Asie du Sud-Est : l'impunité, une épée de Damoclès sur le travail des journalistes

 

Release Frenchie Mae Cumpio

Des défenseurs de la liberté de la presse aux Philippines ont appelé à la libération de la journaliste Frenchie Mae Cumpio lors d'une manifestation devant le ministère de la Justice. Photo de Lito Ocampo, utilisée avec permission.

[Tous les liens de ce texte renvoient à des pages Web en anglais]

Les médias et les groupes de défense des droits humains de toute la région de l’Asie du Sud-Est ont célébré la Journée internationale des Nations unies pour la fin de l’impunité pour les crimes contre les journalistes, le 2 novembre, en publiant des déclarations et en organisant des événements mettant en lumière les défis et les menaces constantes auxquels sont confrontés les journalistes dans l’exercice de leur travail.

Cambodge

Au Cambodge, des groupes de la société civile ont publié une déclaration commune exprimant leur inquiétude face à la détérioration de la situation des médias ; et ce, même après l’arrivée au pouvoir d’un nouveau gouvernement en 2023. Ils ont cité un rapport faisant état de 28 cas de harcèlement contre 46 journalistes au cours des neuf premiers mois de 2024.

Targeting journalists — particularly those reporting on human rights issues — undermines freedoms of expression and the press, thereby threatening the public’s access to information. This environment complicates efforts to hold those in power accountable for their wrongdoing. When authorities fail to investigate and punish perpetrators of crimes against journalists, it conveys the message that such offences are permissible.

Prendre pour cible les journalistes, en particulier ceux qui traitent des questions relatives aux droits humains, porte atteinte à la liberté d’expression et à la liberté de la presse, freinant ainsi l’accès du public à l’information. Ce contexte complique les efforts visant à obliger les autorités à rendre des comptes pour leurs méfaits. Lorsque les autorités ne parviennent pas à enquêter sur les auteurs de crimes contre les journalistes et à les punir, elles transmettent le message que de telles infractions sont autorisées.

Un exemple récent de harcèlement a été l'arrestation et la détention du journaliste d'investigation primé Mech Dara, qui a révélé la prolifération des cyberescroqueries dans le pays. Il a été libéré sous caution, mais a rapidement annoncé qu'il prenait sa retraite du journalisme après cette épreuve traumatisante.

Les journalistes cambodgiens sont souvent harcelés ou emprisonnés pour avoir publié des articles critiques à l'égard du gouvernement. Les journalistes environnementaux et ceux qui dénoncent le déplacement forcé de groupes autochtones par le gouvernement sont particulièrement menacés.

Malaisie

Un autre pays qui n’a pas entrepris les réformes nécessaires dans le domaine des médias, même après l’arrivée au pouvoir d’un nouveau gouvernement, est la Malaisie. Le pays continue de s’appuyer sur des lois répressives datant de l’époque coloniale pour faire taire la dissidence et intimider les journalistes. Les groupes de la société civile ont réitéré leur demande de création d’un conseil des médias pour contribuer à renforcer la liberté de la presse dans le pays.

We urge that the Malaysian Media Council as an independent, multistakeholder self-regulatory body for the industry be established, without further delay, and be given the mandate to have the powers to protect journalists — legally, physically, economically, and socially — and the integrity of our media landscape.

Nous demandons instamment que le Conseil malaisien des médias, en tant qu’organisme d’autorégulation indépendant et multipartite pour le secteur, soit créé sans plus tarder et qu’il soit doté du mandat de protéger les journalistes – légalement, physiquement, économiquement et socialement – ​​ainsi que l’intégrité de notre paysage médiatique.

Ils ont également attiré l'attention sur les restrictions financières qui entravent le travail des médias :

A growing concern that threatens Malaysia’s media landscape recently has been economic violence in the form of low wages, unsafe working conditions, and job insecurity.

Une préoccupation croissante qui menace le paysage médiatique malaisien ces derniers temps est la violence économique sous forme de bas salaires, de conditions de travail dangereuses et d’insécurité de l’emploi.

