Le 26 avril 1986, une catastrophe frappe la centrale nucléaire de Tchernobyl.
Un arrêt planifié du réacteur, d'une durée de 20 secondes, semblait être un contrôle de routine de l'équipement électrique. Cependant, quelques secondes plus tard, une explosion a libéré dans l’atmosphère plus de 520 types de radionucléides dangereux. Trente-huit ans plus tard, les autorités biélorusses affirment que 12% du territoire reste contaminé.
La centrale nucléaire de Tchernobyl se situait près de la ville de Prypiat, dans le nord de l’Ukraine, à l’époque République socialiste soviétique d'Ukraine, près des frontières de la République socialiste soviétique de Biélorussie. Prypiat a depuis été abandonnée et une zone d’exclusion fut mise en place dans un rayon de 30 km autour de la centrale. Plus de 100.000 personnes en ont été évacuées.
Au nord de la partie ukrainienne de la zone d’exclusion se trouve la Réserve radioécologique de l'État de Polésie, appartenant à la Biélorussie. Près de 96 villages abandonnés se trouvent dans la zone où habitaient plus de 22.000 personnes avant la catastrophe et leur évacuation en 1986.
D’après le ministère des Situations d'urgence de Biélorussie, Leonid Dedul, le vice-président de l’inspection de la réglementation nucléaire biélorusse, aurait déclaré lors d’une conférence de presse :
As a result of explosions and fires, about 200 types of radionuclides with half-lives ranging from a few hours to hundreds of thousands of years were released into the atmosphere, with Belarus taking the main blow. For example, if we consider the radionuclide cesium-137, 35 percent of the total amount that fell down landed in our country. This radionuclide accounts for about 90 percent of the radiation dose load on the population. Since the post-accident period, the area of contaminated territory in Belarus by cesium-137 has decreased by almost half and now amounts to about 25.5 thousand square kilometers, or 12 percent of the country's total area.
Today, more than 2,000 populated areas are located in radioactive contamination zones, with approximately 930,000 people (185,000 of whom are children) living in them.
Les explosions et les feux ont provoqué la décharge de plus de 200 types de radionucléides différents dans l’atmosphère, la demi-vie de ceux-ci pouvant varier de quelques heures, à plusieurs centaines de milliers d’années. Et c’est la Biélorussie qui a le plus souffert de ces contaminations. Prenons par exemple le césium-137, 35% de toute la teneur relâchée s'est déversée dans notre pays. Notons que ce radionucléide correspond à 90% de la dose de radiation de la population. Depuis l’accident, la zone contaminée par le Césium-137 dans le territoire biélorusse a diminué de presque de moitié et représente aujourd’hui presque 25,5 mille kilomètres carrés, soit 12% du territoire biélorusse.
Actuellement, plus de 2 000 zones habitées par environ 930 000 personnes, dont 185 000 enfants, se trouvent dans le périmètre contaminé.
Mais même si le Ministère des Situations d'urgence de Biélorussie se vante de la réussite du programme Tchernobyl, financé par l’Etat, et censé résoudre les problèmes économiques, sociaux, et environnementaux causé par la catastrophe, le scepticisme règne à l’extérieur du pays.
Alexandre Loukachenko, Président de la République de Biélorussie depuis bientôt 30 ans, a déclaré que le programme était une telle réussite qu’ils avaient « battu Tchernobyl à plate couture ».
Cependant, l’historien biélorusse Alexander Friedman pense que le régime de Loukachenko manipule la mémoire publique au moyen de propagande. Friedman pense que le programme Tchernobyl de Loukachenko fut mis en place pour des raisons économiques et pour prendre le contrôle des territoires contaminés. Dans son article écrit pour DW, il déclare que la population a été négligée et que les graves conséquences de la vie sur les territoires contaminés, même après des années, ont été dissimulées.
Youri Bandajevsky est l’un des chercheurs ayant travaillé sur les conséquences sanitaires de la catastrophe nucléaire de Tchernobyl de 1986 et ancien directeur du laboratoire central de recherches scientifiques de Biélorussie. En 2001, il sera condamné à huit ans de prison en Biélorussie. D’après plusieurs associations de défense des droits humains, le Dr. Bandajevsky était un prisonnier d'opinion, son arrestation survenant peu après ses déclarations critiquant les recherches menées sur la catastrophe de Tchernobyl.
