Conflits de pouvoir en Équateur : est-ce une « tentative de coup d'État » ou une « violence politique de genre » ?

De gauche à droite : La vice-présidente de l'Équateur, Veronica Abad, et le président de l'Équateur, Daniel Noboa. Il s'agit de leur dernière photo prise ensemble le jour de leur investiture en novembre 2023. Image extraite du

De gauche à droite : La Vice-présidente de l'Équateur, Veronica Abad, et le Président de l'Équateur, Daniel Noboa. Il s'agit de leur dernière photo prise ensemble le jour de leur investiture en novembre 2023. Image extraite du compte Flickr de la Présidence de l'équateur (sous un domaine public ) et édité par Global Voices.

Durant  la nuit du 14 août 2024, le gouvernement de Daniel Noboa a partagé du  contenu[esp]  avec l’hashtag « #IntentoDeGolpeDeEstado »[esp] (#Coupd’État)  pour défendre sa position en tant que Président de la république de l’Equateur contre une plainte déposée par la Vice-présidente Verónica Abad.

La Vice-présidente Abad affirme avoir été victime d’une campagne de diffamation et d’obstruction dans l’exercice de ses fonctions notamment par  le refus d’autorisation, les attaques personnelles, et son envoi à Israël sans équipe de sécurité ni budget. Elle perçoit cela comme une manœuvre visant à  la bannir du pays et de l’empêcher d’assurer la présidence  lors de la campagne électorale de 2025.

Le Ministre du Gouvernement, Michele Sensi Contugi, à travers un communiqué[esp], accuse la Vice-présidente Véronica Abad de « déstabiliser » et « non de partager les valeurs et les principes » du gouvernement de Noboa. Le chef du parti gouvernementale à l’assemblé nationale, Valentina Centeno a fait de même : elle a rejeté[esp]  les accusations d’Abad et l’a traité de « déloyale ».

Deux femmes ministres influentes au sein  du gouvernement du président Noboa, donc  la ministre des Affaires étrangères Gabriela Sommerfeld[esp] et la ministre de l’Intérieure Monica Palencia[esp], ont pris la défense  du Président Noboa sur les réseaux sociaux.

De son côté, le Président Daniel Noboa, dans une  lettre publiée sur le réseau social X [esp]( autrefois appelé Twitter), accuse la Vice-présidente Abad de convoiter son poste et d’être soutenu par les forces politiques de l’opposition. Il  accuse également l’avocat de la Vice-présidente, Oswaldo Trujillo, d’être le   « défenseur des narcotrafiquants  »[esp] afin de délégitimer les plaintes portées contre lui.

Les soupçons du président Noboa sont dus au fait que les partis législatifs de l’opposition actuelle  ont protégé [esp] l’immunité de la Vice-présidente malgré les poursuites engagées contre son fils  pour trafic d’influences présumé dans l’affaire dite « nene ».

Abad envoyée loin de l’Equateur pour une mission en Israël

La rivalité entre le Président Noboa et la Vice-présidente Abad était évidente depuis  le 23 novembre 2023 date à laquelle le nouveau gouvernement équatorien est entré en fonction pour achever  la période actuelle 2021-2025. La première élection a eu lieu après « la muerte cruzada » (morts croisés), qui est un processus équatorien qui consiste à dissoudre simultanément l’assemblé et la présidence, en laissant le pouvoir aux autorités exécutives de régner sans aucune contrepartie du pouvoir législatif.

Après l’investiture, le président et les autorités nationales et étrangères ont été conviés à prendre part à un banquet au Carondelet Palace. Mais la Vice-présidente Abad a décidé de dîner dans le marché populaire Iñaquito situé dans la ville de Quito. Depuis ce jour, elle nie toute rupture avec le Président et a justifié sa célébration séparée en affirmant que « Notre véritable célébration est avec le peuple équatorien ».

Le Président Noboa a choisi la Vice-présidente Abad pour l’accompagner lors des élections anticipées de 2023. La paire avait été enregistrée par le National Democratic Alliance (ADN), formé par les parties Mover et Pueblo, Igualdad y Democracia (PID)[esp] devant le conseil national électoral. Lors du second tour des élections présidentielles tous deux sont devenus populaires grâce à leur campagne et Veronica Abad l’est encore plus devenue en raison de ses déclarations précédentes comme la dénonciation de la violence basées sur le genre et son soutien pour la privatisation de la santé et l’éducation.

Noboa a alors signé son premier décret présidentiel, qui portait sur l’attribution des nouvelles fonctions du Vice-président. Il décida d'envoyer Abad à Tel Aviv en Israël en tant qu'« Ambassadeur de la  paix  » au milieu d’une  guerre contre Gaza. La Vice-présidente Abad accepta la mission. Mais une fois en Israël, elle accusa  le Président Noboa de la « malmener » pour l’inciter à démissionner, afin qu’elle ne puisse pas remplacer Noboa à la Présidence pendant la campagne électorale qui durera 45 jours du 5 au 6 février 2025.

