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Le 27 avril, MetSul, une agence météorologique, a publié sur X (anciennement Twitter) un avertissement concernant un front froid, de fortes pluies, des coups de vent et de la grêle, ainsi que des risques de conditions météorologiques difficiles dans certaines parties du Rio Grande do Sul[fr], l'État le plus méridional du Brésil. C'est ce même État qui a subi trois catastrophes climatiques rien qu'en 2023, avec 75 décès confirmés et de nombreuses villes touchées.
Le lendemain, l'agence a publié une autre annonce alerte : « Risque de grave d'inondations dans le sud du Brésil en raison de pluies excessives pouvant aller jusqu'aux extrêmes. Il a déjà plu 200 mm [20 cm] dans certaines zones et les prévisions indiquent que beaucoup plus d'eau arrive. Les scènes de villes inondées de 2023 seront répétées. »
Deux jours plus tard, ils ont commencé à publier des articles sur les ruisseaux débordants, l'élévation du niveau des rivières et les inondations tandis que l'Institut national de météorologie (Inmet) mettait tout l'État en alerte, montrant une échelle variable du jaune au rouge, ce dernier étant la plus grande partie. Le 30 avril, le gouvernement local a confirmé huit morts et 21 personnes disparues.
Depuis la publication de cet article le 7 mai, la pire catastrophe naturelle de l'histoire du Rio Grande do Sul a causé 100 morts, 128 disparus et plus de 1,4 million de personnes touchées. Sommes qui semblent encore sous-estimés quand on voit les images de villes entières sous l'eau.
Parmi les 497 villes de l'État, 414 ont été touchées jusqu'à présent. Au moment où nous allons sous presse, il est possible que des personnes sur les toits, coincées dans des maisons ou des bâtiments entourés d'eau attendent encore les secours. D'autres sont toujours à la recherche de victimes de glissements de terrain ; et beaucoup n'ont pas accès à l'eau potable, à l'électricité ou à des moyens de transport pour aller et venir dans leurs villes puisque des ponts et des routes ont été détruits. La pluie se déplace vers le sud et devrait revenir dans d'autres villes déjà touchées.
En septembre 2023, après la pire catastrophe climatique que le Rio Grande do Sul avait enregistrée à l'époque, le gouverneur réélu Eduardo Leite (PSDB[fr], Parti de la social-démocratie) a déclaré dans une interview pour la chaîne de télévision Globo News TV que « les modèles mathématiques ne pouvaient pas prévoir le volume des pluies ». Cette fois, il n'y a pas de surprise.
Un expert cité par Deutsch Welle affirme que l'État est maintenant devenu une cible en raison d'une superposition de phénomènes météorologiques, comme les récentes vagues de chaleur et l'influence d’El Niño[fr]. Bien que Marcelo Seluchi, coordinateur du Cemaden (Centre national de surveillance et d'alerte aux catastrophes naturelles), affirme qu'aucun endroit au monde ne serait en mesure de résister à cette situation, « il aurait pu y avoir des plans d'urgence et de prévention ». « Vous ne pouvez pas le faire d'une semaine à l'autre. C'est quelque chose qui manque », a-t-il dit.
Scènes d'une catastrophe
Les premières villes touchées par la catastrophe locale qui a englouti le Rio Grande do Sul ont enregistré des glissements de terrain, des ponts détruits et des inondations qui ont recouvert les villes et les autoroutes, rendant l'arrivée des secours encore plus difficile.
