Cet article a été initialement publié par Durga Rana Magar dans le Times népalais. Une version révisée est republiée sur Global Voices dans le cadre d'un accord de partage de contenu.
Comme beaucoup de Népalais, Surendra Dhami a quitté son village natal dans le District de Darchula dans la Province de Sudurpashchim au Népal pour la Malaisie dans l'espoir d'améliorer la qualité de vie de sa famille.
Il est revenu quelques mois plus tard car le travail et le salaire ne correspondaient pas à ce que le recruteur lui avait promis. Mais il n'y avait pas de travail à Darchula, et la culture dans les montagnes escarpées et arides ne pouvait pas nourrir sa famille.
Alors, comme beaucoup d'autres fermiers des montagnes, Dhami, 36 ans, a émigré avec sa famille dans le Teraï et s'est installé à Gharkheda, un village de la municipalité rurale de Chure dans le district de Kailali.
Ce fut une bonne idée. L'année dernière, il a vendu 10000 kilos d'oranges, et Surendra et sa femme Bhaka se sont diversifiés dans la culture des légumes.
« Jusqu'à présent, nous gagnons notre vie grâce à nos cultures. Dans tous les cas, c'est mieux ici qu'à Darchula, » affirme Bhaka Dhami, 30 ans.
Sa voisine Krishna Devi Kandel et son mari Devendra mettent à contribution leurs 5 enfants dans leur exploitation agricole. Leurs orangers ont souffert d'une infestation et le manque de pluies hivernales a affecté les récoltes.
« Nous n'avons pas d'irrigation et il pleut moins qu'avant, » déclare Devendra.
Le village de Chure est plein de familles descendantes de Darchula, de Baitadi, et d'autres districts montagneux du nord. Mais même ici, les pluies erratiques dues à la crise climatique ont impacté l'agriculture.
La diversification des cultures est la meilleure façon de relever ce défi. Quand ses orangers ont péri, Pabitra Sapkota est passée aux légumes.
« Les tomates plantées par mon fils dans cette serre sont presque mûres, » dit-elle en serrant une botte de feuilles de moutarde verdoyantes.
La chaîne de montagnes du Chure à l'ouest du Népal s'élève à une altitude de 2500 mètres, contrairement à l'est, où elle atteint moins de 500 mètres. Il s'agit du plus récent, du moins élevé et du plus fragile des plis qui forment la chaîne de l'Himalaya et des premières crêtes qui se dressent des plaines.
Le Chure couvre presque 13% de la surface du Népal et comprend 37 des 77 districts de Jhapa à l'est à Kanchanpur à l'ouest. C'est une chaîne de montagnes fragile, où la déforestation a entraîné de fréquentes inondations et des glissements de terrain.
« Le bassin versant du Chure se détériore et les périodes de sécheresse sont fréquentes, réduisant encore la productivité des exploitations agricoles, » explique Sushmita Dhakal du Conseil de la conservation de Chure Terai-Madhes.
Au Chure, l'exploitation agricole familiale est une des façons par laquelle les émigrés récents en provenance des montagnes s'adaptent à la crise, sans embaucher de main-d'œuvre, pour plus de sécurité alimentaire, de nutrition et pour la protection de l'environnement.
Les Nations unies ont déclaré 2019–2028 une « la décennie de l'agriculture familiale » pour la préservation de l'agriculture traditionnelle, l'augmentation de la participation de la jeunesse, la reconnaissance du leadership féminin, la promotion de l'agriculture raisonnée et l'amélioration des conditions de vie.
De plus, l'agriculture familiale protège aussi les foyers de la crise climatique en diversifiant les cultures. C'est également un remède à l'agriculture commerciale forte consommatrice d'eau et qui utilise des engrais chimiques et des pesticides.
À une époque, plus de 80% de la population du Népal dépendait de l’ agriculture, et c'était en majorité une agriculture familiale. Mais ce chiffre est tombé à 62%. L'agriculture ne représente maintenant qu'environ 25% du PIB.
Les agronomes affirment que l'agriculture familiale est capable d'inverser ce déclin en rendant l'agriculture à nouveau rentable.
Les cultivateurs de légumes du village de Lisbeli dans le district de Kailali en sont la preuve — leurs produits ont un marché tout prêt dans les villes du Népal occidental.
Dammari Bhatta travaille son potager avec sa famille et choisit de n'embaucher personne d'autre. Les choux, choux-fleurs et tomates sont assez pour nourrir sa famille toute l'année, et elle vend le surplus pour financer l'éducation de ses enfants.
Son mari, Madanraj Bhatta, dirige le Groupe des cultivateurs de Lisbeli, qui a vendu cet hiver 1700 kilogrammes de choux et 700 kilogrammes de tomates.
Aucune des 30 familles de Lisbeli n'utilise d'engrais chimiques, elles déposent à la place de la fumure organique. Ce qui, à son tour, réduit les infestations parasitaires et les maladies dans les récoltes, tout en restaurant la qualité du sol.
« Les engrais faits maison ont augmenté la récolte et rendu le sol plus fertile, » affirme Manju Jagriti, un ancien enseignant, maintenant cultivateur à plein-temps. « Toute la famille cultive, et nous faisons tout ensemble, » déclare fièrement Manju.
L'agriculture familiale n'est pas nouvelle au Népal, il s'agit de la méthode traditionnelle. Cependant, beaucoup de familles sont parties quand l'agriculture commerciale utilisant les produits agrochimiques a pris le dessus. Maintenant, les familles reviennent à l’ ancienne méthode de culture des plantes alimentaires.
Binayak Bhandari , expert en agriculture, a fait part de ses réflexions sur cette tendance :
Il nous faut revenir à nos anciennes pratiques agricoles durables, protéger l'environnement et trouver le juste équilibre entre nature et subsistance, surtout si on veut s'adapter à la crise climatique.