
Un agriculteur récolte du riz dans la région 2, en Guyane, en 2020. Bien que le pays soit réputé pour sa production de riz et de sucre, des efforts sont maintenant déployés afin de diversifier son secteur agricole et produire davantage de cultures non traditionnelles dans le but d'aider le pays et l'ensemble des Caraïbes à réduire leur facture d'importation de denrées alimentaires. Photo de Cari-Bois Environmental News Network et avec l'autorisation de Guyana Rice Development Board.
Cet article, écrit par Vishani Ragobeer, a été initialement publié sur le site Cari-Bois Environmental News Network. Une version éditée est republiée ici dans le cadre d'un accord de partage de contenu.
Dans le but d'atteindre l'objectif de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), à savoir réduire de 25 % les importations de denrées alimentaires de la région d'ici à 2025, la Guyane se tourne vers l’agriculture climato-intelligente afin de développer de manière durable sa production alimentaire.
La stratégie, qui vise à renforcer la sécurité alimentaire, ne consiste pas seulement à produire davantage de cultures de rente comme le riz et le sucre; une grande partie de la facture des importations alimentaires de la Guyane est constituée de cultures non traditionnelles comme les baies, le brocoli, le chou-fleur et les carottes, que le pays s'efforce désormais de produire lui-même.
Demande croissante des cultures « non-traditionnelles »
Irfaan Ali, le président de la Guyane, a récemment partagé certaines informations montrant que le pays a dépensé environ 6 milliards de dollars guyanais (soit 28 millions de dollars US) pour l'importation de brocolis, de chou-fleurs et de carottes, entre 2018 et 2020.
Afin de répondre à la demande de ces denrées, ainsi que d'autres cultures qui ne sont pas traditionnellement cultivées en Guyane, le pays a adopté des techniques agricoles climato-intelligentes, telles que les ombrières et les fermes hydroponiques. Ces méthodes aident les agriculteurs à gérer la température à laquelle les cultures sont exposées et le type de sol dans lequel elles sont cultivées.

Le broccoli, le chou-fleur et les carottes sont quelques exemples de légumes qui sont à présent cultivés en Guyane, au lieu d'être importés. Photo de Canva Pro
Selon Ravindra Singh, agronome chargé de développer des produits chez Caribbean Chemicals, ces nouvelles technologies aideraient à stimuler la production agricole, en particulier dans des conditions climatiques de plus en plus problématiques telles que le réchauffement. S'exprimant lors du troisième Salon et Forum sur l'investissement agricole (Agri-Investment Forum and Expo), qui s’est tenu au centre de conférence Arthur Chung à Georgetown en octobre 2023, Ravindra Singh a ajouté qu'il avait eu l'occasion de constater par lui-même les avantages de la culture hydroponique, et notamment sa capacité à optimiser l'espace.
Investissements publics
En janvier 2022, le gouvernement guyanais a lancé un projet pilote d'ombrières à l'Institut national de recherche et de vulgarisation agricoles (NAREI), situé à Mon Repos, sur la côte est de Démérera.
L'ensemble de l’exploitation agricole s'étend sur 4 hectares et compte actuellement 54 ombrières, chacune mesurant environ 27 x 12 mètres. Les plantations de la ferme comprennent le chou-fleur, les carottes, le chou frisé, le brocoli, le céleri, la menthe, le persil et six variétés de poivrons.
Les conditions pour cultiver ces denrées n’étant pas favorables en Guyane, qui est située sur la côte nord du continent sud-américain, l’utilisation d’ombrières et de fermes hydroponiques est essentielle à leur croissance.