Esse local é a divisa de Bento Gonçalves com Veranopolis, na ponte dos arcos, uma zona rural. As pessoas costumavam ir até ali, desfrutar dos bares e restaurantes no entorno, com muita comida típica. Tínhamos casas e restaurantes aí e uma rodovia importante. Não há mais nada! 😓 pic.twitter.com/AiUkkYp5NE
— 🙌 .•. (@Boscardin) May 3, 2024
Cet endroit se trouve à la frontière entre les villes de Bento Gonçalves et Veranópolis, dans le pont des Arches, une zone rurale. Les gens y allaient pour profiter des pubs et des restaurants qui servaient une cuisine locale. Nous avions des maisons, des restaurants et une route importante. Il n'y a plus rien à présent.😓 pic.twitter.com/AiUkkYp5NE
— 🙌 .•. (@Boscardin) 3 mai 2024
AGORA | Capa histórica e uma das mais impactantes da história centenária do jornal @correio_dopovo em formato pôster na edição especial desta sexta-feira com a imagem do Vale do Taquari submerso e um raio ao fundo pela tempestade. pic.twitter.com/LY8MCIzTxG
— MetSul Meteorologia (@metsul) May 3, 2024
NOW | Une couverture historique et l'une des plus percutantes des 100 ans du journal Correio do Povo, dans une édition spéciale ce vendredi, avec l'image de la vallée de Taquari submergée et la foudre en arrière-plan avec la tempête. pic.twitter.com/LY8MCIzTxG
— MetSul Meteorologia (@metsul) 3 mai 2024
Dans la capitale de l'État, Porto Alegre, la rivière Guaíba a battu un record historique vieux de 83 ans en atteignant 4,77 mètres de hauteur. Il a maintenant atteint 5,3 mètres sachant que la limite de son lit avant de provoquer une inondation est de 3 mètres. Les quartiers qui n'avaient jamais été atteints par les inondations ont dû être évacués, mais de nombreux résidents sont restés isolés dans leurs maisons. Plus de 85 % de la population n'avait pas accès à l'eau potable, même dans les supermarchés, et dans l'aéroport toujours sous l'eau pour qui les vols devraient être suspendus jusqu'à la fin du mois. Nonada, partenaire de Global Voices, a dû cesser de publier pendant quelques jours.
Alors que le monde, le reste du Brésil et 1,6 million de personnes sur le terrain[en] ont regardé le concert gratuit de Madonna à Rio de Janeiro, le 4 avril, sur les réseaux sociaux, les gens ont partagé des adresses avec des appels au secours dans la région métropolitaine de Porto Alegre, mais aussi des vidéos de bénévoles travaillant et des rumeurs alarmantes sur les cadavres et la violence.
Imagem emocionante de Canoas, onde pessoas fazem um cordão humano para auxiliar as embarcações usadas nos resgate das pessoas ilhadas. pic.twitter.com/FjuDiWFOyw
— Porto Alegre 24 Horas (@portoalegre24h) May 5, 2024
Une image touchante de Canoas, où les gens font une chaîne humaine pour aider les embarcations utilisées pour sauver les personnes isolées. pic.twitter.com/FjuDiWFOyw
— Porto Alegre 24 Horas (@portoalegre24h) 5 mai 2024
Avec la forte demande d'aide, en plus de la police et des forces armées, de nombreux volontaires ont rejoint le front au milieu de l'urgence.
Grêmio et Internacional, les deux équipes de football traditionnelles et rivales de Porto Alegre, ont vu leurs stades envahis par les eaux. Alors que les deux clubs tentent d'arrêter les compétitions nationales auxquelles ils participent, des footballeurs des deux équipes ont aidé aux sauvetages et ont fait du bénévolat dans des centres de dons et des refuges.
Grêmio et Internacional, les deux équipes de football traditionnelles et rivales de Porto Alegre, ont vu leurs stades envahis par les eaux. Alors que les deux clubs tentent d'arrêter les compétitions nationales auxquelles ils participent, des footballeurs des deux équipes ont aidé aux sauvetages et ont fait du bénévolat dans des centres de dons et des refuges.
Caíque aide à secourir les gens par bateau.
Rochet aide depuis le premier jour à préparer et à distribuer des paniers-repas.
Diego Costa a mis à disposition des jet-skis, a abrité des gens chez lui et utilise sa jeep.
Thiago Maia aide également.
