Le député sénégalais Guy Marius Sagna se fait le porte voix des populations devant le parlement de la CEDEAO

Photo du député sénégalais Guy Marius Sagna ; capture d'écran de la chaîne YouTube French Africa

La Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) fait face à une crise de légitimité dans un contexte de changement  d'alliances stratégiques en Afrique de l'Ouest, comme en témoigne une vive intervention d'un député sénégalais au parlement de cette organisation régionale. Alors que le continent africain représente en 2022 plus de 54,8 % du taux de pauvreté dans le monde, le député questionne le choix de ce terme de pauvreté pour décrire la situation de nombreux pays africains.

Créée le 28 mai 1975 pour favoriser la coopération et l'intégration, la CEDEAO est fondée sur le principe d'une communauté régionale pour la défense des intérêts des populations. A l'image de l'assemblée nationale de chaque pays membre de l'organisation, un parlement de la CEDEAO est mis en place le 24 juillet 1993 par les fondateurs de l'institution. Ceci dans l'optique d'atteindre plusieurs objectifs :

Renforcer la démocratie représentative dans la Communauté ; Contribuer à la promotion de la paix, de la sécurité et de la stabilité en Afrique de l’Ouest ; Informer et sensibiliser les populations de la région ouest-africaine sur les enjeux de l’intégration ; Promouvoir et défendre les principes des droits de l’homme et de la démocratie, l’état de droit, la transparence, la responsabilité et la bonne gouvernance ; Contribuer à la mise en œuvre efficiente et efficace des objectifs et des politiques de la Communauté ; etc…

Le Parlement abrite en son sein cent quinze sièges. Chacun des quinze pays membres dispose de cinq sièges; de plus, 40 sièges supplémentaires sont répartis au prorata de la population de chaque pays. Pour siéger au sein de ce parlement, il faut d'abord être député dans son pays et déposer sa candidature pour être éligible au nom de son pays.

Oser la critique des dirigeants africains

La région fait face à de nombreux défis politiques, économiques et sécuritaires qui remettent en cause régulièrement les chefs d’État et leurs politiques en Afrique de l'Ouest, et dont le parlement de la CEDEAO se fait parfois l'écho.

Lire: La CEDEAO, un bastion de l’intégration régionale en Afrique de l'ouest aujourd'hui fortement contesté

Ainsi, lors de la session parlementaire du 20 juillet 2024 au siège de l'institution à Abuja, capitale du Nigeria, une vive altercation a lieu entre Guy Marius Sagna, député sénégalais et Adjaratou Traoré, députée ivoirienne et vice-présidente dudit parlement. Le sujet de la discorde est la position tranchée du député sénégalais qui accuse certains chefs d’États de la région, dont Alassane Dramane Ouattara, président de la Côte d'Ivoire, de mener des politiques causant l'appauvrissement des populations dans les pays de l'Afrique de l'Ouest.

Ici un extrait de la vidéo illustre cette altercation entre parlementaires :

En effet, prenant la parole à la suite d'un représentant du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), Guy Marius Sagna insiste pour que les rapports parlent d’«appauvrissement de l’Afrique» au lieu de «pauvreté en Afrique». Selon lui, le problème n'est pas la pauvreté, mais la mauvaise gestion et l'accaparement par les dirigeants des ressources dont regorge le continent. Il dit:

Nous sommes les pays les plus riches de la planète. Tant que l’on dira que l’Afrique de l’Ouest est pauvre, cela signifie qu’ils font partie du problème. Mais pourquoi ne pas dire appauvrissement ? Qui a appauvri l’Afrique ? Ce sont nos présidents…

A cela, Adjaratou Traoré répond:

La liberté de parole ne veut pas dire que vous devez dire n’importe quoi à l’endroit des chefs d’État. C’est du n’importe ce que vous dites. Vous ne pouvez pas vous adresser aux chefs d’État de cette manière, ce ne sont pas vos amis…

Selon la CEDEAO, le bien-être des populations au quotidien est la principale préoccupation des parlementaires, et l'organisation stipule que tous les moyens doivent être mis à contribution pour contraindre les dirigeants des pays au respect des engagements pris. Le député sénégalais ne ferait donc que remplir son rôle en interpellant certains dirigeants.

Avant que ne survienne cette discussion houleuse aux allures parfois provocatrices, Guy Marius Sagna a aussi épinglé le parlement sur d'autres sujets importants, comme la dictature et les entraves à la liberté d'expression sur son compte X:

Des voix qui rejoignent Guy Marius Sagna

Les premiers soutiens au député sénégalais lui viennent du Togo. Une vingtaine d'organisations de la société civile togolaise manifestent leur soutien à Sagna pour avoir défendu les intérêts des peuples de la CEDEAO. Leur déclaration est reprise par Nathaniel Olympio, homme politique togolais sur son compte X:

Nathaniel Olympio, s'exprime également sur la position du député sénégalais vis-à-vis du Togo. Il écrit:

Il est suivi dans le même sillage par Habia Nicodème, un autre acteur politique togolais, qui écrit:

En Côte d'Ivoire, Adjaratou Traoré essuie des critiques comme l'illustre l'extrait de cette émission télévisée sur la chaîne CI-News publié par Sissoko Sora Demba, citoyenne de l'Alliance des Etats du Sahel (AES), sur son compte X:

André Kangni Afanou, acteur de la société civile togolaise se pose des questions sur le devenir de la CEDEAO. Sur sa page Facebook, il s'interroge:

Dans un contexte où les dirigeants de la CEDEAO multiplient les initiatives et plaidoyers pour faire revenir le Burkina-Faso, le Mali et le Niger dans l'organisation, suite à leur départ en janvier 2024, une telle polémique a peu de chance de redorer le blason de l'organisation.

Lire: Revirement géostratégique: le Burkina-Faso, le Mali et le Niger se retirent de la CEDEAO

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