Avertissement: Cet article fait mention de meurtre, d'agression sexuelle et de violence envers les femmes, et peut choquer certains lecteurs.
Suite au féminicide de l'artiste et cycliste vénézuélienne de 38 ans Julieta Inés Hernández Martínez, des activistes, des mouvements féministes, et des groupes pour la promotion du cyclisme de l'ensemble de l'Amérique Latine ont souligné la cruauté de ce crime à travers des hommages, des manifestations dans les rues et des sorties cyclistes urbaines dans plus de 150 villes, principalement au Brésil et au Vénézuela.
Le corps de Julieta Hernández Martinez a été découvert enterré dans une zone boisée le 5 janvier à Presidente Figueiredo, une municipalité de l'état de l’ Amazonas, au nord du Brésil. Elle avait précédemment été portée disparue le 23 décembre, par des membres de sa famille et par des amis qui avaient contacté la police au Brésil et avaient lancé une campagne sur les réseaux sociaux pour la retrouver.
Elle traversait le Brésil, où elle vivait depuis 8 ans, en vélo, en direction de Puerto Ordaz, au Vénézuela, pour passer les fêtes en famille.
Julieta Hernández Martínez se considérait comme une immigrée, une nomade, un clown, une marionnettiste et une touriste à vélo, et était également une artiste de rue bien-aimée et une enthousiaste du cyclisme. Elle était la fondatrice du Réseau des femmes clowns vénézuéliennes, qui fait partie du collectif Circo di SóLadies, une troupe de théâtre dans laquelle elle tenait le rôle du clown Jujuba, et était membre de Pé Vermêi, un collectif qui rassemble des artistes et des cyclistes qui voyagent à travers le brésil à vélo. Elle était toujours proche d'une culture qui encourageait un lien avec les mouvements sociaux, que ce soit au Brésil ou au Vénézuéla.
Selon la police civile de l’ Amazonas, un couple local a avoué avoir commis le meurtre de l'artiste. L'homme de 32 ans et la femme de 29 ans sont accusés d'avoir volé, violé et tué Julieta et d'avoir ensuite dissimulé son cadavre. Elle a aussi était poignardée, étranglée et immolée avant d'être enterrée dans la cour avec son vélo. Son corps a été découvert après qu'un voisin ait remarqué les fragments d'un vélo cassé et ait appelé la police.
Sophia La Roja, la sœur de Julieta, a écrit dans un message envoyé à une discussion de groupe de cyclistes sur WhatsApp que Julieta a passé la nuit au domicile des agresseurs après avoir remarqué que leurs cinq enfants étaient malnourris:
Elle a utilisé le peu d'argent qu'elle avait pour leur acheter de quoi manger et a passé la nuit avec cette famille pauvre et misérable. Ce n'était pas la première fois qu'elle était profondément touchée par la souffrance des enfants, et elle cherchait toujours à partager sa joie et son amour. (…) Les enfants sont maintenant dans un refuge, et nous espérons que les derniers moments de Julieta leurs ont apporté un avenir meilleur.
Pédaler pour la justice
Le 13 janvier, un groupe de cyclistes a pédalé à travers la ville de Caracas en criant justice pour Julieta et en attirant l'attention sur la violence que les femmes cyclistes subissent à Caracas et aussi en tant que voyageuses en Amérique Latine: «On n'est pas toutes là: Julieta n'est pas là!,» «On a le droit de se déplacer, le droit de voyager seule,» «On veut que nos sœurs restent en vie.»
La sortie était organisée par les collectifs «Ser Urbano» («Êtres urbains»), qui encourage une vie publique harmonieuse à Caracas, et «l’ Assemblée du cyclisme urbain,» qui prône l’ «activisme à vélo.»
Plus de 150 manifestations pacifiques, hommages, et évènements culturels ont eu lieu au Vénézuela, au Brésil, au Paraguay, en Uruguay et au Chili depuis l'annonce du meurtre de Julieta Hernández Martínez.
Au Brésil, une randonnée à travers l'État, des centaines de manifestations d'hommages et de sorties à vélo ont honoré l'artiste, célébré sa vie, ses valeurs et son héritage en tant que femme voyageuse et enthousiaste du cyclisme. Le mouvement a gagné de l'ampleur sur les réseaux sociaux, et l’ hashtag #JustiçaParaJulieta (Justice pour Julieta) est devenu viral.
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Dans une interview postée sur la chaîne Youtube de SóLadies, Julieta Hernández Martínez s'est exprimée sur ses valeurs en tant que voyageuse, cycliste et clown:
Être une femme, un clown, et une immigrée vénézuelienne sont trois choses indissociables. En ce moment je suis une immigrée itinérante qui voyage à vélo à travers l'intérieur des États du nord-est du Brésil. Être une femme, un clown et une immigrée, c'est une grande responsabilité, car qu'on le veuille ou non, on devient une référence pour les femmes qui voyagent seules, pour les femmes qui choisissent une profession généralement réservée aux hommes. Parce qu'il y a beaucoup d'endroits où c'est difficile pour un clown et encore plus pour une femme clown.
Féminicides à Amazonas: un problème pressant
Les statistiques du Ministère de la justice du Brésil montrent que tous les jours dans le pays quatre femmes sont victimes de féminicide – un crime considéré odieux selon la loi brésilienne depuis 2015, et qui signifie que des femmes ou des filles sont tuées à cause de leur sexe.
Le Brésil était le cinquième pays avec le plus grand nombre de féminicides en Amérique Latine selon une enquête en 2021. Le meurtre de Julieta Hernández Martinez est devenu un symbole de cette violence, mais aussi des risques qu'encourrent les femmes cyclistes et celles qui voyagent seules à travers le monde.
Selon le rapport du forum brézilien de sécurité publique «Violence envers les filles et les femmes dans la première moitié de l'année 2023,» le nombre de féminicides dans l’ État d'Amazonas a augmenté de 87,5 pour cent comparé à la même période en 2022. 15 décès ont été enregistrés en 2023 comparé à 8 l'année précédente.
Le mutisme des autorités a aussi été critiqué par les protestataires et les promoteurs du cyclisme lors des hommages rendus en l'honneur de Julieta Hernández Martínez. Ni le gouvernement de l’ Amazonas ni son gouverneur, Wilson Lima du parti União Brasil n'ont publiquement dénoncé le crime, ni n'ont mentionné le problème pressant de la violence sexiste dans le pays. L'organe de presse indépendant brésilien Vocativo, a noté que les membres du caucus de l’ Amazonas sont également restés muets sur la question du féminicide à l'assemblée de l'État.
La présidente de la Fondation nationale pour les arts du Brésil (Funarte), Maria Marighella, a déploré la mort de Julieta Hernández Martinez et a déclaré que la Fondation suit l'enquête de près aux côtés du gouvernement de l'État de l’ Amazonas:
Com toda alegria e irreverência, Julieta viajava com sua arte conduzindo crianças e adultos ao mundo circense e por isso, sempre será lembrada. Inquieta em relação à desigualdade de gênero, sua busca por equidade é uma inspiração pra todas nós.
En toutes joie et irrévérence, Julieta a voyagé avec son art, attirant enfants et adultes vers le monde du cirque et, de ce fait, restera toujours dans les mémoires. Luttant sans relâche contre l'inégalité des sexes, sa quête pour l’égalité est une inspiration pour nous tous.
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