Les différentes versions de la langue française qui se parlent aux quatre coins du monde ne se ressemblent pas toujours. Dans notre rubrique “Les mots ont la parole”, nous mettons à l’honneur les mots ou expressions qui sont spécifiques à une région, un pays, une communauté, mais aussi les intraduisibles qu’on garde en français tels quels, ou qu’on traduit à moitié, et enfin les mots français qui passent dans d’autres langues et ne se traduisent pas, mais prennent parfois un nouveau sens.
Tous nos épisodes précédents sont à retrouver ici: Les mots ont la parole.
Aujourd’hui, nous avons choisi ces trois termes et expressions:
Tchiza: En français parlé au Gabon, le mot “tchiza” renvoie à l’amante ou la maîtresse d’un homme marié. Ce terme est une version améliorée du mot “maîtresse” et décrit des femmes qui affirment leur rôle et déclarent leurs exigences, au besoin à l'encontre des épouses officielles. Le mot est le pendant féminin du terme “tchizo” qui renvoie à l'appellation de l'homme, comme l'explique cet article du média gabonais Lebanco.
Ce terme s'est répandu dans toute l'Afrique francophone. Ainsi de nombreux artistes africains tels que la Gabonaise Shan’L, l’Ivoirien Lil Jay Bingerack, la Togolaise Ralycia, ou encore le Béninois Axel Merryl en feat avec le Congolais Gaz Mawete reprennent le terme de Tchiza dans leurs chansons, pour célébrer ou dénoncer cette situation.
Voici la vidéo de la chanson de Shan’L :
Dans cet extrait de la chanson, l'artiste Shan’L utilise le mot pour rendre compte des rapports entre amante (“tchiza”) et femme légitime (“Maman”).
Tu me traites de tchizambengué [forme longue du mot tchiza]
Mais je suis la seule qui le rend dingue
Maman arrête tu nous embêtes
J’ai pas le time: cette expression qui mêle le français et l'anglais signifie “ne pas avoir le temps”. Toutefois elle introduit une certaine ironie dans le langage des jeunes, plus influencé par la langue anglaise, surtout par les contenus en ligne. Il s'agit au final d’utiliser un mot étranger à la place d’un mot français que tout le monde connaît, pour jouer un peu avec la langue et se montrer espiègle. Cette expression se retrouve dans les paroles de plusieurs chansons.
Alors que certains peuvent s’alarmer d’un éventuel déplacement des mots français, de nombreux experts affirment que l’utilisation des anglicismes par les jeunes ne pose pas de problème et qu’au contraire, ce processus enrichit la langue en offrant plus de choix lexicaux et de niveaux de langues. .
Debakl: ce mot tchèque vient bien sûr du mot français “débâcle” et se retrouve surtout dans la langue littéraire ou celle des médias, surtout dans les commentaires politiques et sportifs, comme l'illustre cette vidéo portant sur les élections récentes en République tchèquequi contient le mot dans son titre:
Krajské volby 2024: Ani úspěch, ani fatální debakl, zhodnotil Fiala volby. Musíme být lepší, dodal
Élections régionales 2024 : Ni un succès ni une débâcle fatale, Fiala [le Premier ministre] dresse un bilan des élections. Nous devons faire mieux, a-t-il ajouté.
En français, le mot renvoie à l'origine à la fonte des glaces, puis a pris le sens de défaite, souvent honteuse, comme il est employé dans cet article de Global Voices:
Cette récompense est survenue lorsque le président Petro a surgi pour défendre le Mexique dans la débâcle de l’ambassade, et que le Nicaragua et le Venezuela ont coupé les liens avec l’Équateur.
Il est aussi entré en littérature française avec le roman de 1892 de Zola, intitulé “La débâcle”.
Si vous avez des mots ou expressions à partager pour les faire figurer dans notre rubrique “Les mots ont la parole” contactez-nous: filip.noubel@globalvoices.org