La population mauritanienne vit sans connexion internet depuis le lendemain des élections présidentielles

Carrefour Nouadhibou, Nouakchott, près de l'ambassade des États Unis en Mauritanie

En République islamique de Mauritanie, les périodes électorales sont fortement marquées par des restrictions voir des coupures totales de la connexion internet suite aux manifestations dans le pays.

Le processus électoral du 29 juin 2024 se solde par la victoire de Mohamed Ould Ghazouani, président sortant. Les résultats provisoires, annoncés par la Commission électorale nationale indépendante (CENI), le 1er juillet 2024, donnent à Ghazouani 56,12% des voix, faisant de lui le vainqueur. Il est suivi de son principal opposant, Biram Dah Abeid, défenseur des droits humain et activiste anti-esclavagiste qui obtient un score de 22,10%. Hamadi Ould Sidi El Mokhtar, candidat du parti islamiste de Tawassoul vient en troisième position avec 12,78% des voix.

Mais dans la soirée du 1er juillet, l'opposant Biram Dah Abeid conteste les résultats, s’autoproclame vainqueur et invite Ghazouani à “respecter le choix du peuple”. Au micro de Radio France Internationale (RFI), il dit :

(…) je les refuse catégoriquement. Nous ne reconnaissons pas cette institution. Nous ne reconnaissons pas le président qui est issu du comptage de cette Céni (…)

Dans la soirée du 1er juillet, la connexion internet est coupée dans le pays suite aux contestations desdits résultats lancées par Biram Dah Abeid qui est aussi soutenu par ses militants.

Pour les Mauritaniens qui n'ont accès à l'internet que sur téléphone mobile, il n'y a plus de possibilité de recevoir des informations ou de s'exprimer en ligne. Mais sur la toile, hors des frontières mauritaniennes, cette nouvelle censure de l'internet par les autorités fait jaser. Sur le réseau X (ex-Twitter), un compte du nommé Ekip écrit:

Entre internet et sécurité

En cette ère de la globalisation de tous les services, l'internet est un outil de première nécessité, et il est donc inconcevable d'imaginer une journée sans accès. Rencontrés sur le terrain, des citoyens mauritaniens acceptent de donner leur avis à Global Voices sous anonymat pour éviter des représailles de la part des autorités. Mohamed, un jeune Mauritanien mécontent de cette situation raconte :

Même s'il est vrai que la connexion internet est utilisée par les manifestants pour dénoncer les abus et violations des autorités, ces dernières devront dissocier cela de la politique. Parce que c'est toute la population qui paie le prix fort de cette restriction.

Dans le même sens que Mohamed, un autre jeune au nom de Moussa estime que cette méthode des autorités est une marque de dictature et d'autoritarisme. Il explique:

Si nos autorités estiment qu'elles n'ont rien à se reprocher, elles devront nous laisser exprimer nos idées et nos constats par rapport à la situation sociopolitique du pays en cette période post-électorale. Les réseaux sociaux sont les seuls canaux par lesquels nous pouvons informer nos proches qui sont hors du pays et la communauté internationale. Cette manière de faire est une marque de dictature de leur part.

Cheick, quant à lui, prend le contre pied des affirmations qui critiquent cette restriction d'internet. Pour lui, c'est un moyen pour éviter des débordements. Il indique que:

La Mauritanie n'a plus besoin de troubles sociopolitiques après l'organisation de ces élections réussies. Cela fait la quatrième fois que nous tenons des élections libres et transparentes pour les successions démocratiques à la tête du pays après des périodes sombres dans le pays. Nous sommes sur cette lancée et plus rien ne doit nous détourner. Les publications sur les réseaux sociaux en période électorale alimentent les manifestations et les débordements qui entrainent souvent des blessées et des morts. Nous voulons construire une Mauritanie unie et pacifique, donc cette coupure est la bienvenue.

Lire : La Mauritanie championne de la liberté d'expression sur le continent africain

Seul l'internet mobile est coupé

Dans le pays, le taux de pénétration d'internet est de 44,4% en janvier 2024, et le coût de l'internet est de 108 ouguiya (2,75 dollars américains) par gigaoctet, ce qui en fait le gigaoctet le plus cher en Afrique du nord.

La connexion internet en Mauritanie est distribuée par trois réseaux de communication: Mauritel, Chinguitel, MattelAlors que le pays compte au total plus de 2,19 millions d’abonnés internet au début de l'année 2024, seuls les abonnés de ces trois réseaux subissent cette restriction d'accès à internet. L'internet sur téléphones mobiles est coupé mais la connexion via le réseau Wi-Fi fonctionne sur toute l'étendue du territoire.

Selon une publication de Saharamedias, les coupures d'internet en  Mauritanie interviennent dans des périodes clés du pays. Le média dénombre au total six coupures d'internet les plus marquantes d'avril 2018 à mars 2023, et explique que ces coupures sont survenues pour des raisons techniques, sécuritaires, politiques, et même éducatives. Dans un article consacré à ce sujet, Saharamedias note :

En période des examens du baccalauréat les sociétés de télécommunications opérant en Mauritanie coupaient chaque année l’internet mobile 3G pendant 6 heures par jour durant les jours d’examens.

Depuis plusieurs années, les sociétés de télécommunications coupaient l’Internet mobile sur ordre des autorités mauritaniennes afin d’endiguer le phénomène de « la triche » lors de l’examen du baccalauréat, à quelques exceptions près certaines années.

Le 4 juillet 2024, le conseil constitutionnel mauritanien confirme la réélection de Mohamed Ould Ghazouani pour un second mandat à la tête du pays.

Toutefois, l'internet mobile est resté coupé jusqu'à la date du 9 juillet 2024 (coupure en cours). Cette censure ne remet-elle pas en cause la première place de la Mauritanie en matière de liberté d'expression en Afrique et dans le monde arabe ?

Lire notre cahier spécial : 

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