Selon le Vice-ministre du gouvernement Esteban Torres, le gouvernement craint que le remplacement de Noboa par Abad à la Présidence, apporterait de l’instabilité, car « la première chose qu’elle fera sera de renverser toute les victoires remportées par le  gouvernement sur la lutte contre l’impunité et sur la sécurité ». L’Equateur a connu une forte croissance de violence au cours de ces dernières années . De plus la conseillère présidentielle, Diana Jácome, a  qualifié[esp] la Vice-présidente de « déloyale » car elle serait en contact avec des groupes politiques qui souhaiteraient s’en prendre au gouvernement.

La principale préoccupation du gouvernement de Noboa est que la Vice-présidente Abad devienne la principale adversaire de Noboa ; ce qui aurait un impact significatif sur lui lors de la campagne électorale de 2025 en vue de sa réélection. Abad a cependant garanti qu’elle ne prendra pas sa « revenge »[esp].

Abad a également affirmé qu’elle a été prise en otage en Israël car elle n’avait pas le droit de prendre des congés pour retourner au pays. En février 2024, le ministre des Affaires étrangères et de la mobilité humaine, Gabriela Sommerfeld, a interdit à Abad de faire des déclarations au nom du gouvernement équatorien.  Ce qu’elle n’a pas respecté. Elle a également dit qu’elle « ne comprenait pas d’où venait la haine du Président  Noboa » à son égard, car elle a le sentiment de passer par une « persécution historique ».

La Vice-présidente, craignant pour sa sécurité au milieu d’un conflit armé entre Israël et Gaza, a qualifié sa mission de « difficile »et organise régulièrement des réunions pour appeler à la réflexion face a la violence de cette guerre. Noboa en vertu du décret N°353 a décidé pour la sécurité de la Vice-présidente Abad et de sa famille de les transférer le 8 août 2024  en Turquie. Mais selon les informations du ministre des Affaires étrangères, Gabriela Sommerfeld, Abad serait  encore en Israël[esp].

Lire la suite : Ecuador revokes visa of critical Cuban–Ecuadorian journalist (L'Équateur révoque le visa d'un journaliste cubano-équatorien critique)

Abad a également critiqué Daniel Noboa pour l’emprisonnement préventif prononcé par le système juridique à l’encontre de son fils accusé de trafic d’influence présumé. Il a été envoyé dans la prison la plus sécurisée[esp] en Guayaquil le 22 mars 2024. Son fils fait actuellement l’objet d’une mise à l’épreuve pendant que le bureau du procureur enquête sur l’affaire.

Une plainte est déposée auprès d'un tribunal dans le cadre d'un changement de direction mouvementé.

Après plusieurs mois d’instabilité, Abad a rédigé une plainte contre le Président Noboa, le ministre des Affaires étrangères Gabriella Sommerfeld, le député ministre du Gouvernement Esteban Torres et la conseillère présidentielle Diana Jácome pour  violence politique sexiste devant le contentieux électoral le 8 août 2024. Selon la Vice-présidente Abad, les accusés ont mené une campagne de diffamation à son égard et accuse également le Président Noboa d’avoir sapé sa participation en tant que femme ç la prise de décision politique de l’Etat.

La plainte exige la destitution du Président, du chancelier, de la conseillère présidentielle, et du Vice-ministre du Gouvernement, la suspension de leurs droits politiques de participation pendant 4 ans et une amende de 32.000 dollars. Ce qui empêcherait à Noboa d’être candidat à sa réélection lors des élections présidentielles de 2025.

La plainte n’a été rendue publique que le lundi 12 août 2024. Dans l’après-midi, une nouvelle majorité de juges a licencié [esp] le Président du Tribunal du contentieux électoral (TCE), Fernando Muñoz, qui a qualifié[esp] cette mesure d’illégale et a également dénoncé l’usurpation de fonction. La nouvelle Présidente du TCE Yvone Coloma a justifié le renvoi de Munoz  par une « mauvaise administration »[esp].

Jeudi 15 août, Diana Jácome, a riposté avec une autre plainte pour violence politique sexiste [esp] contre Verónica Abad.

La réaction des avocats et des journalistes

Certains avocats ont donné leur avis sur la plainte déposée par Abad. Pour André Benavides il ne serait pas facile de démettre le président Noboa de ses fonctions, car il existe des motifs explicites qui empêcheraient cette Cour de le faire.

The famous “Coup d'Etat” is a crime typified in the COIP as Rebellion and punished with 5 to 7 years in prison.