Philippines

Les groupes de presse ont exhorté les autorités philippines à faire en sorte que justice soit rendue pour le meurtre en 2011 du journaliste Gerry Ortega, dont le cas est devenu « emblématique de l’impunité bien ancrée dans les meurtres commis contre des journalistes » dans le pays.

Les meurtres commis contre des journalistes se poursuivent, la plupart d’entre eux n’ayant toujours pas été résolus à ce jour. Le Syndicat national des journalistes des Philippines met en garde contre l’effet effrayant de l’impunité.

Each year that passes risks relegating these murders further into the past and sends the message that attacks against journalists are to be expected and can be expected to be done with impunity. Already, many of our colleagues see these attacks as just part of the territory. While there is inherent risk in journalism and media work, attacks against journalists cannot be normalized.

Chaque année qui passe risque de reléguer ces meurtres plus loin dans le passé et envoie le message que les attaques contre les journalistes sont attendus et qu’elles peuvent être commises en toute impunité. Déjà, nombre de nos collègues considèrent ces attaques comme faisant partie du quotidien. Bien que le journalisme et le travail des médias comportent des risques inhérents, les attaques contre les journalistes ne peuvent pas être normalisées.

Ils s'engagent à poursuivre la lutte pour la justice.

Keeping their stories alive, reporting on the progress — or lack of it — in their cases, and seeking accountability for these crimes are some of the ways we can make sure they are not forgotten.

Garder leurs histoires vivantes, mettre en lumière les progrès – ou l’absence de progrès – dans leur dossier et les tenir responsables de leurs crimes sont quelques-uns des moyens que nous pouvons prendre pour garantir que ces personnes ne soient pas oubliées.

Les groupes de médias ont également appelé à la libération de la journaliste Frenchie Mae Cumpio, dont les affaires criminelles montées de toutes pièces reflètent l’instrumentalisation des lois et des processus judiciaires pour détenir arbitrairement des journalistes critiques.

#Philippines : Le Comité pour la protection des journalistes exhorte les autorités à abandonner les accusations vindicatives contre la journaliste Frenchie Mae Cumpio avant son procès du 11 novembre.

Pour plus de détails sur cette affaire, lisez : https://t.co/g9Q3eEj0R3@bongbongmarcos pic.twitter.com/SCfwVoUePe

— CPJ Asia (@CPJAsia) 7 novembre 2024

Myanmar

Après le coup d’État de février 2021, la junte a imposé une censure absolue des médias et mené une répression brutale ciblant les membres de l'opposition et même les journalistes. Au moins huit journalistes ont été tués au cours des trois dernières années. Selon l’Association des journalistes indépendants du Myanmar, 177 journalistes ont été mis aux arrêts et 53 sont toujours en détention. Le Comité pour la protection des journalistes a résumé la situation désastreuse des médias au Myanmar :

The Myanmar junta has crushed the independent media by banning outlets, raiding media offices, and targeting journalists with arrests and killings over the past four years. The country is also the world’s second-worst jailer of journalists after China.

Au cours des quatre dernières années, la junte birmane a écrasé les médias indépendants en interdisant des organes de presse, en perquisitionnant les bureaux des médias et en ciblant les journalistes par des arrestations et des assassinats. Le pays est également le deuxième pays au monde où les journalistes sont emprisonnés le plus après la Chine.

Le gouvernement civil d’unité nationale, qui représente la résistance, a publié une déclaration condamnant l’attaque systématique de la junte contre la liberté d’expression.

The military's systematic campaign of violence, harassment, and intimidation has turned journalism into an occupation fraught with peril. Today, we call attention not only to these crimes but also to the wider impact of the military's assault on freedom of expression. By silencing journalist, the terrorist military council seeks to suppress the truth, restrict the people's awareness, and stifle calls for accountability.

La campagne systématique de violence, de harcèlement et d’intimidation menée par l’armée a transformé le journalisme en une profession périlleuse. Aujourd’hui, nous attirons l’attention non seulement sur ces crimes, mais aussi sur l’impact plus large de l’attaque de l’armée sur la liberté d’expression. En réduisant les journalistes au silence, le conseil militaire terroriste cherche à étouffer la vérité, à restreindre la prise de conscience de la population et à étouffer les appels à la responsabilité.

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