En RDC, quand la “nionsologie” rassemble ceux qui prétendent tout connaitre

Drapeau de la République démocratique du Congo ; image générée sur Canva

Cet article est repris sur Global Voices dans le cadre d'un partenariat avec www.icicongo.net. L'article original est à retrouver sur le site icicongo.

En République démocratique du Congo (RDC), des “pseudos spécialistes” défient la logique du savoir et déclarent “tout connaître” en inondant les réseaux sociaux de leurs commentaires souvent infondés.

Sur les plates-formes des réseaux sociaux, certains internautes interviennent dans les débats car ils prétendent tout connaître. Ils sont connus sous le nom de “nionsologues” en référence au mot lingala  “nionso” signifie  “tout”, la « nionsologie » est donc la science de ceux qui croient tout savoir. La plateforme des blogueurs congolais, habarirdc.net définit le terme ainsi:

Il s’agit de l’attitude de ceux qui s’arrogent le droit de tout commenter, tout expliquer ou qui montrent qu’ils sont capables de tout. Jusqu’à imaginer ce qui gît au fond de la pensée de ceux qui n’ont rien dit.

Ces « nionsologues », parfois aussi appelés « toutologues », se basent souvent sur du sensationnel et des suppositions pour paraître plus compétents ou mieux informés que les autres.

A la fois virologues, politologues et experts militaires

Durant la dixième épidémie d’Ebola en 2022, ainsi que lors de la pandémie de Covid 19, de nombreux internautes se sont érigés en virologues, épidémiologistes ou en experts dans le domaine de la médecine. Aujourd’hui, ces soit-disant spécialistes se réinventent comme juristes, experts en stratégie militaire, sécuritaire et diplomatique. Ces “intellectuels 2.0″ ne se privent jamais de donner leur point de vue, comme le remarque Toussaint Tshilombo, homme politique et professeur des Universités, sur le réseau X:

A un débat sur le nucléaire, ils sont-là et prétendent en savoir quelque chose. Qu’on évoque une affaire de détournement de deniers publics, ils savent vous dire qui le fait depuis toujours et qui a payé quoi avec l’argent détourné… Ayons l’humilité de ne pas montrer qu’on sait tout et qu’on maîtrise tout. Prouvons que nous pouvons apprendre des autres sans complexe d’infériorité. C’est sage !

Ces « savants 2.0 » participent fréquemment à des discussions sur des sujets complexes en mêlant des informations probables et des propos trompeurs ou infondés. Parfois ils s’appuient sur des fausses sources et propagent ainsi des fake news pour obtenir des likes, des partages et un grand nombre de vues.

Dans le même sens, le professeur Toussaint Tshilombo, sur son compte X, poursuit :

Lire : Que lire et qui suivre pour comprendre l’actualité sociopolitique de la RDC ?

Toujours sur le réseau X, un nionsologue au nom de Simaro Ngongo publie par exemple une parodie selon laquelle ” le Président de la République est malade et veut se retirer du pouvoir” :

Les internautes qui laissent des commentaires sous ce post ne sont pas tendres. Freddy Kabey, analyste commente:

Sous le même post, un autre compte au nom de Kalumbu Jean Paul écrit:

Une stratégie de dénie qui marche pour les nionsologues

Légitimer des mensonges induit les populations en erreur. Ce phénomène est connu comme l’effet Dunning-Kruger, aussi appelé effet de “surconfiance”. C’est un mécanisme cognitif par lequel les personnes les moins qualifiées d’un groupe tendent à surestimer leur compétence dans un domaine. Umberto Eco (1932-2016), théoricien et écrivain italien explique le rôle des réseaux sociaux qui amplifient ce phénomène. Il dit :

Les réseaux sociaux ont donné le droit de parole à des légions d’imbéciles qui avant, ne parlaient qu’au bar et ne causaient aucun tort à la collectivité. On les faisait taire tout de suite. Aujourd’hui, ils ont le même droit de parole qu’un prix Nobel.

Face aux « nionsologues », il devient difficile pour les experts de se faire entendre. Cela conduit à une méfiance généralisée envers les autorités scientifiques et les décideurs politiques.

Lire aussi : Icicongo, ce jeune média qui veut « Raconter le Congo autrement »

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