
Image des faux-palmiers au Burundi ; Photo de Ferdinand Mbonihankuye, utilisée avec permission
Cet article est publié dans le cadre de la formation sur la justice climatique en Afrique. Il est rédigé par Rénovat Ndabashinze, journaliste burundais.
La dégradation de la biodiversité a des conséquences multiples car toute une chaîne naturelle est interrompue dans un tel processus. Ainsi, plusieurs espèces d'arbres sont fortement menacées et risquent de disparaître de la surface de la terre, y compris en Afrique.
Lors de la COP16 tenue fin 2024 en Colombie, sommet mondial portant sur le changement climatique et la biodiversité, l’Union Internationale pour la conservation de la nature (UICN) a révélé que beaucoup d’espèces d’arbres sont menacés d’extinction. Au Burundi, c'est le cas des faux-palmiers qui ont perdu un chaînon essentiel de leur mode de reproduction.
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Sans éléphants, pas de multiplication de faux-palmiers
Le faux-palmier est un arbre qui produit des fruits sucrés. Il est présent dans le parc national de la Rusizi situé dans la province de Bubanza, à 15 km au nord de Bujumbura, à la frontière burundo-congolaise. Cet endroit est aussi une zone réservée aux éléphants, mais ceux-ci ont disparu dans les année 90 suite à un conflit armé, ce qui a bouleversé l'équilibre écologique du parc.
En effet, les experts environnementaux estiment que la disparition des éléphants du parc de la Rusizi est à la base de l’extinction des faux-palmiers. Contacté par Global Voices, Albert Mbonerane, ancien ministre de l’environnement et actuellement militant pour la protection de l’environnement indique qu’en se nourrissant des fruits de ces faux-palmiers, les éléphants participaient à la multiplication de cette espèce endémique. Il explique:
Ces fruits contiennent des graines qu'ils ne pouvaient digérer. Ainsi, ces dernières se retrouvaient dans leurs bouses, ici et là, et redonnaient naissance à de nouveaux arbres. Il y a plus d’une vingtaine d’années, le Burundi comptait plusieurs dizaines d’éléphants dans le parc national de la Rusizi. Mais ce n’est plus le cas.
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Les éléphants eux aussi sont victimes de conflits armés
Déclenché à la suite du coup d'État contre Melchior Ndadaye, vainqueur des élections présidentielles de juillet 1993, la guerre civile burundaise éclate le 21 octobre 1993 et dure 12 ans, jusqu'en mai 2005. Durant cette période, les éléphants sont tués par des braconniers et des rebelles retranchés dans cette aire protégée. Selon Mbonerane:
Des avions de l'armée régulière pilonnaient souvent des positions rebelles dans cette réserve. A la fin des affrontements, plusieurs squelettes d’éléphants ont été découverts dans ce parc.
C'est aussi l'avis de Léonidas Hatungimana, directeur général de l’Office burundais pour la protection de l’environnement (OBPE) qui précise:
Le dernier éléphant survivant de cette guerre est tué en 2000. Ce sont ces animaux qui étaient, en grande partie, à la base de la multiplication de ces faux-palmiers.
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Facteurs humains
D’une population de plus de 14 millions d’habitants, le Burundi connaît une expansion démographique d'un taux de croissance de 1,28% en 2023. En 2025, ce taux est projeté à 2,44%. Presque 15 % de la population, soit plus de 2 millions de personnes, vivent dans les zones urbaines.
Cette pression démographique menace également les faux-palmiers. Un habitant de Buringa dénonce, sous anonymat, l’extension de cultures vivrières et industrielles dans les espaces réservés au parc: champs de maïs, de haricots, de manioc, mais aussi de coton ou de cannes à sucre. De plus, selon lui, les riverains récupèrent les graines des fruits des faux palmiers pour les broyer :
La farine est utilisée pour des fins alimentaires ou thérapeutiques. Même ces fruits sont désormais cueillis et consommés par la population. Ce qui limite leur reproduction.
De plus, les faux-palmiers sont une grande utilité dans le mode de vie traditionnel, comme l'explique l'octogénaire Oscar Kabura, riverain de Burunga interviewé par Global Voices :
C’est avec ses feuillages qu’on construit les clôtures de nos maisons. Et les feuillages sont utilisés pour la fabrication des nattes, des paniers, des corbeilles, etc…
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De son côté, Anastasie, une riveraine dans la quarantaine, indique qu’elle peut avoir facilement de l’argent pour subvenir aux besoins de sa famille en vendant des corbeilles, paniers fabriqués à base de faux-palmiers. Quant à son apport sur la biodiversité, Anastasie reconnaît que:
Cette espace occupé par les faux-palmiers abritait beaucoup d’espèces animales dans le temps, notamment des antilopes, des lapins, des perdrix, des hippopotames qui y venaient souvent pour brouter, etc… C’est là même que vivaient les éléphants. Mais aujourd’hui, aucun éléphant n’y est présent.
En vue de limiter l’extinction des faux palmiers et de faire venir les touristes, Léonidas Hatungimana, directeur général de l’OBPE dévoile qu’un projet de réintroduction d’éléphants dans les aires protégées dont le parc national de la Rusizi est en cours d’élaboration. Il indique :
Nous avons commandité une étude pour voir si les conditions sont encore favorables à ces gros mammifères.
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Le rôle crucial que jouent les faux palmiers dans la nature burundaise et dans le quotidien des populations témoigne de l'urgence de rétablir un équilibre des écosystèmes qui permet de combiner protection de l'environnement et sécurité économique.