
Monument de l'indépendance, situé à Bamako (capitale du Mali) ; capture d'écran de la chaîne YouTube de Tv5monde
Depuis le coup d’État du 24 mai 2021, le Mali est dirigé par un gouvernement de transition qui ne donne aucun signe d'un retour à un gouvernement civil réclamé par les partis politiques, et qui de plus, annonce des mesures pour brider la presse.
A la suite d'un premier coup d’État en août 2020, le colonel Assimi Goita prend la tête du pays du au
Les élections présidentielles annoncées pour le mois de février 2024 n'ont pas eu lieu et à l'approche de la date du 26 mars 2024, des partis politiques et des organisations de la société civile manifestent leur désir de voir s'organiser des élections pour que le pouvoir revienne dans les mains des civils. Ces derniers estiment que les militaires au pouvoir n'ont pas la volonté d'organiser des élections.
Pourtant, la junte au pouvoir a organisé un référendum en juin 2023 pour l'adoption d'une nouvelle constitution, approuvée à 97% des voix. Cette nouvelle constitution se résume en quelques points : elle renforce les pouvoirs du président ; amnistie les auteurs des coups d’État ; renforce les pouvoirs de l'armée dans leurs missions ; et met sur pied un sénat.
Interviewé par le média allemand Deutsche Welle Yacouba Dogoni, sociologue malien estime que :
La classe politique ne comprend pas pourquoi aujourd'hui on ne peut pas organiser des élections alors qu'il y a quelques mois, on a organisé un scrutin référendaire dans une situation un peu délicate.
Reçu sur le plateau de Tv5monde, Oumar Mariko, président du parti politique Solidarité africaine pour la démocratie et l’indépendance (SADI), en exil depuis 2022 analyse la situation actuelle. Dans cette vidéo, il explique cette volonté de la junte de s'éterniser au pouvoir, impute également à la junte la psychose lié à l'insécurité au sein de la population et soutient qu'il y a une guerre civile qui fait des dégâts dans le pays.
Suspension des activités des partis politiques
Face à tous ces remous au sein de la classe politique, la junte, à travers un décret, suspend le 10 avril 2024 toutes les activités des partis politiques et associations à vocation politique. Le texte est publié par Papa Ismaila DIENG, journaliste et blogueur politique et membre du réseau Africtivistes sur son compte X :
#Mali – Le Conseil des Ministres a adopté un projet de décret portant suspension des partis politiques et des activités politiques des associations.
Les partis politiques maliens réclament depuis quelques temps la tenue des élections et la fin de la transition. pic.twitter.com/Pc1dlzLD2T
— Papa Ismaila DIENG (@aliamsi) April 10, 2024
En clair, le décret indique que :
Sont suspendues jusqu'à nouvel ordre pour raisons d'ordre public les activités des partis politiques et les activités à caractère politique des associations sur toute l'étendue du territoire national.
Au micro de Radio France Internationale (RFI), le colonel Abdoulaye Maïga, ministre de l’Administration territoriale et porte-parole du gouvernement justifie la suspension en ces termes :
🇲🇱 Au #Mali, le colonel Abdoulaye Maïga, ministre de l’Administration territoriale et porte-parole du gouvernement, a annoncé la suspension des activités des partis et des associations politiques.
►Il a justifié cette décision par des raisons politiques et sécuritaires.
🎧… pic.twitter.com/U5CHlkVjxU— RFI Afrique (@RFIAfrique) April 11, 2024
Les commentaires sous cette publication sur le compte X (ex-Twitter) de Rfi indiquent que certains Maliens semblent soutenir cette décision de suspension et la junte au pouvoir. C'est le cas de Mohamed qui commente :
Cet ordre constitutionnel a servi à quoi au malien depuis l’indépendance?juste un prétexte pour ceux qui ont étudié en France et leur amis journalistes français et autres à piller les ressources maliennes. C’est fini ça, on en veut plus de cet ordre constitutionnel
— Mohamed (@MaigaAfrika) April 11, 2024
La même position est partagée par un compte au nom de M5RFP qui commente aussi :
Vive la transition malienne. Le temps de la politique politicienne est terminé. Nous sommes résolument tourné sur notre pays et sa remise sur pied sur un socle solide
— M5 RFP🇲🇱🇳🇪🇧🇫 (@MaxFof) April 11, 2024
Restriction de la liberté d'expression
Dans la journée du 11 avril 2024, la junte prend une nouvelle décision qui, cette fois-ci, constitue une entrave à la liberté d'expression dans le pays. Après la suspension de toutes activités politiques, la junte interdit aux médias de parler des activités des partis politiques. La Haute autorité de la communication (HAC) publie un communiqué qui acte la décision des militaires à cet effet. Le communiqué est relayé par Serge Daniel sur son compte X :
#Mali-politique/ interdiction à la presse malienne ( journaux, télés , etc) de couvrir désormais les activités des partis politiques pic.twitter.com/YgYQHlD63Q
— Serge Daniel (@sergedanielinfo) April 11, 2024
Les dénonciations face à cette restriction de la liberté d'expression ont été rapide. La maison de la presse réagit et rejette la décision de la HAC. Facely Konate, journaliste et membre du Conseil d'Administration de Reporters Sans Frontières publie sur X :
#Mali | La Maison de la Presse rejette purement et simplement le communiqué”sans fondement juridique” de la Haute Autorité de la Communication (HAC) interdisant la couverture des activités des partis politiques et associations à caractère politique.
“La Maison de la Presse… pic.twitter.com/ZefVzS2B2e
— Facely Konaté (@FacelyKonate1) April 11, 2024
Le Haut-Commissariat aux droits de l'homme de l'ONU aussi réagit, en demandant aux autorités maliennes de revenir sur leurs décisions en abrogeant sans délai la suspension des activités des partis politiques qui constitue une restriction de l'espace civique :
#Mali: We are deeply concerned by the decree suspending the activities of political parties and other civic associations. It must be immediately repealed. An open and pluralistic civic space is key to human rights, peace and security & sustainable development.
— UN Human Rights (@UNHumanRights) April 11, 2024
#Mali : Nous sommes profondément préoccupés par le décret suspendant les activités des partis politiques et autres associations civiques. Il doit être immédiatement abrogé. Un espace civique ouvert et pluraliste est essentiel aux droits de l’homme, à la paix, à la sécurité et au développement durable.— UN Human Rights (@UNHumanRights) April 11, 2024
Une nouvelle crise semble se profiler alors que la tension monte entre la junte et les acteurs politiques, ceci dans le cadre d'une menace sécuritaire qui entrave le quotidien de nombreux Maliens. Aucune région dans le pays n'est épargnée par les menaces et les violences des groupes terroristes alors que la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) a fermé ses portes dans le pays depuis décembre 2023.