Hong Kong : une loi visant à interdire la chanson « Gloire à Hong Kong » adoptée par les cours d'appel

Photo de Kelly Ho, HKFP, utilisée avec permission.

Cet article écrit par Hilary Leung a été initialement publié par Hong Kong Free Press (HKFP) le 8 mai 2024. Une version éditée de cet article est republiée sur Global Voices avec l'autorisation de HKFP.

Une cour d'appel de Hong Kong s'est rallié au gouvernement dans leur tentative de bannir la chanson « Gloire à Hong Kong », rejetant la décision d'une cour inférieure prise l'année dernière, alors soucieuse de la liberté d'expression.

Trois juges de la cour d'appel ont pris leur décision le 8 mai, indiquant que l'injonction des forces de l'ordre était « nécessaire » afin de persuader les plateformes en ligne de supprimer les « vidéos problématiques  ».

Après avoir gagné en popularité durant les manifestations de 2019, « Gloire à Hong Kong » a souvent été confondu avec l'hymne de la Chine, « La Marche des Volontaires », notamment lors d'événements sportifs internationaux.

Une confusion qui a poussé les forces de l'ordre à enquêter sur le lien entre la chanson, les « violentes émeutes », et les mouvements d'indépendance de Hong Kong, bien que cette dernière demande ne faisait pas partie de celle des manifestations anti-extradition.

Le gouvernement Hongkongais avait déjà demandé à Google de retirer « Gloire à Hong Kong » des résultat de recherche et de rétablir le véritable hymne de la Chine comme résultat premier, en vain.

Les juges ont déclaré que les plateformes en ligne étaient « prêtes à respecter le choix de l'État » en cas de décision de justice :

It is impracticable to bring proceedings against each of the wrongdoers… A much more effective way to safeguard national security in such circumstances is to ask the [online platforms] to stop facilitating the acts being carried out on their platforms.

Ce n'est pas possible de poursuivre tous les criminels… Un moyen bien plus efficace pour s'assurer de la protection de la sécurité nationale est de demander aux plateformes en ligne d'arrêter de relayer les contenus utilisant la chanson.

Google a confié à HKFP que même s'ils ne pouvaient pas encore commenter la décision de l'État, ils « examinaient tout de même la décision de justice ».
HKFP a également contacté Meta et Microsoft afin de savoir si ces plateformes souhaitaient supprimer ou bloquer les contenus utilisant « Gloire à Hong Kong » des publications passées ou futures.

Alors que la cour d'appel prenait sa décision, un porte-parole du Ministère des Affaires étrangères de Chine a déclaré :

Stopping anyone from employing or disseminating the relevant song… is a legitimate and necessary measure by [Hong Kong] to fulfil its responsibility of safeguarding national security.

Empêcher la population d'utiliser ou de diffuser cette chanson… est une décision nécessaire et légitime de la part d'Hong Kong, et ce, afin de veiller à la sécurité nationale.

L’Asia Internet Coalition, un groupe dont Google et Spotify sont membres, a déclaré être en train d'étudier les conséquences de la décision et la manière dont l'injonction serait mise en place. La coalition s'est adressée à HKFP :

We believe that a free and open internet is fundamental to the city’s ambitions to become an international technology and innovation hub.

Nous croyons qu'un internet gratuit et libre est nécessaire pour que la ville réalise ses ambitions de devenir une cité de la technologie et de l'innovation.

« Afin de veiller à la sécurité nationale »

Près d'un an auparavant, le gouvernement avait déjà déclaré vouloir criminaliser les contenus et les performances artistiques aux « intentions illégales ».

Les autorités ont déclaré que la chanson, associée aux manifestations de 2019, « fut maintes fois confondue avec le véritable hymne ». Une référence à la série de faux pas lors d'un événement sportif international, l'organisation ayant joué « Gloire à Hong Kong » au lieu de « La Marche des Volontaires », le véritable hymne chinois.

