Indignation suite à une attaque du député sénégalais et régional, Guy Marius Sagna au Togo

Guy Marius Sagna, député sénégalais et parlementaire de la CEDEAO ; capture d'écran de la chaîne YouTube de RFI

Un député sénégalais et de la CEDEAO en mission au Togo est agressé suite à une rencontre organisée par un parti d'opposition dans un Togo qui tolère de moins en moins toute forme de critique publique.

Contexte togolais de la tenue des réunions publiques

Bien que la constitution togolaise, modifiée en août 2024, consacre en ses textes la jouissance des droits et libertés fondamentales à tous les Togolais, une autre loi fixant les conditions d'exercice de la liberté de réunion et de manifestation pacifiques publiques restreint cette liberté fondamentale. L'article 6 de cette loi sur la liberté de manifestation stipule que les organisateurs doivent informer l'autorité territoriale au préalable et recevoir l'accord favorable de l'autorité compétente. Mais comme l'explique l'article 8, certaines restrictions peuvent s'appliquer:

L'autorité administrative compétente ne peut prononcer l'ajournement ou l'interdiction d'une réunion ou d'une manifestation publique organisée dans un lieu privé que lorsque celle-ci est susceptible de troubler l'ordre public. La décision d'ajournement ou d'interdiction ne peut être prise que si l'autorité administrative compétente et les organisateurs de la réunion ou de la manifestation n'ont pas trouvé ensemble, dans le cadre de discussions préalables, des moyens adéquats pour éviter ces éventuels troubles à l'ordre public.

Pour le classement de Reporters sans frontières en 2024, le Togo occupe la 113ème position sur 180 pays en matière de liberté d'expression. En effet, la tenue des réunions et manifestations pacifiques publiques fait très souvent l'objet de restrictions et de répression de la part des forces de l'ordre. Le dernier exemple est l’ interdiction du front “Touche pas à ma constitution” (un regroupement mis en place pour empêcher la révision de la constitution) en date du 9 août 2024.

Mais toutes ces restrictions n'empêchent pas les acteurs politiques de l'opposition et de la société civile de manifester. De plus, cette situation d'abus de droits fait aussi l'objet de critiques au niveau africain. En témoigne cette ordonnance de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples d'avril 2024 qui épingle le Togo pour la restriction imposée aux manifestations en mars 2024 alors que l'Assemblée nationale adopte le projet de loi de révision constitutionnelle qui place aujourd'hui le Togo sous un régime parlementaire. Bien avant l'adoption de cette nouvelle constitution, le Togo était sous un régime présidentiel et la population avait la possibilité de choisir librement son président pour un mandat de cinq ans. Désormais, le président de la République togolaise sera choisi par le Parlement pour un mandat unique de six ans.

Agression d'un député étranger au Togo

C'est dans ce contexte de bras de fer entre les autorités du pouvoir en place et l'opposition que s'est tenu le 29 septembre 2024 une réunion du parti politique togolais Convention démocratique des peuples africains (CDPA). En mission avec le parlement de la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) en terre togolaise, Guy Marius Sagna, député du parti Patriotes Africains du Sénégal pour le Travail, l’Éthique et la Fraternité (PASTEF), parti au pouvoir au Sénégal, a pris part à cette réunion.

Lire: Le député sénégalais Guy Marius Sagna se fait le porte voix des populations devant le parlement de la CEDEAO

Durant cette réunion Guy Marius Sagan et une vingtaine de Togolais (militants du parti et journalistes) sont agressés par une milice. Les informations recueillies par le Collectif des associations contre l'impunité au Togo (CACIT), une organisation de la société civile togolaise indiquent que:

(…)des individus qui manifestement se trouvaient dans l’assemblée ont soudainement surgi et exercé une violence sanglante sur les personnes présentes. Ils auraient notamment fait usage de coups de poings, de chaises, de briques et de pavés dans cette manœuvre déplorable qui a porté atteinte à l’intégrité physique de plusieurs personnes dont les honorables Guy Marius Sagna et Brigitte Kafui Adjamagbo-Johnson, secrétaire générale du parti CDPA

Un article de Tv5monde cite la police nationale togolaise, qui indique que le député sénégalais a été notifié du caractère illégal de ladite réunion. L'article rapporte que:

La police nationale togolaise a assuré (…) travailler étroitement avec les autorités judiciaires (…) pour faire toute la lumière sur les actes qui se sont produits. (…) Guy Marius Sagna avait été avisé de l'interdiction de la réunion projetée” et qu'il avait “été dûment informé des risques que comportaient ces activités (…) en violation des lois en vigueur au Togo.

Dans la nuit de l'incident, Yawa Kouigan, ministre de la communication et porte-parole du gouvernement réagit au micro de RFI. Dans son intervention elle dit :

Il y a (…) beaucoup de mauvaise foi, parce que le Togo est un pays de paix, de quiétude. Les circonstances déplorables dont nous parlons ne doivent pas nous amener à apporter des accusations gratuites (…) Je pense d'autant moins qu'on devrait pointer un doigt accusateur sur le Togo et sur ses autorités que la la liberté de réunion, la liberté d'expression, ne sont pas en question.

Vague d'indignation

Plusieurs réactions et commentaires inondent la toile dans les heures qui suivent cette agression. Déjà dans la soirée du 29 septembre 2024, Nathaniel Olympio, acteur politique togolais alerte le public sur son compte X(ex-Twitter):

Des commentaires sous le tweet de Nathaniel Olympio condamnent ces actes de violence. Pour la majorité, le régime en place depuis 1967 et dirigé par le clan Gnassingbé: feu Gnassingbé Eyadema (1967-2005) et Faure Gnassingbé (depuis 2005), manifeste la peur de voir un changement qui ne serait pas en sa faveur. C'est le cas d'un compte X  au nom de ChicVoisin qui écrit:

Lire notre cahier spécial:

Un autre compte dénommé Palace ajoute:

David Dosseh, porte-parole du front citoyen Togo Debout, présent au moment de l'incident indique au micro de Radio France Internationale (RFI):

C'est une espèce de sentiment de honte qu'un étranger, un frère sénégalais puisse subir autant de violences. Cela démontre qu'une fois encore au Togo, la violence est instrumentalisée par le pouvoir pour empêcher les gens de se réunir et pour empêcher les gens de s'exprimer.

Le parlement de la CEDEAO  condamne aussi l'incident subi par son parlementaire le 29 septembre à Lomé. Il dit:

Le Parlement de la CEDEAO rassure l’opinion qu’il suit de près les mesures prises par les autorités togolaises pour garantir la sécurité du député et les autres dispositions nécessaires dans de telles circonstances

Le Sénégal, de son côté, exige des autorités togolaises l'ouverture d'une enquête pour élucider l'affaire afin que les commanditaires soient traduits en justice.

Plusieurs sites d'informations de la sous-région ouest africaine ont publiés des articles sur cet évènement malheureux qui n'honorent pas les principes fondamentaux de la CEDEAO ainsi que son parlement. RFI a consacré un article “colère et indignation après l’agression de Guy Marius Sagna” qui synthétise les publications des différents médias africains.

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