👉I still haven't found the governing verb of the criminal offense “filing a complaint with the TCE.” 🤪

📍On the other hand, the @TCE_Ecuador cannot remove the president from office, since there are express grounds in the Constitution for his removal (Art. 145 CRE).

pic.twitter.com/YXr5TBXG22

— André Benavides (@AndreBenavidesM) August 15, 2024

Le fameux « coup d’état » est un crime classé dans le COIP comme une rébellion et est puni de 5 à 7 ans de prison.

👉Je n’ai pas encore trouvé le qui verbe qui régit l’infraction pénale << déposer une plainte au TCE>>.🤪

📍D’un autre côté le @TCE_équatorien ne peut pas démettre le Président de ses fonctions, car la constitution prévoit expressément des motifs de révocation (Art.145).

pic.twitter.com/YXr5TBXG22

— André Benavides (@AndreBenavidesM) 15 août 2024

Selon l’avocat Gonzalo Muñoz : « le TCE n’a pas le pouvoir de démettre le Président et le Vice-président ».

The @TCE_Ecuador does not have the power to remove the President of the Republic.

Nor does it have the power to remove the Vice President.

Its grounds for removal are exhaustive and are established in the Constitution (arts. 130 145 and 148).

How inappropriate to use the electoral courts to satisfy personal vendettas.

— Gonzalo Muñoz (@gonzalomunozh) August 15, 2024

Le @TCE_Équateur n’est pas en mesure de démettre le Président de la République de ses fonctions. Encore moins le Vice-président

Les motifs de révocation sont pluriels et sont établis par la constitution (selon les articles 130, 145 et 148).

Comment il est inapproprié d’utiliser la cour électorale pour satisfaire les besoins personnels.

— Gonzalo Muñoz (@gonzalomunozh) 15 août 2024

Pour l’avocat Washington Andrade, la démission d’Abad serait indécente.

A PRESIDENT CONCERNED WITH DOMESTIC AFFAIRS⁉️|||
Mr. Daniel Noboa and the government of #ElNuevoEcuador are so afraid of their vice-president Verónica Abad that they don't care to make ridiculous statements like this, almost like of housekeeping outdoors 🤦🏻‍♂️ indecent and unconstitutional 🤷🏻‍♂️

UN PRESIDENT IMPLIQUE DANS DES AFFAIRES DOMESTIQUES⁉️|||

Daniel Noboa et le gouvernement d’#ElNuevoEcuador ont tellement peur de leur  Vice-présidente Véronica Abad qu’ils ne se préoccupent pas de faire des déclarations ridicules comme celle-ci presque comme une scène de ménage en plein air, indécente et inconstitutionnelle. https://t.co/LMSRpQUkiK

— Washington Andrade Escobar (@Drwandradee) 16 août 2024

Pour Esteban Ron, il n’y a pas de coup d’Etat comme l’aurait déclaré le Président et il n’y a pas de violence basée sur le genre contre Abad.

#ATTENTION: The coup d'état that Noboa talks about does not exist as such, says constitutionalist @EstebanPRonC in #VisaVis.

➡️ In his opinion, a personal fight between Noboa and Abad has reached instances such as the TCE.

Watch the interview 👇https://t.co/rx9SjQ7N9O pic.twitter.com/kWO0RG1QLc

— Visionarias (@visionariasec) August 15, 2024

#ATTENTION : le coup d’Etat dont parle le Président Noboa n’existe pas en tant que tel d’après le constitutionnaliste @EstebanPRonC dans #VisaVis.

➡️ Selon lui,  un combat personnel entre le président Noboa et sa vice-présidente Abad  a atteint le tribunal des contentieux électoral.

Voir l’interview 👇https://t.co/rx9SjQ7N9O pic.twitter.com/kWO0RG1QLc

— Visionarias (@visionariasec) 15 août 2024

D’un autre côté la journaliste María Sol Borja pense que la Vice-présidente Abad a été victime de violence sexiste à la vue de tout le pays..

More and more disgraceful officials are applauding the evident violence exercised by those at the highest levels of power against women, pretending to establish an unsustainable narrative. Violence against the VP has been exercised in full view and in full silence of the country, and she has not been the only one. And she has not been the only one. Have we already forgotten Goldbaum? Arrobo? Alondra Santiago?

— María Sol Borja (@mariasolborja) August 15, 2024

La violence évidente exercée par les plus hauts responsables à l’encontre des femmes est applaudie par davantage de fonctionnaires indignes, prétendant établir un récit insoutenable : la violence contre la Vice-présidente a été exercée au vu et au su du pays, et elle n’a pas été la seule, et elle n’a pas été la seule. Avons nous déjà oublié. Goldbaum ? Arrobo ? Alondra Santiago ?

— María Sol Borja (@mariasolborja) 15 août 2024

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