Après avoir visité l’exploitation en octobre 2023, le président Ali a qualifié le projet de « remarquable », estimant que les cultures auraient nécessité environ dix fois plus de terrain avec des méthodes agricoles traditionnelles. Soulignant l'efficacité du modèle agricole, le président a ajouté : « Et il est même difficile d'imaginer que cette ferme puisse produire près de 25 tonnes de nourriture. »

Devon Critchlow, agriculteur, s'occupe de ses plantations dans une ombrière qui fait partie du projet pilote de l'Institut national de recherche et de vulgarisation agricoles (NAREI) à Mon Repos, sur la côte est de Démérera. Photo via Cari-Bois Environmental News Network et avec l'aimable autorisation du ministère de l'Agriculture de Guyane.
Il a également indiqué qu'environ 300 jeunes seraient recrutés pour ce projet et que la production serait vendue directement aux six nouveaux hôtels actuellement en construction dans le pays.
Selon Teesha Mangra, directrice générale de One Guyana Agriculture Inc., toute la nourriture produite à la ferme pilote est utilisée : « Toutes [les récoltes] sont vendues sur les marchés. Nous n'avons pas d'excédents, celles de moins bonne qualité sont transformées et certains jours nous vendons aussi des produits sur place. »
Le gouvernement a continué à faire appel à l’Institut pour introduire de nouvelles cultures, telles que l'oignon rouge et les baies, afin de déterminer leur viabilité. Aujourd'hui, il existe des projets pilotes dans toute la Guyane et pas moins de 317 projets d'ombrières dans des établissements scolaires. La Guyane a offert son aide en matière d'ombrières à d'autres pays de la région, notamment la Barbade, la Grenade et Trinité-et-Tobago.
Développement de la culture hydroponique en Guyane
Toujours lors du troisième Salon et Forum sur l'investissement agricole de 2023, les fournisseurs d’énergie ExxonMobil, Hess et China National Offshore Oil Corporation (CNOOC), qui ont tous des investissements dans le bloc de Stabroek situé au large de la Guyane, ont annoncé 4,5 millions de dollars US pour la création de nouvelles fermes hydroponiques de légumes à feuilles dans les régions 2, 5 et 10 du pays.
Des appels ont également été lancés à d'autres investisseurs privés pour le développement d’ombrières et de fermes hydroponiques, en particulier dans les zones où les terres sont nombreuses, comme le long de l’autoroute reliant Linden à Soesdyke.
L'avenir de l'agriculture climato-intelligente en Guyane
Le Forum sur l'investissement agricole de 2023 a également été l'occasion pour le président Ali d'annoncer plusieurs nouvelles initiatives en faveur des agriculteurs locaux et régionaux, notamment une « salle de crise » leur permettant, ainsi qu'à d'autres acteurs de l'alimentation et de l'agriculture, d'avoir accès à des données en temps réel pour les aider dans leurs activités.
Le pays prévoit également de développer, en collaboration avec l’Institut interaméricain de coopération pour l'agriculture (IICA), un nouveau « centre d’excellence » pour inciter les jeunes à poursuivre des études en matière d’agriculture et d’entrepreneuriat au sein d'infrastructures modernisées.
Lors de la dernière Journée mondiale de l'alimentation, le ministre de l'Agriculture, Zulfikar Mustapha, a indiqué que le gouvernement, face à l'augmentation des périodes de sécheresse au cours des dernières années, redoublait d'efforts pour aider les agriculteurs à mieux gérer leur approvisionnement en eau grâce à un nouveau « système d'arrosage goutte à goutte » qui permet d'éviter les pertes d'eau en l'acheminant directement vers les racines des plantes.
Entre-temps, l'Institut national de recherche et de vulgarisation agricoles et l’Office national de l’irrigation et du drainage (NDIA) ont été chargés d'identifier d'autres moyens pour améliorer la gestion de l'eau, dans le but de faire face d'une part aux périodes de sécheresse et, d'autre part, aux inondations.
Grâce à ces stratégies, la Guyane espère démontrer que, grâce à des techniques agricoles climato-intelligentes, elle est tout à fait capable d'atteindre son objectif de remplacer les importations de denrées alimentaires par des produits locaux.