Le président Bola Ahmed Tinubu. Photo par AriseNews, utilisée avec permission
Par Abdulrosheed Fadipe
Depuis le troisième trimestre 2023, des millions de Nigérians sont dans la tourmente, confrontés à des niveaux d'inflation sans précédent, à la dévaluation de leur monnaie et à une insécurité croissante. Les prix des biens et des denrées alimentaires ont grimpé en flèche.
Le naira, la monnaie du Nigeria, ne cesse de se déprécier par rapport au dollar américain. Le lundi 13 février 2023, un dollar s'échangeait contre 1 500 nairas (0,93 USD). Cette situation a plongé des millions de citoyens dans le désespoir et a considérablement réduit le niveau de vie.
Immédiatement après son entrée en fonction en mai 2023, le président du Nigeria, Bola Ahmed Tinubu, a procédé à quelques réformes politiques. Il a supprimé les subventions aux carburants en mai 2023 et a laissé flotter le naira par rapport à d'autres monnaies mondiales. Les experts économiques estiment que ces réformes ont contribué à l'inflation dans l'économie. Depuis lors, le prix de l'essence a triplé dans tout le pays, passant de moins de 200 N (0,12 USD) le litre à environ 600 N (0,37 USD) le litre. Cela a également entraîné une hausse continue du prix général des biens et des services.
Dans ce contexte de pression inflationniste, les cas d'enlèvements massifs et d'enlèvements contre rançon se sont multipliés dans tout le pays.
Le mois dernier, un groupe de ravisseurs a envahi Sagwari Estate, Abuja, dans le Bwari Area Council de la capitale fédérale du Nigeria (FCT) et a enlevé 10 résidents. Trois des personnes enlevées ont été tuées lorsque la rançon n'a pas été payée dans le délai initial. Les sept autres personnes ont été libérées après le versement d'une rançon.
Fin janvier, des hommes armés soupçonnés d'être des ravisseurs ont tenté d'enlever les chefs traditionnels de trois communautés de l’État d'Ekiti. Deux des rois ont été tués, tandis que le roi d'Ara-Ekiti, Oba Adebayo Fatoba, a échappé à l'attaque. Toujours en janvier, cinq élèves de l'école primaire et trois membres du personnel de l'école The Apostolic Faith Group of Schools, Emure-Ekiti, ont été enlevés à Emure-Ekiti, dans l'État d'Ekiti, au Nigeria. Ils ont retrouvé la liberté le dimanche 4 février.
Selon un rapport de l'International Centre for Investigative Reporting, plus de 380 personnes ont été enlevées entre le 1er décembre 2023 et le 3 janvier 2024.
Le 15 janvier, le directeur d'Amnesty International Nigeria, Isah Sanusi, a réagi à cette affaire en déclarant : « Nous sommes désormais confrontés à une épidémie d'enlèvements. Les Nigérians vivent désormais sur le fil du rasoir ». Il a ajouté que l'insécurité et le chaos étaient généralisés, exacerbés par les enlèvements de routine, « alors que les groupes armés resserrent leur emprise sur le pays », et il a appelé les autorités à « endiguer immédiatement la vague d'enlèvements ».
M. Sanusi a déclaré que de nombreuses familles ne signalent pas les cas d'enlèvement après avoir payé la rançon par crainte de représailles et que, par conséquent, de nombreux incidents ne sont pas documentés, ajoutant : “L'épidémie actuelle d'enlèvements met en évidence l'incapacité totale des autorités nigérianes à protéger efficacement les vies.”
Certains citoyens en colère ont organisé des manifestations pour protester contre la hausse des prix et l'insécurité généralisée dans le pays.
Le 17 janvier, des membres du Middle-Belt Youth Forum ont protesté à Abuja contre l'augmentation des cas d'enlèvement dans la capitale fédérale et contre l'insécurité qui a ravagé certaines parties du pays. Le 5 février, un groupe de femmes et de jeunes a protesté contre la faim et l'augmentation du coût de la vie à Minna, dans l'État du Niger. Le 9 février, les étudiants de l'université fédérale de technologie d'Akure ont protesté contre les vols incessants qui ravagent la communauté estudiantine.
La veille, le 8 février, le Nigerian Labour Congress et le Trade Union Congress ont lancé un préavis de grève de 14 jours à l'échelle nationale à l'intention du gouvernement, en raison de la non-application des accords conclus le 2 octobre 2023, à la suite de la suppression de la subvention sur les carburants.
Dans une conversation WhatsApp avec Global Voices mercredi, Umasoye Igwe, membre du National Youth Service Corps (NYSC) en poste à Abuja, a expliqué comment la situation avait affecté sa vie quotidienne et son travail : « L'augmentation du coût de la vie a vraiment eu un impact sur ma vie quotidienne, mon travail et mes relations avec mes proches. Je suis stagiaire NYSC dans une entreprise. Je ne peux pas me permettre d'aller travailler tous les jours à cause du prix élevé des transports. Si je veux aller travailler tous les jours, je dépenserai plus de la moitié de mes revenus. Je ne peux pas non plus voyager pour voir ma famille. Je dois réfléchir à deux fois avant d'entreprendre un voyage en voiture à cause de l'insécurité croissante. Il m'est donc difficile de voir ma famille. Le coût des denrées alimentaires est également élevé. Cette semaine, vous achetez un produit alimentaire pour 1 500 N (0,93 USD) au marché ; la semaine suivante, le prix aura augmenté. J'espère que les choses vont s'améliorer. »
Wale Adekola, un enseignant vivant à Ibadan, une ville du sud-ouest du Nigeria, a dénoncé la frustration causée par la crise. Dans un entretien par courriel, il a exprimé son mécontentement face à la réponse du gouvernement : « Je dirai personnellement que l'augmentation du coût de la vie au Nigeria a affecté mes objectifs de vie saine, car il faut multiplier les engagements afin de multiplier les sources de revenus pour être en mesure de subvenir à ses besoins et à ceux de ses parents, au moins. Cette réalité a réduit, voire supprimé, les périodes de repos de ma routine quotidienne, ce qui a entraîné une certaine forme de détérioration de ma santé. En parlant d'insécurité, j'évite de sortir tard et je travaille davantage à la maison. »
Afin de soulager les difficultés rencontrées par les Nigérians, le président Bola Ahmed Tinubu a ordonné, le 8 février, au ministère de l'Agriculture et de la Sécurité alimentaire de distribuer immédiatement 42 000 tonnes de produits alimentaires au public
Dans son discours prononcé à l'occasion de la fête de l'indépendance, le 1er octobre de l'année dernière, le président Tinubu a exhorté les Nigérians à supporter les difficultés causées par la suppression des subventions, en déclarant : « J'aimerais que les difficultés d'aujourd'hui n'existent pas. Mais nous devons endurer si nous voulons atteindre le bon côté de notre avenir ».
Alors que la situation économique et sécuritaire s'aggrave, les Nigérians continuent de se demander combien de temps ils devront encore endurer jusqu'à ce que les choses s'améliorent.