
Image de Mahamat Idriss Déby Itno, Capture d'écran de la chaîne YouTube de Tv5monde
Selon les premiers résultats des élections présidentielles du 6 mai 2024 au Tchad, Mahamat Idriss Déby Itno est élu nouveau président du pays pour un mandat de cinq ans, en attente d'une confirmation du conseil constitutionnel. Ceci marque la fin d'une période de transition débutée en avril 2021, suite à la mort d’Idriss Déby Itno, président de 1990 à 2021.
Les résultats provisoires du scrutin proclamés par l’Agence nationale de gestion des élections (ANGE), dans la nuit du 9 mai 2024, créditent Mahamat Idriss Déby Itno de 61,03 % des suffrages exprimés. Une large victoire dès le premier tour devant ses concurrents directs, notamment Succès Masra, son premier ministre qui vient en seconde position avec 18,53 % des voix, et Albert Pahimi Padacké qui recueille 16,91 % des suffrages.
Fils d’Idriss Déby Itno, Mahamat Idriss Déby Into est général d'armé depuis décembre 2021. Il a fait une carrière militaire au sein des forces armées tchadiennes qui l'a préparé à la succession de son père.
Alors que plus de 8 millions d’électeurs étaient appelés aux urnes sur une population estimée à plus de 18 millions d'habitants, plus de six millions ont pu accomplir leur devoir civique et citoyen. Le taux de participation est donc de plus de 75%.
Suite aux résultats provisoires annoncés par l'ANGE, dans un discours télévisé, Mahamat Idriss Deby Itno fait une déclaration, qui est reprise par BBC Afrique dans un article :
Je suis désormais le président élu de tous les Tchadiens, aussi bien le président, de ceux qui ont voté pour moi, mais aussi le président de ceux qui ont fait d'autres choix.
Pourtant bien avant la proclamation des résultats, Succès Masra, président du parti les Transformateurs et principal challenger de Mahamat Idriss Deby Itno, affirme avoir remporté les élections dans une vidéo live de 11 min publiée sur sa page Facebook :
Dans le live, Masra déclare :
Tout est accompli, la victoire du Peuple est éclatante et sans tâche. (…) Un petit nombre d'individus pensent pouvoir faire croire que l'élection a été remportée par le même système qui dirige le Tchad depuis des décennies, avec des résultats que l'on connaît. Et pourtant nous avons promis à tous, et c'est ce qui va être fait, un Tchad sans vengeance, un Tchad réconcilié où chacun aura sa place.
Lire : Au Tchad, mort de Yaya Dillo Djérou, principal opposant au pouvoir militaire en place
Les réactions
Au lendemain de la proclamation des résultats, des acteurs politiques proches des candidats à l'élection présidentielle se prononcent sur le scrutin. Au micro de Radio France Internationale (RFI), les déclarations se situent entre satisfecit et déception. Mahamat Assileck Alata, ministre tchadien de l'Aménagement du territoire, de l'habitat et de l'urbanisme dit :
Notre président [Mahamat Idriss Deby Itno] est celui de tous les Tchadiens. Les choses se sont passées dans la norme pour ce vote et pour la compilation, quatre jours après le scrutin.
Clément Sianka, directeur de cabinet et porte-parole d'Albert Pahimi Padacké (candidat classé 3è avec plus de 16% des suffrages) se résigne et félicite Mahamat Idriss Déby Itno pour sa victoire. Il indique à RFI que :
Il peut y avoir certes quelques réclamations mais cela ne remet pas en cause la victoire de Mahamat Idriss Déby. Désormais, la place n'est pas à une guéguerre politicienne.
Dans le camp du parti Les Transformateurs, c'est la déception totale. Toujours au micro de RFI, Sitack Yombatina Beni, vice-président du parti Les Transformateurs en charge des questions de gouvernance, réformes et enseignements, parle de mascarade, de braquage et indique que l’Ange ( l'Agence nationale de gestion des élections) est devenue « démon ». Sitack Yombatina Beni estime que :
Certains procès-verbaux de bureaux de vote sont arrivés dans la nuit de mercredi à jeudi ou même dans la journée de jeudi. En quelques heures, ce n'était donc pas possible d'avoir les résultats.
Plus loin, il conclut que :
Depuis 1996, le Mouvement patriotique du salut (MPS), parti au pouvoir, a toujours organisé des élections tronquées, truquées.
Face aux réactions des partisans de Succès Masra, Mahamat Assileck Alata ajoute :
La déception des Transformateurs est à la hauteur de ce qu'ils pensaient faire. Mais ils ont le temps de faire leurs observations, leurs contestations devant la Cour constitutionnelle et on verra bien qui est le véritable président élu.
Lire : Au Tchad, le paysage médiatique ne protège pas les journalistes
Le camp Déby jubile
Dans la fièvre d'une victoire écrasante au premier tour, les partisans du nouveau président élu manifestent leur joie. Dans les rues de la capitale, des journalistes de l’Agence France Presse (AFP) cités dans un article de France24 témoignent de scènes de tir :
Peu après l'annonce, des militaires tiraient en l'air à l'arme automatique à N'Djamena, de joie et manifestement pour dissuader les gens de se rassembler. Quelques habitants couraient pour se terrer chez eux et les rues ont vite été désertées.
Citant toujours les journalistes d'AFP, la même source, France24, indique que :
Dans le centre de la capitale, c'était l'inverse près du Palais présidentiel, de nombreux partisans de Déby célébraient sa victoire en criant et chantant et klaxonnant dans leurs voitures, recouvertes du drapeau tchadien pour certaines. Des quidams tiraient aussi en l'air des rafales d'armes automatiques. Au moins deux adolescents ont été blessés par des balles qui retombaient.
Illustration de cette manifestation de joie dans cette vidéo du média Africanews :
Masra demande l'annulation du scrutin
Le Premier ministre Masra, qui est un farouche opposant à Déby, compte aller plus loin qu'une simple revendication de sa victoire. L'opposant a, en effet, saisi le conseil constitutionnel, comme il l'annonce sur sa page Facebook:
Aidé par nos avocats, nous avons saisi ce jour le Conseil Constitutionnel, pour la vérité des urnes. Merci à vous tous citoyens qui avez contribué à la documentation de la vérité des urnes.(…)
Il partage également le récépissé de sa requête sur sa page :
En clair, Masra demande une annulation du scrutin devant le conseil constitutionnel. Cette assertion est confirmée par Sitack Yombatina Beni, vice-président de son parti. Au micro de France24, ce dernier précise :
Notre requête, c'est l'annulation pure et simple de cette mascarade électorale. Toutes les preuves sont dans les clés USB jointes à la requête auprès du Conseil constitutionnel. Elles contiennent des vidéos de bourrage d'urnes, de vols et de menaces mais surtout des urnes qui ont été enlevées par les militaires pour être dépouillées ailleurs.
Le conseil constitutionnel a jusqu'au 21 mai 2024 pour confirmer les résultats proclamés par l'Agence nationale de gestion des élections. Si Mahamat Idriss Déby Itno est confirmé, il deviendra le 5ème président élu de la République du Tchad, mettant ainsi fin à une longue transition politique dans un pays qui reste divisé politiquement.