Coup de clairon : Les conséquences d'un second mandat de Trump sur les relations des États-Unis avec l'Inde et le Népal

Trump 2024 Signage - Onondaga - New York - USA. Image by Adam Jones via Flickr. CC BY.

Affiche Trump 2024. Onondaga, New York, États-Unis. Photographie de Adam Jones via Flickr (CC BY 2.0) [fr].

[Sauf mention contraire, tous les liens renvoient vers des pages web en anglais.]

Cet article a été écrit par Shristi Karki, et initialement publié dans le Nepali Times le 6 novembre 2024. Cette version éditée est republiée sur Global Voices dans le cadre d'un accord de partage de contenu.

Une onde de choc déferle sur les États-Unis suite au retour de Donald Trump à la Maison Blanche, et à la prise de contrôle par les Républicains du Sénat et peut-être de la Chambre. Les conséquences de ce vote ne concerneront toutefois pas seulement l'Amérique, mais aussi les populations du monde entier.

Pour l'Asie du Sud, elle entraînera principalement des changements dans la manière dont Washington perçoit la Chine et l'Inde et négocie avec elles, ainsi que des conséquences plus incertaines. L'impact sur le Népal sera déterminé par l'évolution des relations des États-Unis avec les deux voisins géants du pays au cours des quatre prochaines années.

« En comparaison avec Kamala Harris, davantage axé sur le multilatéralisme et le maintien des alliés, Donald Trump est plus conflictuel et unilatéral », explique Bimala Rai Paudyel, membre de l'Assemblée nationale et ancienne ministre des Affaires étrangères. « Il est à craindre que les politiques de Donald Trump ne poussent le monde à devenir encore plus polarisé que ce qu'il est aujourd'hui. »

L'Inde et la Chine sauront toutes deux profiter du vide laissé par le retrait de l'Amérique de Donald Trump en matière de leadership mondial et régional. Elles tireront profit de la dilution des relations de Donald Trump avec les alliés traditionnels d'Europe et d'Asie, voire de l'abandon de ces derniers.

Si les liens entre l'Inde et l'Occident sont étroits, New Delhi souhaite depuis longtemps faire cavalier seul. Elle utilise sa puissance économique croissante pour se détourner de l'Union européenne et des États-Unis. Par exemple, l'Inde a réussi à importer du pétrole de Russie en dépit des sanctions occidentales. Cette tendance risque de s'accentuer sous la présidence de Trump.

Akhilesh Upadhyay, chargé de recherche au Centre des affaires stratégiques de l'Institut d'études sur le développement intégré (Strategic Affairs Center, Institute for Integrated Development Studies, IIDS), déclare : « Dans une perspective de sécurité traditionnelle, le Népal se trouve au beau milieu de la Chine et de l'Inde. La Chine et l'Amérique entretiennent une rivalité de grandes puissances, et on ne connaît pas très bien la direction que va prendre l'axe indien. »

L'Inde devrait également en bénéficier si Donald Trump met à exécution ses menaces concernant l’augmentation des droits de douane sur les importations chinoises. Même si l'administration Biden-Harris a sanctionné la Chine avec des droits de douane et autres mesures, Donald Trump s'est montré plus belliqueux à l'égard de Pékin dans le passé.

« D'une part, l'Inde reste proche des États-Unis dans le cadre du Dialogue quadrilatéral pour la sécurité (Quadrilateral Security Dialogue, QSD ou Quad), d'autre part, elle prend part aux BRICS [fr], où elle œuvre avec la Russie et la Chine, ainsi qu'à la Coopération de Shanghaï. Il reste à voir comment les relations avec les États-Unis vont évoluer avec nos deux grands voisins », ajoute Akhilesh Upadhyay.

Comme l'ennemi d'un ennemi est un ami, Washington a considéré l'Inde comme son rempart contre la puissance économique et militaire croissante de la Chine. New Delhi n'a toutefois pas toujours souscrit aux intérêts stratégiques américains et s'irrite du fait que les États-Unis interviennent trop auprès des petits voisins de l'Inde, tels que le Népal, le Sri Lanka et le Bangladesh.

Image via Nepali Times. Used with permission.

Illustration du Nepali Times, reproduite avec l'autorisation de l'auteur.

En revanche, une administration Trump pourrait limiter l'afflux de travailleurs indiens dans le domaine des technologies de l'information aux États-Unis et aussi restreindre les possibilités d'emploi aux États-Unis pour les étudiants népalais, lesquelles abondaient sous l'administration de Joe Biden.

