Plus d'un an après la prise du pouvoir, le 30 août 2023, par les militaires en République du Gabon, les citoyens gabonais ont la possibilité de voter pour une nouvelle constitution durant le référendum du 16 novembre 2024.
Le Gabon se remet d'un très long règne de la famille Bongo à la tête du pays qui débute en 1967 avec le président Omar Bongo, et continue après sa mort avec l'élection de son fils Ali Bongo au même poste en 2009. La donne change en 2023 quand, après un coup d'état militaire, Brice Oligui Nguema prend les rênes du pays en tant président de la transition avec pour mission de donner une nouvelle orientation au pays.
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Dans ce contexte de refondation du pays et des institutions, le 7 septembre 2024, un projet de loi de la nouvelle constitution émanant du parlement est remis au président de la transition. Ledit projet intègre quelques changements cités dans un article de Radio France Internationale (RFI):
l'instauration d'un régime présidentiel ; le président est élu pour un mandat de sept ans renouvelable une fois ; suppression du post de premier ministre. Le parlement peut être dissous par le président de la République et les députés et sénateurs peuvent aussi destituer le président de la République en cas de haute trahison.
Par ailleurs, la nouvelle constitution reconnaît aux militaires putschistes le statu de héros par une loi qui les amnistie, et au passage définit le mariage comme étant l’union entre deux personnes de sexes opposés.
Mises en gardes sur certains aspects de la réforme
Au sein de la société civile, les avis sont partagés sur la question, et les acteurs proposent des amendements sur le projet de nouvelle constitution, en particulier en privilégiant un mandat de cinq ans au lieu des sept ans annoncés.
Sur RFI, Sentiment Ondo, porte-parole de la société civile gabonaise explique:
Nos points critiques, ce sont naturellement les dispositions qui stipulent qu'il faut être né de père et de mère gabonais, eux-mêmes né Gabonais. Être marié à un Gabonais ou à une Gabonaise. La proposition émise par la société civile ici, c'est que cet article viole le Code de la nationalité applicable depuis les années 1960. Cette disposition, en outre, est discriminatoire et excessive.
La société civile exige aussi la suppression du post de vice-président ainsi qu'une clarification autour des conditions pouvant mener à la destitution du président. Dans l'article de RFI, Sentiment Ondo précise:
La proposition qui est faite [par les parlementaires], c'est d'inclure les crimes économiques et financiers, d'inclure la propagande ethnique ou régionale, les prises illégales d'intérêts, le blanchiment des capitaux, les crimes de sang et les répressions de manifestations, dans les motifs d'accusation du président.
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De son côté, Daniel Mengara, acteur politique et président du mouvement politique gabonais Bongo Doit Partir, lève la voix contre ledit projet de constitution et dit non à son vote:
Toute cette transition a été conduite pour introniser un seul homme (…) le général Oligui Nguema (…). Donc, nous demandons en réalité une vraie séparation des pouvoirs. Il faut (…)qu'on aille plutôt vers un système parlementaire parce que nous pensons qu'avec un Parlement puissant, avec un Premier ministre puissant, on peut assurer un minimum d'équilibre des pouvoirs. (…) nous avons passé 56 ans sous l’hyperprésidence. Le régime présidentiel ne nous a pas réussi sous les Bongo. Il ne nous réussira pas sous le général Oligui.
Nombreux, certes, sont ceux qui saluent l'annonce de la nouvelle constitution car elle incarne la fin de la période Bongo. C'est ce qu'indique la réaction de Ntsegue Laffite Joyce, secrétaire exécutif adjoint et porte-parole du Rassemblement pour la Patrie et la Modernité (RPM) d’Alexandre Barro Chambrier, vice-premier ministre du Gabon. Sur son compte X (ex-Twitter), il publie:
«Parmi les points positifs, cette Constitution va tourner la page d’une époque et ouvrir une nouvelle voie à notre pays. Elle consacre la garantie de l’alternance et la fin des mandats perpétuels.» @ABarrochambrier
Rentrée politique 2024 du RPM à Port-Gentil. #Gabon 🇬🇦 pic.twitter.com/Uiqv49cmId— Ntsegue Laffite Joyce (@laffite_n) October 27, 2024
Mais l'un des sujets essentiels qui préoccupe les Gabonais est l'indépendance du système judiciaire. Sous l'ancien régime, à maintes reprises, la justice gabonaise a été sous les feux des critiques. A ce propos, dans son rapport de 2024 sur la liberté dans le monde, Freedom House indique :
Sous le gouvernement Bongo, les tribunaux étaient subordonnés au président. Le pouvoir judiciaire est responsable devant le Ministère de la justice, par l'intermédiaire duquel le Président est habilité à nommer et à révoquer les juges. La Cour constitutionnelle, la plus haute instance judiciaire du Gabon, était composée de trois membres nommés par le Président, deux par l'Assemblée nationale, un par le Sénat et trois par le Conseil supérieur de la magistrature (CSM).
Début de la campagne électorale
Fin septembre 2024, les parlementaires ont intégré plusieurs amendements au projet de loi, dont le changement de la durée du mandat. Très favorable à la nouvelle constitution, Paul Biyoghe Mba, parlementaire et membre du Parti démocratique gabonais (PDG) – parti de l'ancien président Omar Bongo – pense qu'une telle reforme peut éviter une tendance dans la région ou les présidents briguent souvent un troisième mandat en dépit des limites constitutionnelles. Comme il l’explique sur RFI:
La durée maximale de mandat fixée est de deux fois sept ans. Comme on s'est rendu compte que dans les cas ou le mandat présidentiel est de deux fois cinq ans, les présidents veulent tous en avoir un troisième, là on dit : “Le chef de l'État peut rester au maximum 14 ans mais après, il s'en va !
La campagne électorale pour les élections débute le 6 novembre, juste dix jours avant l'élection. Le Gabon se situe au 94è rang dans le classement de Reporters Sans Frontières (RSF) sur la liberté d'expression en 2024. Freedom House, toujours dans son rapport 2024 sur la liberté dans le monde, souligne ceci:
Gabon’s electoral laws and framework have historically not ensured credible elections. The electoral commission, the Interior Ministry, and the Constitutional Court have all played important roles in managing elections, and all were loyal to Bongo.
Les lois et le cadre électoral du Gabon n’ont pas assuré la tenue d’élections crédibles dans le passé. La commission électorale, le ministère de l’Intérieur et la Cour constitutionnelle ont tous joué un rôle important dans la gestion des élections en restant fidèles à Bongo.