
Chefs d'Etat à l'ouverture de la Cop 28, capture d'écran de la chaîne YouTube de AFP News Agency
La Conférence des Nations Unies sur le Climat (Cop28) annonce l'opérationnalisation du fonds des pertes et dommages censé compenser les pays du sud plus vulnérables aux changements climatiques dont l’Afrique. Au-delà de cette annonce, que signifie t-elle?
La Conférence des Nations Unies sur le Climat (Cop28) se déroule du 30 novembre au 12 décembre à Dubaï aux Émirats Arabes Unis. Chefs d’États et ministres, ONG environnementales, militants de la justice climatique, entreprises privées se réunissent pour discuter du changement climatique et des solutions pour en contrer les conséquences. Les priorités des négociateurs incluent avant tout la réduction des émissions de gaz à effets de serre, l’abandon des énergies fossiles, et le financement des actions climatiques comme l’adaptation aux effets du réchauffement.
Reçu en entretien sur Tv5monde, Tosi Mpanu-Mpanu, négociateur de la République Démocratique du Congo (RDC) sur les questions de climat explique les enjeux de cette Cop28 pour l'Afrique.
Selon lui, il est important pour l'Afrique de réitérer que les pays développés puissent mettre la main à la poche pour soutenir ce fond pour les compensations parce que ce sont eux les responsables des changements climatiques. En ce qui concerne le fonds même, il faut que les pays africains comprennent s'il s'agit d'un prêt, des dons ou des subventions. Il revient notamment sur l'importance de la déclaration Nairobi qui contient les principes autour desquels vont tourner les négociations.
Les détails sont à suivre dans cette vidéo à partir de 18 minutes 40 secondes.
Pour la première fois, l'Afrique participe au débat avec un document officiel qui représente les priorités du continent. Celles-ci contenues dans la déclaration de Nairobi sur le climat adoptée par les chefs d’États lors du premier sommet du climat de l'Afrique qui s'est tenue à Nairobi du 4 au 6 septembre 2023.
Cette déclaration est un appel des dirigeants africains envers ceux de la planète à “se ranger derrière la proposition d'un régime de taxation du carbone incluant une taxe sur le commerce des combustibles fossiles et sur le transport maritime et aérien” dans le but de permettre une levée de fonds nécessaires à un investissement de 600 milliards de dollars américains.
Lire : Points saillants du premier sommet africain sur le climat tenu au Kenya
Mais ce document qui présente la position commune du continent sur le changement climatique a été critiquée par une coalition d'acteurs de la société civile africaine travaillant sur la justice climatique sur le continent. Selon eux, cette déclaration n'offre pas de solution africaine au futur des énergies renouvelables mais toutefois contient des demandes et des propositions de solutions.
Par exemple, le texte mentionne “l’opérationnalisation rapide du fonds de dommages et pertes“, une des recommandations de la Cop 27 tenue en Égypte en 2022.
Adoption surprise du fonds dès le premier jour de la Cop
Une des avancées majeures de la Cop28 est précisément l'opérationnalisation du fonds des pertes et dommages annoncé dès l’ouverture de la conférence, le 30 novembre 2023. Les pays du Sud, y compris l’Afrique, plus vulnérables au changement climatique en seront les bénéficiaires. Selon cette annonce, Les Émirats arabes unis contribuent avec 100 millions de dollars américains. ; l'Allemagne, 100 millions ; le Royaume-Uni, 40 millions de livres sterling (51 millions dollars américains.) ; les États-Unis, 17,5 millions ; le Japon, 10 millions. Cependant, les réactions sont mitigées parmi les militants de la justice climatique, les environnementalistes et autres experts.
Dans un article, Radio France Internationale (RFI) rapporte:
La mise sur pied de ce fonds consacré à la réparation des catastrophes climatiques a été, à la surprise générale, adoptée dans les deux premières heures de la conférence climat de l'ONU, ce jeudi 30 novembre à Dubaï.
Fanny Petitbon, responsable plaidoyer à Care France (ONG de solidarité internationale engagée dans la lutte contre le changement climatique) et experte du fonds des pertes et dommages, citée dans un article par RFI estime que ceci est l'aboutissement d'une longue lutte:
Ce qui se passe aujourd’hui c’est l’aboutissement de 30 ans de lutte acharnée pour les pays en développement qui criaient à l’aide face à la montée du niveau des mers, face aux sécheresses, face à des conséquences dont ils ne sont pas responsables et pour lesquels ils n’ont pas les moyens de lutter. En moins d’une année, on obtient un accord pour le mettre sur pied.
