compte aujourd'hui 19 albums dans sa discographie, ainsi que plusieurs trophées majeurs dont 5 Grammy awards. Elle a collaboré avec plusieurs artistes de renoms dans son pays, en Afrique et dans le monde. Sa collaboration avec l'artiste Nigérian Burna Boy est l'une des chansons sur son dernier album Queen of Sheba.
Ici la vidéo du titre Do Yourself avec Burna Boy:
Au plan africain et mondial, Angelique Kidjo est classée dans la même catégorie d'artistes que Youssou N'dour, l’icône de la musique sénégalaise.
Pour en savoir plus, lire : La musique sénégalaise: un emblème national qui s'exporte avec grand succès
D'autres artistes béninois ont aussi connu du succès à l'international: G. G. Vikey, ( 1944-2013), Gnonnas Pedro (1943-2004), Stan Tohon. Parmi ces grands de la musique béninoises, l’Orchestre Poly-Rythmo, reste un groupe mythique qui a le plus marqué les esprits par le passé. Voici une compilation des mélodies de ce groupe culte:
De même, Sagbohan Danialou, artiste multi-talent qui sait manier plusieurs instruments de musique d'où son surnom l'homme orchestre. Ici en vidéo, une prestation de Sagbohan au festival des arts vodoun au Bénin:
Une musique qui reste à l'ombre d'autres musiques africaines
Selon certains observateurs de la culture béninoise, certains paramètres retardent l'évolution de la musique béninoise et sa reconnaissance. Jean-Discipline Adjomassokou, homme de médias et chroniqueur de musique interviewé par le média Bénin Intelligent explique:
Il y a d’abord le manque de formation des artistes béninois. Nous n’avons pas jusqu’à présent des écoles de formation de musique au Bénin. Il y a seulement quelques orchestres où les gens vont s’essayer. (…) il y avait des orchestres aussi dans tous les collèges et on organisait des concours par ville et établissement. Aujourd’hui, on est dans l’amateurisme et dans l’improvisation. Beaucoup d’aînés n’ont pas fait une école de musique. Ce n’est pas parce qu’on est né dans une famille de musiciens, on a évolué dans l’amateurisme qu’on devient du coup professionnel. Pas du tout.
Il cite en exemple le succès planétaire d'Angelique Kidjo dû en partie à son départ du Bénin et à sa formation en France:
Angélique Kidjo chantait très bien au Bénin, mais en se retrouvant en France, elle était allée se faire former dans une école de musique.
De nombreuses voix féminines
Bien que béninoise, Kiri Kanta est une artiste chanteuse, d'origine de Parakou, au nord du Bénin, qui s'inscrit dans le rythme de la musique mandingue pratiquée au Mali, en Guinée, au nord de la Côte d'Ivoire, en Gambie et à l'est du Sénégal. Nombres de ses chansons l'amènent à participer à des festival de musiques mandingues dans divers pays du Sahel. Voici un des ses tubes, Gangangan:
On peut aussi évoquer le nom de l'artiste Zeynab qui pratique différents genres musicaux. Voici une de ses dernières chansons, chanté en mina et réalisé au Togo, d'après une interview qu'elle a accordé à l'animateur culturel togolais Jean-Pierre Azanledji:
Une nouvelle génération s'essaie aussi à d'autres musiques comme le zouk et le hip-hop. Le zouk dans lequel on retrouve des artistes comme Richard Flash, Petit Miguelito. Pour le hip-hop, ce sont Blaaz, Dibi Dobo, Nasty Nesta et bien d'autres.
Chez les plus jeunes se développe une nouvelle musique urbaine illustrée par des artistes et groupes comme Fanicko, Tyaf, Zef, Vano Baby, Nikanor, Sam-T.
Voici un des titres de l'artiste Fanicko:
Même si moins visible, la musique béninoise mérite d'être connue et partagée sur le continent et en dehors de l'Afrique car elle participe à l’héritage et à l'innovation d'un univers musical en transformation.
Pour un échantillon complet des musiques du Benin, voir la playlist Spotify ci-dessous, et pour plus de musique éclectique du monde entier, voir le profil Spotify de Global Voices.