En 2018, la République Centrafricaine (RCA) accueille le groupe paramilitaire russe Wagner dans le cadre d'une coopération militaire avec la Russie. Cet évènement provoque alors la colère de la France qui voit ses intérêts menacés et son influence contestée, marquant ainsi le début d'une crise diplomatique entre Bangui, capitale de la Centrafrique et Paris.
A l'époque, la France menace clairement de rompre toute coopération avec le pays de Faustin-Archange Touadéra, président en poste depuis mars 2016. La RCA est une ancienne colonie française qui obtient son indépendance le 13 août 1960, mais fait très vite face à plusieurs troubles politiques. A maintes reprises, la France est sollicitée, comme lors de la dernière intervention militaire française, sur demande de François Bozizé (président de 2003 à 2013) dans le cadre de l’opération Sangaris menée du au A la fin de cette opération, la France maintient dans le pays 130 militaires dans la cadre d'une mission logistique.
Dans une note datant de mars 2018, reprise par Corbeau news Centrafrique (CNC), Paris s'indigne du traitement réservé à son personnel présent dans le pays. Selon CNC, Paris se plaint des fouilles que subissent ses avions. CNC écrit dans un article :
(…) leurs avions qui sont parfois surveillé comme de l’huile sur le feu par des hommes en armés identifiés comme des mercenaires russes sur la piste de l’aéroport Bangui Mpoko lors de leur atterrissage. (…) la France se réserve le droit de rappeler son Ambassadeur et par ricochet, suspendrait toutes ses relations diplomatiques et commerciales avec la RCA.
La France suspend alors son aide budgétaire à la Centrafrique et rompt également sa coopération militaire avec le pays. A cet effet, Paris déclare :
A plusieurs reprises, les autorités centrafricaines ont pris des engagements qu'elles n'ont pas tenus, tant sur le plan politique envers l'opposition que sur le comportement vis-à-vis de la France, qui est la cible d'une campagne de désinformation massive en RCA. Les Russes n'y sont pas pour rien, mais les Centrafricains sont au mieux complices de cette campagne.
Début des reprises
Après un froid persistant entre les deux pays, le dialogue diplomatique reprend en septembre 2023. Ainsi sur demande de la France, le 13 septembre 2023, une rencontre se tient à Paris entre le président français Emmanuel Macron et Faustin-Archange Touadéra. Les discussions entre les deux chefs d’États tournent autour de plusieurs sujets dont la suspension de l’aide budgétaire française, la souveraineté, et la présence des paramilitaires du groupe Wagner en Centrafrique. Sur son compte X (ex-Twitter), Touadéra écrit :
Sur invitation de M. le #Président @EmmanuelMacron de la République Française j’ai été reçu à l’#Elysée pour une visite de travail.
Nous avons avec le Président #MACRON échangé longuement sur les questions liées à la #coopération entre nos deux pays en vu de [..]
1/3 pic.twitter.com/zgCdhA0245
— Faustin-Archange Touadéra (@FA_Touadera) September 14, 2023
Une autre rencontre entre les deux présidents a lieu le 17 avril 2024. Cette fois-ci, Macron et Touadéra posent les bases d'une nouvelle relation bilatérale en adoptant une feuille de route. Selon un communiqué cité par Radio France Internationale (RFI), le palais de l’Élysée a pour objectif de :
(…) contribuer à la stabilité, de renforcer une cohésion nationale aussi large que possible et d'accompagner le développement économique et social de la Centrafrique.
Sur son compte X, l'ambassade de France en Centrafrique publie le communiqué suivant :
Le Président @EmmanuelMacron et son homologue #centrafricain, Faustin-Archange Touadéra, ont examiné les relations bilatérales et la situation régionale au Palais de @Elysee. Ils ont adopté une feuille de route pour renforcer les liens entre nos deux nations. @RCA_Renaissance pic.twitter.com/doIHG2yNLy
— La France à Bangui (@FranceBangui) April 17, 2024
Au sortir de cette rencontre, Touadéra explique qu'il n'y a jamais eu de brouille entre son pays et la France. Au micro de France 24, il précise que :
La République Centrafricaine n'a jamais chassé les Français, ça aussi fait partie de la désinformation ou de l'incompréhension. Nous avons dit qu'à un moment donné, c'est la France qui avait retiré les forces sangaristes [les militaires français de l'opération Sangaris] mais ce n'est plus une question d'actualité. Aujourd'hui, nous sommes en train de revoir dans quel champ nous pouvons donc coopérer dans le respect de la souveraineté des pays.
A coup sûr, la multiplication des rencontres entre les deux pays en si peu de temps confirme une volonté de repartir sur de bonnes bases. Pour autant, la Russie reste présente dans le pays. Les instructeurs russes ainsi déployés dans le pays s'occupent de la formation des bataillons des Forces armées de la Centrafrique (Farca). D'autres assurent la protection de Faustin-Archange Touadéra.
Une chronique titrée : Touadéra-Macron : quand la Centrafrique ménage le coq français et l’ours russe écrite par Damien Glez, dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè pour le magazine Jeune Afrique explique le jeu de Touadéra entre les deux puissances. Dans sa publication, Damien Glez écrit :
Pionnière du partenariat avec les mercenaires de la société paramilitaire Wagner, la Centrafrique pourrait bientôt faire figure de laboratoire d’une certaine cohabitation franco-russe.
Plus loin dans la même publication, l'éditorialiste commente avec un ton satirique :
Selon le discours officiel clamé par Bangui, le pays entend toujours entretenir son lien avec la France qui fut, elle aussi, synonyme de présence militaire significative. Chéri par le Kremlin, le président centrafricain Faustin-Archange Touadéra ménage donc la chèvre française et le chou russe. Ou plutôt le coq et l’ours.
Sur la toile
Certains internautes centrafricains pensent que le retour à un dialogue entre les deux pays ne portera pas de fruits. Selon certains commentaires, Touadéra commettrait une erreur en revenant sur sa position après avoir sonné la fin de la présence française en Afrique tout en faisant appel à la Russie.
Sur le réseau X, un internaute commente l'annonce qui, selon lui, est un alibi pour la France de revenir dans le pays:
C'est un prétexte pour revenir en Centrafrique 🇨🇫. @FA_Touadera est averti ! Nous acceptons les partenariats bilatérales mais pas de supériorité dans les accords. Or connaissant Paris 🇨🇵… je préfère me taire et observer la suite.
— AGÈ VI (@stephMHD229) April 17, 2024
Début février 2024, la RCA annonce la mise sur pied d'une base militaire russe dans le pays, une première pour Moscou en Afrique.
Maintenant que la coopération entre les deux pays semble reprendre, quelle sera le jeu de Paris face à Moscou dans un pays qui sait jouer une puissance contre l'autre?