Au-delà des déclarations, que disent les chiffres?
Oxfam, une organisation caritative britannique, salue les avancées dans la mise en œuvre dudit fonds dans une note publiée le 30 novembre mais précise que la prochaine étape est de mobiliser l’argent suffisant. Lyndsay Walsh, conseillère en politique climatique à Oxfam déclare :
Après 32 ans de pression et 27 Cop, nous disposons enfin d'un fonds pour les pertes et dommages. Malgré les lacunes de sa structure, il s'agit d'une étape pour soutenir les personnes qui se remettent des conséquences graves et irréparables des catastrophes alimentées par le climat. Cependant, ce n'est pas la fin du voyage. Il reste encore beaucoup à faire pour s'assurer que la Banque mondiale, en tant qu'hôte intérimaire, remplisse les conditions énoncées dans le texte convenu, en particulier que les ressources du fonds profitent directement aux communautés et que ses opérations soient conformes aux principes des droits de l'homme.
Selon les défenseurs de l'environnement, les montants annoncés sont largement insuffisants. De plus, le caractère non contraignant dans la contribution des fonds pourrait ralentir la collecte des fonds dans sa globalité.
Ce financement reste un enjeu important pour les pays africains qui sont les plus affectés par le changement climatique alors qu'ils sont les moins responsables des émissions des gaz à effets de serre. Selon les estimations, l’Afrique émet seulement 4 % des émissions responsables du réchauffement de la planète.
Pour l’Organisation des Nations-Unies, une minorité de pays est responsable de la plus grande partie des émissions, à savoir la Chine, les États-Unis, l'Inde, l'Union européenne, l'Indonésie, la Russie et le Brésil qui sont les sept plus gros émetteurs de gaz à effet de serre que compose cette minorité. Ensemble, ces pays ont contribué à environ la moitié des émissions mondiales en 2020.
Réactions sur les réseaux sociaux
Joy Koech, une activiste environnementaliste kényane publie sur son compte X(ex-Twitter):
Day 1 at COP28:
Developing countries urgently need a minimum of $100 billion for loss and damage. The pledged $400 million from developed countries is a mere drop in the ocean. We must prioritize and mobilize more financial support to address the climate crisis. #COP28 pic.twitter.com/D3UNXcQqgQ— Joy Koech (@Thisischero) December 1, 2023
Jour 1 à la COP28 : Les pays en développement ont besoin de toute urgence d’un minimum de 100 milliards de dollars américains pour les pertes et dommages. Les 400 millions de dollars promis par les pays développés ne sont qu’une goutte d’eau dans l’océan. Nous devons donner la priorité et mobiliser davantage de soutien financier pour faire face à la crise climatique. #COP28
Cette publication n'est qu'un rappel des demandes contenues dans la déclaration de Nairobi sur le climat qui exige des pays riches d'honorer l'engagement de fournir 100 milliards USD de financement annuel pour le climat, comme promis en 2009, lors de la conférence de Copenhague.
Teresa Anderson, responsable de la justice climatique à ActionAid (un réseau mondial de personnes engagées pour les droits des femmes, la justice climatique et la fin de la pauvreté) sur son compte X salue la contribution des Émirats arabes unis et leur rôle dans un rappel de la responsabilité des autres pollueurs:
As the historic #LossAndDamage Fund is agreed at #COP28
“The UAE contribution of $100 million is welcome, for its solid cash & for the pressure it puts on the world’s biggest polluters to step up &recognise their responsibility,”Me for @ClimateHome https://t.co/GblrFuEGRM
— Teresa Anderson (@1TeresaAnderson) November 30, 2023
“La contribution des Émirats arabes unis de 100 millions de dollar américains est la bienvenue, en raison de sa trésorerie solide et de la pression qu'elle exerce sur les plus grands pollueurs du monde pour qu'ils intensifient et reconnaissent leur responsabilité”, Moi pour @ClimateHome
A cette énième grande rencontre sur le climat, les enjeux majeurs pour la planète et pour l'Afrique en particulier restent les mêmes: l’abandon ou la réduction des énergies fossiles, l’adoption des énergies renouvelables, la réduction des émissions de gaz à effets de serre à un niveau aussi proche que possible de zéro. La principale question est de savoir comment ce fonds annoncé fonctionnera et pour qui en priorité.