Il n'existe pas de saison pour le thé au Pakistan, et rien que le fait d'en boire une bonne tasse chaude représente un passe-temps ! De nombreuses boutiques de thé Quetta font leur apparition dans le pays depuis quelques années, permettant à la population de déguster un bon thé à n'importe quelle heure de la journée. En soirée, ce sont surtout les hommes et les jeunes garçons que l'on peut observer prendre du bon temps entre amis ou en famille. Et ce qu'il y a de mieux avec le thé Quetta, c'est qu'il est beaucoup moins cher que ceux que l'on retrouve dans d'autres cafés ou restaurants.
D'où viennent les boutiques de thé Quetta ?
Si le thé Quetta devient de plus en plus populaire, c'est grâce à la culture entourant le thé et l'hospitalité des populations du Baloutchistan. Les boutiques permettent aux jeunes de se rassembler, et elles possèdent des sections dédiées aux familles. Il est cependant assez rare d'y croiser des femmes seules ou en groupe. Et même si une femme venait à se rendre dans l'une de ces boutiques, les traditions régionales empêchent les hommes plus âgés de leur adresser la parole. C'est pourquoi ce sont plutôt des enfants qui sont envoyés pour prendre leurs commandes. Les hommes fréquentent souvent ce genre de boutiques lors de réunions d'affaires, ou simplement dans le but de se détendre après le travail. Une légende urbaine raconte que le Quetta contiendrait de l'opium, ce serait la raison pour laquelle la texture, la douceur et l'arôme de ce thé sont si envoutants.
Le Baloutchistan est la plus grande province du Pakistan, et d'après un recensement effectué en 2023, la région serait habitée par environ 14.894.402 personnes. Diverses ethnies et cultures s'y mélangent, comme les Hazaras, les Pachtounes ou encore les Baloutches. La région a souffert pendant de nombreuses années, tant au niveau économique que politique. Elle dut notamment faire face à des sécheresses ou au terrorisme, ce qui poussa les civils à immigrer vers d'autres régions ou dans d'autres pays. D'après une étude publiée en 2022 par l'IDEP, l'Institut de Développement Économique du Pakistan, les endroits où les populations migrent le plus sont Rawalpindi et Islamabad, les villes jumelles de la capitale. C'est là-bas qu'ils commencèrent à ouvrir des boutiques de thé, dans le même genre que les cafés ou les dhabas.
Malgré tout cela, les boutiques de thé sont bien trop nombreuses, ce qui pousse les hommes Pachtounes à migrer vers de nouvelles régions. Si les affaires sont bonnes, ils font alors venir leurs familles, et parfois leurs amis. Ces boutiques fonctionnent sur le principe d'économie circulaire. C'est-à-dire qu'ils travaillent dans ces boutiques à tour de rôle : chacun y travaille six mois en été et six mois en hiver, ce qui permet à ces hommes de rester proches de leurs familles.
La manière dont ces boutiques sont stratégiquement réparties au travers des centres-villes de régions comme Pendjab ou Sind est vraiment fascinante. Chaque boutique possède sa propre vision du thé. À Pendjab, on retrouve un véritable sens du partage et de la coopération, malgré la discrimination que les commerçants ont pu subir. La communauté de la région semble véritablement capable de surmonter les séparations ethniques, et ce, dans l'intérêt commun de développer son affaire.
À l'inverse, les boutiques dans la région de Sind ne se portent pas aussi bien. En effet, ces boutiques sont sujettes à de nombreuses controverses, particulièrement au centre de la région, où les nationalistes sind font tout pour faire fuir les pachtounes, perçus comme une menace à la balance ethnique de la région. Une résistance qui prend racine dans une peur ancestrale d'un soi-disant grand remplacement culturel et démographique, entraînant le trouble et l'opposition. Cette résistance, décrite comme une tempête dans un verre de thé, souligne la complexité des interactions inter-ethnies, impactant considérablement l'économie et la possibilité pour les minorités de s'intégrer dans la région.
Les boutiques ne sont pas aussi abondantes dans d'autres régions. Notamment en Khyber Pakhtunkhwa, où les boutiques de thé Swat sont rois.
Thé classique ou thé Quetta ?
J'ai grandi en buvant du thé noir, dans lequel j'ajoutai du lait. Puis, par souci de gain de temps, je suis passée au thé en sachet. Le thé Quetta ne m'avait jamais vraiment attiré, surtout pour des questions d'hygiène. Servit dans de petites tasses ou dans des verres, ceux-ci sont nettoyés dans des bassines et stockés à l'air libre. Mais vous connaissez le dicton : On ne peut pas juger de la saveur d’un mets avant de l’avoir goûté. Cette texture onctueuse, couverte d'un arôme de cardamome… un véritable bonheur à la fin d'une longue et fatigante journée. Ces boutiques servent également du kahwah, une sorte de thé vert concoctée avec différentes herbes et épices. On le sert traditionnellement avec du Jaggery.
Autre fait intéressant : la cuisinière utilisée pour la fabrication du thé est une simple planche trouée avec des brûleurs au-dessous. On vient ensuite y placer un pichet afin de faire cuire le thé.
Toutes les boutiques de Quetta ont un nom différent, mais celle que j'ai visitée portait le nom de “Quetta Chai Paratha“, fièrement affiché sur un panneau lumineux de couleur verte pour que personne ne puisse les copier. Le propriétaire possède de nombreuses boutiques ouvertes 24h/24 et réparties à travers Lahore, chacune servant du thé et des parathas.
Comment préparer un bon thé Quetta :
On commence par faire faire bouillir de l'eau, puis on ajoute la cardamome en fonction du nombre de portions désirée. Lorsque l'eau entre en ébullition, on y ajoute les feuilles de thé et on attend deux minutes. On ajoute alors le lait et le sucre roux, puis on laisse mijoter à feu doux pendant cinq minutes. Une fois la cuisson terminée, on passe la mixture dans une passoire, et voilà ! Vous pouvez désormais profiter d'un merveilleux thé.
À noter que les étapes varient de personne en personne. Certains préfèrent par exemple commencer par ajouter le lait avant les feuilles de thé, tandis que d'autres préféreront ajouter les deux au même moment.
Voici une vidéo explicative en ourdou sur la chaîne Kun Foods :
Ces boutiques sont également connues comme servant les meilleures parathas du pays.
Le paratha est un pain plat cuit dans de l'huile végétale. Il sert d'accompagnement et peut être farcie avec de la pomme de terre ou de la viande hachée.
Parce que monde évolue de plus en plus vite, et que nous devons tous travailler de plus en plus longtemps, il nous faut pouvoir manger à toute heure de la journée.
Quand, au milieu de la nuit, aucune boutique n'est ouverte. Ou lorsque l'on voyage de villes en villes, les boutiques de thé Quetta sont là pour nous sauver. Après tout, il ne faut jamais aller se coucher avec le ventre vide !