LE CHAMPIONNAT NE PEUT PAS CONTINUER
— Maurício A. 🇪🇪 (@alvesGFBPA_) 7 mai 2024
Des influenceurs en dehors du Rio Grande do Sul ont également rejoint des campagnes et des actions de dons massifs. Un surfeur brésilien, Pedro Scooby, a rassemblé des amis et a voyagé par la route avec des jet-skis pour soutenir les sauvetages en cours, l'influenceur digital Felipe Neto a réussi à louer et à faire venir des camions pour transporter de l'eau potable d'un parc aquatique vers les villes touchées, l'humoriste Whinderson Nunes[en] a loué des avions et organisé des dons de nourriture.
Pourtant, les rapports d'escroqueries financières utilisant les inondations, les politiciens et les influenceurs diffusant de fausses informations et les tentatives de vol et d'attaques contre les maisons sont en augmentation.
Et la politique ?
La journaliste Isabela Reis a parcouru les informations et les messages dans un fil de discussion en essayant de comprendre la chronologie jusqu'à l'explosion de la catastrophe climatique, appelant le gouvernement de l'État à la « négligence et à l'inopérabilité ». Beaucoup sur les réseaux sociaux se plaignent que les gens « essaient de politiser la tragédie », tandis que d'autres insistent sur le fait que la politique a un lien direct avec cela.
À BBC Brazil, le secrétaire exécutif de Climate Watch (Observatório do Clima), Marcio Astrini, a déclaré : « La tragédie est également une responsabilité des sénateurs et des membres du congrès qui démontent la législation environnementale », et a affirmé que :
Todo ano o governo do Rio Grande do Sul fica extremamente espantado que as chuvas são intensas. O governo do Rio de Janeiro fica super surpreso quando acontece em Petrópolis. É uma surpresa em São Sebastião (SP), no norte de Minas Gerais, em Recife (PE), no sul da Bahia. Só que acontece que já faz nove anos consecutivos que as médias de temperatura do planeta são as mais quentes já registradas. Não tem mais surpresa. A gente precisa se preparar para isso.
Chaque année, le gouvernement du Rio Grande do Sul est extrêmement sidéré par l'intensité des pluies. Le gouvernement de Rio de Janeiro est surpris lorsque cela se produit à Petrópolis. C'est une surprise à São Sebastião, São Paulo, dans le nord du Minas Gerais, à Recife (Pernambouc), au sud de Bahia. Il se trouve que cela fait neuf années consécutives que les températures moyennes sont les plus chaudes jamais enregistrées. Il n'y a plus de surprise. Nous devons nous préparer à cela.
Eduardo Leite, le gouverneur de l'État, s'est défendu contre les critiques, affirmant que « ce n'est pas le moment de rechercher les coupables ». Les gens ont remis en question la préparation de l'État à réduire les répercussions des pluies et des inondations actuelles ou les conséquences pour aider les victimes. Au cours de ses deux mandats, Leite a modifié des aspects de la législation environnementale, il a assoupli les règles d'installation de barrages dans les zones de préservation de l'environnement plus souples et a réduit le budget 2024 destiné à la défense civile par rapport à 2023.
Le gouvernement de Luiz Inácio Lula da Silva (PT[fr], Parti des travailleurs) a installé un cabinet de crise dans l'État et a reconnu le statut de calamité pour plusieurs villes, ce qui pourrait rendre une augmentation du budget plus accessible et illimitée.
La ministre de l'Environnement ,Marina Silva[en], faisait partie des ministres qui se sont rendus avec Lula au Rio Grande do Sul. Dans une interview avec CNN Brésil, elle a parlé de l'idée d'un décret d'urgence climatique pour 1 942 villes au Brésil qui sont sensibles aux phénomènes climatiques extrêmes. Marina a expliqué :
Ao decretar emergência climática, você pode ter ações que sejam continuadas, às vezes de remoção de população, de drenagem, de encosta, de uma infraestrutura que seja adequada, sistemas de alerta que sejam rápidos, combinando tecnologia com relação e em integração com a comunidade
Lorsque vous décrétez une urgence climatique, vous pouvez avoir des actions continues, parfois de déplacer la population, de drainage, de soutien à la construction, d'une infrastructure appropriée, de systèmes d'alerte qui peuvent être rapides, combinant la technologie avec la relation et l'intégration communautaire.