Un journaliste camerounais retrace le contexte de la crise politique ivoirienne de 2010-2011 dans un documentaire

La Côte d'Ivoire sur une partie de la carte de l'Afrique de l'ouest ; capture d'écran de la chaîne YouTube de imineo Documentaries

La Côte d'Ivoire est régulièrement traversée par de graves crises politiques. La dernière en date, de 2010-2011, est le sujet d'un documentaire retraçant les événements de cette période.

En octobre 2000 Laurent Gbagbo est élu président de la République de Côte d'Ivoire, mais deux ans à peine après sa prise de pouvoir, une crise éclate et une rébellion militaire tente de le renverser. La tentative échoue mais les rebelles n'abandonnent pas pour autant la partie avant de finalement signer en 2007 des accords de paix. Des élections présidentielles sont alors annoncées, mais sont toutefois reportées à plusieurs reprises jusqu'en 2010.

Les élections ont bien lieu en 2010, mais le verdict des urnes divise la population et une nouvelle crise post-électorale survient. Alassane Dramane Ouattara est bien proclamé le 28 novembre vainqueur par la Commission électorale indépendante (CEI), toutefois un autre organisme officiel, le Conseil constitutionnel, déclare Laurent Gbagbo vainqueur. Cette situation mène à un affrontement entre les deux camps et à une instabilité politique qui dure 5 mois. Au final, Laurent Gbagbo est arrêté et Alassane Ouattara est instauré dans le fauteuil présidentiel. Cette période est marquée par de nombreuses violences: tueries, arrestations, des déplacés dans les deux camps.

Ce 28 novembre 2024, la population ivoirienne commémore le début de cette période sombre de son histoire. Pour mieux comprendre le contexte et l'impact de cette date, Global Voices a interviewé Sévérin Aléga Mbele, journaliste camerounais réalisateur d'un documentaire intitulé “ Les dynamiques de paix en Côte d’Ivoire”. Le film de 52 minutes donne la parole aux jeunes, à ceux qui reviennent d'un exil forcé, et à différents acteurs de la réconciliation dans le pays.

Dans ce film, Emmanuel Djidja Kouadio, un des jeunes et témoin des faits, rappelle:

Il faut que chacun comprenne que les élections ne sont pas des combats sur les rings où chacun va démontrer sa force physique mais ce sont des idéologies et projet de société qu'on met en exergue. Quand celui qui est ton adversaire remporte la victoire, tu viens et tu le salues. C'est uniquement à cette condition qu'on aura une paix durable et pérenne.

Jean Sovon (JS): Que raconte votre film?

Sévérin Aléga Mbele (SAM) : C’est l’histoire d’un jeune de nationalité ivoirienne que je raconte. Il  a été forcé à l’exil dans un village du Ghana appelé Nougoua, sur les rives de la Tanoé, en raison de la crise politique en Côte d’Ivoire entre 2010 et 2011.

En 2020, au profit de la période d’apaisement politique, entre le doute et l’espoir, notre héros décide de retourner dans son pays natal. Il entre par le centre-ouest de la Côte d’Ivoire, au moment où les autorités d’Abidjan lancent le processus de réconciliation nationale.

Le récit en lui-même est simpliste mais, en réalité, l’itinéraire de notre personnage principal est celui de nombreux Africains, de Kigali au Rwanda ou de la péninsule de Bakassi entre le Cameroun et le Nigeria, qui sont retournés chez eux après un conflit armé dévastateur.

JS: Quels ont été les défis pour réaliser ce documentaire? Le documentaire sera t-il projeté en salle ou existe uniquement sur YouTube? 

SAM: Parmi les défis il y avait évidemment au départ la délicatesse du sujet. Je suis Camerounais mais je devais tourner en Côte d’Ivoire, en terre étrangère. Il a fallu convaincre les autorités ivoiriennes et même l’ambassade du Cameroun à Abidjan sur le bien-fondé d’une production audiovisuelle relative aux dynamiques de paix en Côte d’Ivoire.

Ce projet intervient dans le cadre de la bourse média de l'Union africaine (UA), il fallait donc aussi convaincre l’UA sur l’intérêt de ce film documentaire. Le pitch est passé par plusieurs mailles. Heureusement, le produit final que l’on peut retrouver sur les plateformes comme Facebook et YouTube a été accepté. La direction des antennes de la Cameroun Radio Télévision (CRTV) a diffusé ce film au moins quatre fois déjà. En plus, des copies ont été envoyées à l’Union Africaine et au Médiateur de la République en Côte d’Ivoire.

JS: Pourquoi le choix d’un documentaire?

SAM: Nous avons adopté l’approche d'un documentaire sur les principes du journalisme constructif. Il s'agit d'un documentaire qui éclaire et donne un point de vue sur un événement historique.

La crise ivoirienne met en avant une dispute entre acteurs politiques qui a de nombreuses conséquences: morts d’hommes, déplacements de populations.

Selon Sévérin Aléga Mbele, l'un des buts de son film est de démontrer la capacité des Africains à s’asseoir ensemble, à pouvoir se parler pour explorer des solutions malgré les séquelles d'un conflit violent et d'un climat anxiogène. Le film documentaire est à suivre ici:

Malgré les séquelles de conflits à répétions, la société ivoirienne réussit à maintenir un espace de dialogue – un instrument plus que nécessaire alors que le pays fait face à de nombreux défis comme la réconciliation nationale, l'émigration vers l'Europe et les changements géostratégiques sur le continent.

Commentez

Merci de... S'identifier »

Règles de modération des commentaires

  • Tous les commentaires sont modérés. N'envoyez pas plus d'une fois votre commentaire. Il pourrait être pris pour un spam par notre anti-virus.
  • Traitez les autres avec respect. Les commentaires contenant des incitations à la haine, des obscénités et des attaques nominatives contre des personnes ne seront pas approuvés.