Un activiste traduit Minecraft, des mangas et Harry Potter du russe en tchouvache

Une femme en tenue traditionnelle tchouvache prend ses ami(e)s en photo à l’aide d’un smartphone durant le festival « Akatuj » organisé par la diaspora Tchouvache à Saint-Pétersbourg, Russie, le 2 juin 2019. Auteur : Zakharov Oleg. (CC BY-SA 4.0 DEED)

Originellement publié par le média indépendant russe Novaya Vkladka, cet article raconte l’histoire de Yuman Yentimirov, un habitant de la ville de Tcheboksary, capitale de la Tchouvachie, avec pour but de rendre populaire sa langue maternelle. Une version éditée de cet article est republiée sur Global Voices avec l'autorisation de Novaya Vkladka.

Avec l’aide d’autres passionnés, le jeune homme de 20 ans traduit des jeux vidéos, des bandes dessinées japonaises, et des films populaires du russe vers le tchouvache.

Yuman lui-même le dit, ce projet est à but non lucratif et n’a pour objectif que de satisfaire une demande croissante de la part des habitants du pays. Il a entamé le projet de promotion de sa langue maternelle en 2023. L’activité professionnelle de Yuman n’a rien à voir avec sa passion. En effet, il est référenceur SEO, métier dans lequel il fait la promotion de sites Internet via des moteurs de recherches. C'est grâce à sa famille qu’il commencera à s’intéresser à la culture tchouvache. « Mon père m’a parlé de fêtes [tchouvaches] qui ne sont plus célébrées. Le Surhuri par exemple, une ancienne fête tchouvache que l’on célébrait durant le solstice d’hiver » explique-t-il. Au début, le jeune homme a mis en place une chaîne Telegram avec pour but de discuter de divers aspects de la langue tchouvache, mais il a plus tard décidé de se restreindre son activité.

Yuman est un fan de manga, des bandes dessinées japonaises. En se renseignant sur les différentes langues parlées en Russie et dans lesquels sont traduits les mangas, il s’est rendu compte qu’il n'était disponible qu'en russe et en tatar ; ce qui l’a motivé à commencer ses propres traductions. Il traduit actuellement le très populaire « Death Note » en tchouvache et publie chaque chapitre sur sa chaîne Telegram « Manga en tchouvache».

“Death Note” is a manga by Tsugumi Ohba, illustrated by Takeshi Obata, serialized in Weekly Shonen Jump from December 1, 2003, to May 15, 2006. According to a survey conducted in 2007 by the Japanese Ministry of Culture, it ranks 10th among the best manga of all time.

« Death Note » est une série de mangas écrite par Tsugumi Ōba et illustrée par Takeshi Obata. Elle a été publiée dans le magazine Weekly Shōnen Jump du 1ᵉʳ décembre 2003 au 15 mai 2006. D’après une enquête menée par le ministère de la Culture du Japon, Death Note occupe la 10ᵉ place parmi les meilleurs mangas de tous les temps.

Mais Yuman ne se limite pas qu’aux bandes dessinées. Ainsi, il a commencé la traduction de jeux vidéos, avec Minecraft comme premier projet. Après avoir étudié les menus du jeu, Yuman s’est rendu compte que le Tatar et le Bachkir, entre autres, étaient déjà disponibles. « Mais notre langue, le tchouvache, ne l’était pas. Donc, je me suis dit, pourquoi ne pas essayer de le traduire » a-t-il expliqué.

Yuman a travaillé seul à la traduction des mots et des phrases de Minecraft, comme il l’avait fait pour les bandes dessinées. Son prochain objectif est de rendre le tchouvache disponible directement dans les menus de la version officielle du jeu, via une plateforme de cloud computing (utilisées entre autres pour la localisation de jeux vidéos). Pour ce faire, la traduction doit d'abord être approuvée par le relecteur de la plateforme. Yuman prévoit la fin de cette étape pour l’été 2024.

Il s’est également lancé dans un autre projet, la création de sous-titres pour des films à succès. Après avoir partagé cette idée sur sa chaîne Telegram, il a été contacté par d’autres personnes parlant le tchouvache et souhaitant l’aider dans son projet. Actuellement, l’un des volontaires écrit les sous-titres pour des animes, tandis qu’un autre a commencé la traduction des films d'Harry Potter. Les vidéos contenant les sous-titres en tchouvache seront publiés sur une autre chaîne Telegram.

Yuman explique que puisque tous ses projets sont à but non lucratif, les problèmes de droits d’auteurs ne l’inquiètent pas. Quant aux droits de ses propres traductions, il ne trouve pas de problème à ce que ses travaux soient republiés sur d’autres sites. « Cela permet toujours à plus de gens de lire des mangas en tchouvache » ajoute-t-il. Mais même si ces traductions ne sont pas monétisées, les auteurs ne refusent pas les donations venant de leurs abonnés, qui sont encouragés à donner.

D’après Yuman, il y a actuellement une forte demande pour des traductions de films, de jeux, et de livres, « les gens sont bien plus à l’aise en lisant dans leurs langues maternelles » et il pense que tout ce contenu permettra à ceux apprenant le tchouvache de s’immerger dans la langue.

Il pense qu'un engouement a toujours existé pour le tchouvache, mais « qui semblait hors du monde moderne. » D’après lui, la nouvelle vague de popularité que rencontre le tchouvache a commencé en 2021, grâce à divers influenceurs locaux.

Depuis quelque temps, l’intérêt porté aux langues autochtones de certaines républiques de Russie s’est accentué. Diverses chaînes et communautés ont fait leur apparition sur les réseaux sociaux, aidant non seulement l’apprentissage de ces langues, mais aussi à les utiliser dans la vie de tous les jours. Par exemple, en Oudmourtie, un journal écrit dans la langue du pays est publié depuis 2023. À Syktyvkar, le « Revolt Center », est un centre culturel, ouvert depuis 2023, et dans lequel on peut apprendre le Komi au travers des conversations, des jeux ou des chansons.

Ces langues sont également mises en valeur via des fanzines ou des auteurs de bandes dessinées. L’artiste Altan Khaluun Darkhan originaire de Bouriatie, par exemple, a publié un fanzine intitulé « Ulaalzay – La Fleur de Saranka », dans lequel elle partage des informations sur la culture de son pays au travers de l’histoire de sa famille.

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