En juillet dernier, la Cour suprême avait rejeté la demande du gouvernement, affirmant que cela pourrait avoir un effet « néfaste » sur la liberté d'expression. Cependant, les autorités avaient eu la possibilité de contester cette décision.

Lors de l'appel, l'un des avocats représentant le gouvernement a cité une interview donnée par le compositeur de la chanson, définie comme « une arme » composée pour les manifestations de 2019.
« Le compositeur lui-même voit cette chanson comme une arme » a déclaré Benjamin Yu, l'avocat principal, en décembre dernier.

Malgré l'adoption de la Loi sur la sécurité nationale de Hong Kong (LSN), une loi très controversée chez les citoyens hongkongais, « Gloire à Hong Kong » reste très répandu et elle continue « d'émouvoir la population ». D'après des estimations de la police, la chanson aurait été utilisée comme hymne de Hong Kong près de 800 fois.

Les manifestations de 2019 avaient commencé après la proposition d'une loi d'extradition, aujourd'hui annulée. Cette loi aurait permis à la Chine d'extrader les citoyens hongkongais sans aucun procès. Au milieu des mouvements pro-démocratie, certaines manifestations ont dégénéré en de violentes démonstrations contre le comportement de la police et l'ingérence de Pékin.

Les manifestants ont ensuite demandé une enquête indépendante sur le comportement de la police, l'amnistie pour les civils arrêtés, ainsi qu'un arrêt de la classification des démonstrations comme « émeutes ».

Au cours de la décision prise le 8 mai, les juges ont écrit que « de simples poursuites ne suffiraient pas à arrêter le problème, et qu'il y a un véritable besoin d'une injonction comme contre-mesure, et ce, afin d'assurer le maintien de la sécurité nationale.

Les juges ont également précisé qu'ils avaient accepté les propositions de Benjamin Yu concernant certaines exceptions possibles sur l'utilisation de la chanson, notamment celles dans un cadre « légal », tels que recherches académiques ou journalistiques.

L'hymne des erreurs

Composé par des manifestants et coécrit par des utilisateurs du forum en ligne LIHKG, « Gloire à Hong Kong » a été publié en août 2019 sur YouTube.
Les paroles contiennent un chant très utilisé lors des manifestations : le slogan « Pour Hong Kong, que la gloire triomphe ! »

Le slogan a depuis été qualifié par les juges comme capable d'inciter à la sécession. Un délit majeur dans la Loi sur la sécurité nationale, imposé par Pékin. Les citoyens qui en sont reconnus coupables peuvent risquer la prison à vie.

Après la fin des restrictions liées à la pandémie et le retour des événements sportifs internationaux, la ville a connu au moins cinq incidents entre fin 2022 et début 2023. Incidents dans lesquels « Gloire à Hong Kong » fut confondu avec le véritable hymne chinois, ce qui a poussé la police à enquêter sur ces erreurs.

La première erreur connue s'est déroulée en novembre 2022, lors du Championnat d'Asie de rugby à sept en Corée du Sud. Les organisateurs avaient malencontreusement joué « Gloire à Hong Kong » à la place de « La Marche des Volontaires ». Ce quiproquo serait dû à un manque d'inattention, les organisateurs ayant téléchargé les premiers résultats apparus lors d'une recherche en ligne sur les hymnes de chaque ville.

Le gouvernement hongkongais a alors demandé à Google de faire apparaître le véritable hymne lors d'une recherche, une « obligation morale » d'après John Lee, chef de l'exécutif de Hong Kong.

Lors de la première demande d'injonction du gouvernement en juillet dernier, Sun Dong, le secrétaire d'État à l'Innovation, la Technologie et l'Industrie, a déclaré que Google n'avait pas respecté la demande du gouvernement. D'après Sun Dong, l'entreprise aurait affirmé avoir besoin de preuves concrètes afin de vérifier que la chanson enfreignait bien les lois locales.

Le gouvernement a fini par créer une page officielle clarifiant le sujet, ce qui permit de faire baisser le nombre de recherches de « Gloire à Hong Kong ».

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