La musique guinéenne: un projet politique devenu héritage national et international

Image de Elie Kamano, artiste engagé guinéen ; capture d'écran de la chaîne YouTube d'Elie Kamano

La République de Guinée, aussi appelée Guinée Conakry fait partie des pays africains dotés d'une grande richesse et diversité musicale dont la renommée dépasse largement les frontières.

Situé sur la côte de l'Afrique de l'Ouest, et comptant plus de 14 millions d'habitants, le pays abrite en son sein plus d'une vingtaine de groupes ethniques dont les principaux sont les Peuls (40%), les Malinkés ou Madingues (30%) et les Soussous (20%). Ces trois groupes sont particulièrement présents dans l'héritage musical du pays.

Comme ailleurs en Afrique, la musique guinéenne se définit aujourd'hui comme un mélange respectant et s'inspirant aussi bien des traditions que de la modernité musicale globale.

Une diversité ethnique ancrée dans la musique traditionnelle

La diversité ethnique est particulièrement visible dans la diversité des instruments de musique tels que le ngoni, le balafon, la kora, le Djembe, et la flûte peul encore appelée tambin, qui sont tous au service des artistes guinéens.

Les griots tiennent aussi une place importante dans la musique traditionnelle. Parfois décrits comme chanteurs-historiens, ils sont considérés comme les gardiens de l'histoire orale. Ils jouent, à cet effet, un rôle central et crucial dans la préservation et la transmission des traditions musicales ancestrales.

Dans cette vidéo, une prestation de l'artiste Sibo Bangoura au son de la kora illustre cette tradition:

Mory Kanté, considéré comme l'un des artistes emblématiques de la Guinée est justement issu d'une famille de griots. La kora reste son instrument préféré qu'il amène toujours avec lui sur scène. Il est connu pour son tube Yéké yéké, sorti en 1987 et qui a connu un succès planétaire. En voici la vidéo :

Apport de Sékou Touré

La décolonisation a joué un rôle particulier dans l’émergence et l’affirmation de l’identité musicale guinéenne. Sous le leadership de Sékou Touré, premier président (1958-1984), la Guinée est la première colonie à remettre en cause la présence française dans son pays, et à réclamer de cet fait l'indépendance totale qui est actée le a période qui suit marque le début d’un tournant artistique centré sur le nationalisme.

Sékou Touré prend ainsi des initiatives pour amorcer le développement de la musique guinéenne. Sous son impulsion, l’Ensemble instrumental national de Guinée, une institution et un groupe chargé de la promotion de la musique guinéenne dans le pays, et hors des frontières, est mise sur pied en janvier 1961.

A travers ce projet politique, il veut opposer un blocage culturel à l'influence culturelle de la France. Tout en misant sur une authenticité culturelle, il proclame à cet effet :

la culture est une arme de domination plus efficace que le fusil.

Ce projet musical a dépassé toutes les espérances car il séduit à l'international et trouve également un écho favorable chez des artistes anti-colonialistes et panafricanistes comme Miriam Makeba, qui devient par la suite ambassadrice de la Guinée.

Cette vidéo, est une archive de l'époque témoignant d'une des premières prestations de  l’Ensemble instrumental national de Guinée :

 

Un extrait des commentaires sous cette vidéo montrent la nostalgie que les Guinéens gardent des merveilles musicales de ce groupe nationaliste:

Genres musicaux tout aussi politiques

La musique continue d'être un véhicule pour des messages sociopolitiques en Guinée. Des artistes s'en servent comme un élément essentiel de conscientisation et un outil de mobilisation pour faire passer des messages politiques à la population. Des questions telles que la justice sociale, les droits de l'homme, la paix, la corruption, la bonne gouvernance, l'unité nationale, sont ouvertement abordés par de nombreux artistes. On peut citer Elie Kamano, artiste très engagé sur des questions politiques. Dans sa chanson “Afrika“, il passe un message qui va au delà de son pays, la Guinée. L'artiste y dénonce  la manipulation des institutions régionales comme la CEDEAO ou l'Union africaine. Voici la vidéo d'”Afrika” :

 

Hormis la musique traditionnelle, d'autres genres sont présents dans le paysage musical guinéen. Intégrant les traditions ancestrales et les influences modernes, les artistes pratiquant le reggae, l'afrobeat, le hip-hop, la musique urbaine, le rap ont tous leurs audiences au pays, comme en témoigne cette vidéo d'un collectif d'artistes guinéens qui font la promotion de leur pays :

 

La Guinée compte de très nombreux artistes : Sékouba Bambino, surnommé “le messager de la paix”, est reconnu pour ses messages de réconciliation et d'unité.

Certains sont aussi Guinéens d'adoption : Salif Keita, bien que Malien, a également marqué de son empreinte la scène musicale guinéenne avec ses compositions mélodieuses et engagées. Rejeté par son pays à une certaine époque, il est accueilli par Sékou Touré qui le décore de l’ordre national du Mérite de la Guinée. Ici, Keita chante les mérites de son bienfaiteur:

A en juger d'après le nombre d'auditeurs sur des plateformes comme Spotify, ces artistes représentent ceux qui sont le plus écoutés en ligne globalement: Mory Kanté ; Safa Diallo ; Sékouba Bambino; Azaya, qui a collaboré avec des artistes prestigieux et de renom comme que Eddy Kenzo et Yemi Alade ; Kandia Kora, surnommé génie de la kora, qui fait sensation avec ses productions musicales comme son titre “Je m'en fous” en collaboration avec Azaya ; King Alasko ; Petit Kandia et bien d'autres encore.

Voici la vidéo de “Je m'en fous” de Kandia Kora avec Azaya :

La Guinée peut donc être fière de ses artistes qui continuent de contribuer à la richesse culturelle du pays avec une influence significative sur la scène musicale au plan national et hors des frontières guinéennes.

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