Un journaliste guatémaltèque reçoit un prix prestigieux depuis la prison

Photomontage de Global Voices. Photo de Jose R. Zamora dans Wikimedia Commons (CC BY 4.0 DEED)

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Cet article a été écrit par Simón Antonio Ramón[es] pour Prensa Comunitaria[es] le 4 mai 2024. Une version éditée est publiée sur Global Voices dans le cadre d'un accord de partage de contenu.

Les membres du Conseil d'administration de la Fondation créée par le défunt journaliste, écrivain et lauréat du prix Nobel, Gabriel García Márquez, a décerné le prix Gabo de 2024 pour l'excellence en journalisme au journaliste guatémaltèque Jose Rubén Zamora Marroquín.

Les 13 journalistes, écrivains et chercheurs du conseil d'administration de la fondation Gabo ont reconnu Zamora comme « le paradigme d'un journaliste d'investigation et peut-être comme l'ultime symbole du combat contre la corruption dans le journalisme latino-américain».

La décision a également été prise «en vertu de son travail professionnel tenace et courageux de plus de trois décennies, dont l'objectif principal a été de dévoiler la corruption et les violations des droits humains qui ont frappé le Guatemala, pour lesquelles il a été emprisonné au courant de l'année et des huit mois derniers», selon le compte-rendu de la Fondation.

«La reconnaissance que l'on donne aujourd'hui à Jose Rubén Zamora va bien au-delà de sa personne. Il symbolise le tournant critique auquel sont confrontées les démocraties du Guatemala et d'autres pays d'Amérique Latine,» explique le Conseil d'administration de la Fondation Gabo.

🏅 #Ahora 🏅 Jose Rubén Zamora (@ChepeZamora) à reçu la reconnaissance d'excellence des #PremioGabo 2024.

La journaliste et fondateur de @elperiodico achève en mai 14 655 jours en prison depuis que le bureau du procureur public de Consuelo Porras l'a soumis à des poursuites judiciaires. pic.twitter.com/Gdk1XsH3km

— Prensa Comunitaria Km169 (@PrensaComunitar) 14 mai 2024

Le Prix Gabo est une initiative qui se tient à Medellín, en Colombie depuis 2014 et a été créée par le journaliste colombien et lauréat du prix noble de littérature Gabriel García Márquez. Selon son site Internet, il propose «des modèles et références pour le journalisme Ibéro américain», pour encourager «la recherche de l'excellence, l'innovation, la rigueur et la cohérence éthique parmi les journalistes et médias travaillant en espagnol ou en portugais».

Le journalisme dans des contextes autoritaires

Le journaliste Jose Rubén Zamora est né au Guatemala en 1956. Il est le petit-fils de Clemente Marroquín Rojas, le fondateur du journal, La Hora, qui a été créée il y a plus de 104 ans. C'est un ingénieur industriel et entre 1988 et 1989, il a dirigé le journal télévisé Siete Días. En 1990, il a fondé le journal qui aujourd'hui n'existe plus Siglo Veintiuno.

En 1996, il a créé le journal elPeriódico, qu'il a présidé jusqu'à sa fermeture en mai 2023, après que le gouvernement d'Alejandro Giammattei l'a mené à sa strangulation financière.

Sa famille et lui ont reçu des menaces à cause de son travail journalistique exposant la corruption de fonctionnaires, certains d'entre eux avec auraient des liens avec le crime organisé.

En 1993, il a fait face à la censure des médias lors du gouvernement de Jorge Serrana Elías et de son d'État auto proclamé aussi connu sous le nom de «Serranazo». A cette époque, Zamora a remplacé le nom du média écrit qu'il dirigeait, Siglo XXI, par Siglo XIV, en tant que référence au moyen-âge et le retour en arrière que la mesure impliquait en termes de liberté d'expression.

Sous le gouvernement de Ramiro De León Carpio, le 30 août, le jour de son anniversaire, il a été tiré dessus par un assaillant inconnu devant l'orphelinat de Tío Juan, dans la Zone 10 de la ville de Guatemala.

Pendant la présidence d‘Alfonso Portillo, en juin 2003, un groupe de 12 hommes armés, qui ont plus tard été identifiés comme membres du personnel présidentiel, ont pillé sa maison pendant deux heures. Ils ont également agressé ses enfants, et sa famille a par la suite quitté le pays.

Un événement similaire s'est produit en 2008, mais cette fois sous le gouvernement d’Álvaro Colom. Dans une interview accordée avec le média Plaza Pública, Zamora a déclaré avoir été enlevé par des personnes engagées par Carlos Quintanilla, l'ancien chef de la sécurité de Colom.

Cependant, c'est sous le gouvernement de Otto Pérez Molina que l'étouffement de son journal a commencé. L'ancien président a retiré les publicités contractées par le gouvernement pour l'affecter financièrement.

Le président Alejandro Giammattei a totalement retiré les publicités en 2023, y compris un groupe d'hommes d'affaires qui, sous des menaces présumées, ont retiré l'espace publicitaire qu'ils avaient avec elPeriódico.

Photo d'Emmanuel Andrés utilisée avec autorisation

Des prix pour sa carrière dans le journalisme

En 1995, il a reçu le prix María Moors Cabot ainsi que le prix international de la liberté de la presse par le comité pour la protection des journalistes (CPJ) pour avoir dénoncé les liens criminels avec les pouvoirs en place. En 2000, il a été classé parmi les 50 «héros internationaux de la liberté d'expression» par l'institut international de la presse.

Le jour du journaliste, le 30 novembre 2021, l'Association des journalistes du Guatemala (APG) l'a honoré en tant que journaliste. Elle a également rendu hommage à plusieurs autres journalistes et médias ce jour-là.

Persécution judiciaire

Le 29 juillet 2022, il a été arrêté sur la base d'un mandat délivré par le Juge Fredy Orellana à la demande du bureau spécial du procureur contre impunité (FECI). Zamora a été accusé de blanchiment d'argent, de racket et de trafic d'influence. Le 14 juin 2023, il a été condamné[es] à six ans de prison pour le délit de blanchiment d'argent, peine qui a ensuite été annulée par une cour d'appel. La date du nouveau procès n'a pas encore été fixée.

Deux autres affaires sont en cours : l'une concerne l'obstruction à la justice pour avoir publié des articles sur son dossier dans El Periódico, dans le cadre de laquelle la FECI a demandé d'enquêter sur lui, sur cinq autres journalistes et sur trois chroniqueurs. L'autre concerne la falsification présumée de signatures sur des déclarations d'immigration.

L'annonce de cette récompense intervient un jour avant l'audience au cours de laquelle il demandera à la Cour de lui accorder une libération conditionnelle. Ce même jour marque le premier anniversaire de la fermeture du journal elPeriódico.

Des organisations internationales et nationales ont dénoncé les violations constantes de ses droits humains et les conditions inhumaines de sa détention. Elles ont demandé au gouvernement de garantir ses droits et la liberté de la presse au Guatemala.

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