En 2005, le Dr. Bandajevsky fut remis en liberté conditionnelle et il travaille actuellement en Ukraine. 30 ans après la catastrophe, il déclara durant l’une de ses interviews avec DW:
I believe that even three decades after the Chernobyl disaster, the situation hasn't changed enough to allow for safe living and agricultural activities in these territories. Yes, the radiation levels of cesium-137 and strontium-90, which have a half-life of about 30 years, have indeed decreased. However, cesium's half-life product is barium, which hardly exits cells.
Radionuclides have migrated into the soil, entering biological chains into plants, animals, and humans, affecting the cells of vital organs. This is ignored by those [officials] who speak of safe living in areas affected by the nuclear power plant accident.
We began to study the changes occurring in the human body under the influence of radioactive elements in the fifth year after the explosion. At that time, we recorded serious pathologies of internal organs — brain, heart, and endocrine system — that could be assessed as a result of direct radiotoxic exposure. But [Belarusian] officials didn't want to connect cause and effect. Meanwhile, in the Vetka district of Belarus, many of the children we observed in 1993–1995 have died.
We must consider that victims can also include those who live far from the Chernobyl area but consume products from there. In Belarus, after the Chernobyl accident, some “smart” individuals came up with the idea to mix “clean” products with “dirty” ones. In the Gomel region, contaminated lands were initially secretly, then openly, used to produce agricultural products, with livestock being fed grain from there. Products from the region continue to be distributed throughout the republic. Now, the situation has reached the point where these territories are reclassified as “clean,” saving on social payments.
Je ne pense pas que la situation se soit assez améliorée pour permettre de vivre et de cultiver sur ces terres en toute sécurité, même trois décennies après la catastrophe. Bien sûr, les radiations émises par le césium-137 et le strontium-90 (dont la demi-vie équivaut à environ 30 ans) ont bel et bien diminué. Cependant, le césium-137 se désintègre en baryum, un élément qui peine à sortir du cycle cellulaire.
Ces radionucléides ont fusionné avec la terre, pénétrant dans le système biologique des plantes, des animaux et des humains, nuisant aux cellules de leurs organes vitaux. Un fait volontairement mis de côté par ces grandes instances qui viennent ensuite parler des zones touchées par la catastrophe comme des territoires sûrs.
Nous avons commencé à étudier les changements du corps humain sous l’influence des éléments radioactifs cinq ans après l’explosion. À cette époque, nous avions rapporté de sérieuses pathologies touchant les organes internes, comme le cerveau, le cœur ou le système endocrinien. Ces pathologies étaient clairement un résultat de l’exposition aux radiations. Mais les autorités biélorusses n’ont pas souhaité établir de lien de cause à effet. Tandis que la plupart des enfants que nous avions observés dans le district biélorusse de Vetka entre 1993 et 1995 sont décédés.
Nous pouvons également considérer comme victime les personnes n’habitant pas dans les alentours de Tchernobyl, mais qui consomment tout de même des produits de là-bas. En Biélorussie, après la catastrophe, des individus bien «malins» ont eu la merveilleuse idée de mélanger des produits non contaminés avec d’autres contaminés.
D’abord secrètement, puis ouvertement, des terres ont été utilisées pour l’agriculture dans la région d’Homiel. Le bétail a été nourri avec du grain de la région, et les produits locaux continuent d’être distribués dans le pays entier.
La situation a atteint un point où ces territoires sont considérés comme «propres», et ce, pour faire des économies sur les prestations sociales.
Chernobyl Children International est une ONG qui avait aidé des milliers d’enfants provenant de zones contaminées à se rendre dans plusieurs pays d’Europe afin de recevoir l’assistance psychologique et physique nécessaire à leur bon rétablissement. En octobre 2023, les médias rapportent que l'ONG fut forcée par la Cour suprême de Biélorussie à cesser toute activité, en raison des mesures répressives mises en place par le gouvernement.
Et comme le rapporte la chaîne de télévision publique Biélorusse CTV, depuis le début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie (supportée par Loukachenko), la Biélorussie ne communique presque plus aucune donnée concernant Tchernobyl aux autres pays. Les rares moments de partage se faisant durant les réunions occasionnelles de l’IAEA. Par conséquent, il est difficile de faire un constat de la situation à l’intérieur des zones contaminées de Biélorussie, et on peut dire sans trop s’avancer que tant que Loukachenko sera au pouvoir, la population interne et externe du pays ne connaîtra pas la vérité sur la catastrophe de Tchernobyl en Biélorussie.