Certains spécialistes expliquent que le choix du parti à la Maison Blanche ne modifiera pas la politique de l'Asie du Sud et encore moins celle du Népal, mais une victoire de Donald Trump risquerait de se traduire par une diminution de l'aide au développement du Népal, en particulier dans les domaines de la santé génésique, des droits humains et de la protection sociale.

Nischal Pandey, membre du Centre d'études (Centre for South Asian Studies) de l'Asie du Sud à Katmandou, explique que les quelques visites d'État entre les États-Unis et le Népal – du discours du roi Mahendra devant la session conjointe du Congrès américain pendant le mandat du président Eisenhower en 1960 à la réception de Ganesh Man Singh à la Maison Blanche par le président George Bush Sr après 1990, en passant par la visite du secrétaire d'État Colin Powell en 2002 pendant le mandat de George HW Bush – ont toutes eu lieu sous des administrations républicaines.

Il poursuit : « Historiquement, les présidents et les administrations républicains ont été plus sensibles au Népal que les démocrates ».

Plus concrètement, les Népalais désireux d'émigrer aux États-Unis pourraient rencontrer plus de difficultés. Actuellement, environ 300 Népalais sont en attente au Mexique, où des trafiquants d'êtres humains les introduisent clandestinement aux États-Unis, et cette frontière est appelée à devenir encore plus stricte.

En début d'année, l'aéroport de São Paulo, au Brésil, a retenu plus de 150 Népalais qui s'apprêtaient à emprunter la voie détournée du Darien Gap pour rejoindre les États-Unis. Deux cents autres personnes en partance pour le Brésil ont été bloquées à l'aéroport d'Addis-Abeba, contraignant l'Éthiopie à interdire l'octroi de visas aux Népalais.

Le président Trump a menacé le Mexique de frapper les importations de produits mexicains de droits de douane élevés si celui-ci ne stoppe pas les flux migratoires. Il prévoit d’expulser 11 millions de personnes en situation irrégulière.

Les propos musclés de Donald Trump à l'égard de la Chine pourraient s'apparenter à de la politique de la surenchère, et nous verrons avec intérêt de quelle manière il parviendra à trouver un équilibre avec l'alignement sino-russe. Le président Biden n'a ni annulé les interdictions imposées à Huawei ni les restrictions imposées à TikTok, et les préoccupations des États-Unis en matière de sécurité concernant la montée en puissance de la Chine constituent une question bipartisane, tout comme la question de Gaza. Kamala Harris n'aurait probablement pas agi différemment dans ces domaines.

La députée Bimala Rai Paudyal souligne : « La victoire de Donald Trump pourrait provoquer des tensions économiques avec la Chine, ce qui aura des répercussions sur le commerce ici aussi ; c'est une chose à laquelle nous devrons nous préparer. »

Le second mandat de Donald Trump affaiblira l'autorité morale de l'Amérique à sermonner des pays comme le Népal en matière de justice de transition, de droits humains, de démocratie et de liberté de la presse.

La santé génésique et le financement de programmes de planning familial au Népal, par le biais des Nations unies, pourraient également être réduits, comme cela avait été le cas lors de sa précédente présidence. L'aide étrangère octroyée par l'intermédiaire de l'Agence des États-Unis pour le développement international (United States Agency for International Development, USAID) pourrait également se voir réduite.

Toutefois, l'impact le plus indirect de la présidence de Donald Trump au Népal sera peut-être son recul sur l’engagement des États-Unis à maîtriser le changement climatique, au risque d'accélérer la fonte des calottes glaciaires de l'Himalaya et de provoquer un impact majeur sur l'approvisionnement en eau en aval de l'Asie.

« Les engagements et les objectifs climatiques de l'Amérique seront mis à mal par le président Trump, lequel ne croit pas au changement climatique », déclare Bimala Rai Paudyal. « Les recherches actuelles sur les pertes et dommages ainsi que sur les marchés de quotas carbone reposent en grande partie sur le financement américain, et le monde attend des États-Unis une attitude proactive. »

Si Donald Trump parvient à mettre un terme au conflit ukrainien en se rapprochant de Vladimir Poutine, un accord de paix permettrait d'améliorer la situation mondiale en matière d'approvisionnement en carburant et en denrées alimentaires. L'armée russe compte des milliers de Népalais, et au moins quarante d'entre eux ont trouvé la mort, ces derniers pourraient enfin rentrer chez eux.

Akhilesh Upadhyay conclut : « Quant au Népal, l'administration Trump devrait le voir comme une nation souveraine à part entière plutôt qu'à travers le prisme de la rivalité des grandes puissances, à savoir les États-Unis ou la Chine. »

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