
Des civiles congolais en train de fuir les violences dans la ville de Goma ; capture d'écran de la chaîne YouTube de Radio France Internationale (RFI)
Le conflit opposant les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) et les rebelles du Mouvement du 23 mars (M23) dans l’est de la République démocratique du Congo a franchi un nouveau cap dans la nuit du 26 au 27 janvier 2025. Les rebelles ont pris, à cette date, le contrôle de la ville de Goma, capitale de la province du Nord-Kivu, mettant en grave danger la vie des populations civiles.
Lire : Qui sont les rebelles du Mouvement du 23 mars à l'Est de la RDC?
Depuis le retour en force des rebelles du M23 en mars 2022, plusieurs offensives ont été menées dans cette région du pays. La prise de la ville de Goma marque un nouveau chapitre dans ce conflit qui n'est pas qu'interne, puisque le M23 est soutenu, selon de nombreuses sources, par les soldats du Rwanda voisin. Kigali rejette toute accusation a ce sujet.
Les autorités de la RDC s’indignent de ce mépris du Rwanda à leur égard et dénoncent une provocation ouverte. A la tribune des Nations Unies ce 26 janvier 2025, Therese Kayikwamba Wagner, ministre congolaise des Affaires étrangères, citée par VOA Africa, déclare :
C'est une agression frontale, une déclaration de guerre qui ne se cache plus derrière des artifices diplomatiques. Plus de trois millions de civils ainsi que des humanitaires sont pris en otage par les agresseurs, utilisés comme des boucliers dans une stratégie cynique de terreur et de chaos. Il est impératif que les combats cessent immédiatement. Chaque heure qui passe rapproche notre région d'une tragédie d'une ampleur insoutenable.
De l'autre côté, Kigali accuse la RDC de soutenir des rebelles rwandais engagés à renverser le pouvoir de Paul Kagamé président du Rwanda. Dans une déclaration citée par BBC Afrique, Stephanie Nyombayire, porte-parole de Kagamé déclare:
Tant d'énergie pour désigner le M23 comme soutenu par le Rwanda et un silence assourdissant sur les génocidaires Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) et les mercenaires occidentaux qui dirigent les FARDC [armée de la RDC], sans parler de la SAMIDRC [Mission de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC) en RDC] et des forces burundaises.
Des appels à un arrêt des hostilités
Le retour de la violence à une telle échelle dans l’Est de la RDC inquiète la communauté internationale qui multiplie les condamnations et appels à un retrait des troupes rwandaises et à un cessez-le-feu immédiat.
Le 26 janvier 2025, durant une réunion du Conseil de sécurité de l'ONU sur le conflit, Dorothy Shea, ambassadrice par intérim des États-Unis auprès des Nations-Unies déclare :
Nous condamnons dans les termes les plus forts les hostilités du Rwanda et du M23 à Goma et les attaques contre Sake. Nous appelons d'urgence à un cessez-le-feu.
…Les États-Unis envisageront tous les outils à leur disposition pour que les responsables de la poursuite du conflit armé, de l'instabilité et de l'insécurité en RDC, rendent des comptes.
Dans sa détermination à aider les deux pays à trouver une solution, Wiliam Ruto, président du Kenya condamne et appelle à un cessez-le-feu sur son compte X:
The escalating deteriorating peace and security situation in the DRC is of grave concern. The humanitarian crisis is being exacerbated by ongoing military actions, including the closure of airspace in Goma.
I call for the immediate and unconditional cessation of hostilities, emphasise the obligation of all parties to facilitate humanitarian access to affected populations and urge both sides to pursue peaceful means to resolve this tragic conflict. …
— William Samoei Ruto, PhD (@WilliamsRuto) January 26, 2025
La détérioration croissante de la situation de paix et de sécurité en RDC est très préoccupante. La crise humanitaire est exacerbée par les opérations militaires en cours, notamment la fermeture de l’espace aérien à Goma. J’appelle à la cessation immédiate et inconditionnelle des hostilités, je souligne l’obligation de toutes les parties de faciliter l’accès humanitaire aux populations touchées et j’exhorte les deux parties à rechercher des moyens pacifiques pour résoudre ce conflit tragique. …pic.twitter.com/yFS5badWAL — William Samoei Ruto, PhD (@WilliamsRuto) January 26, 2025
Le président kenyan a également convié ses homologues à une réunion d'urgence le 29 janvier. Les présidents congolais et rwandais ont confirmé leur participation. Wiliam Ruto dit :
J'ai discuté de tenir la réunion mercredi avec à la fois le président Paul Kagamé et le président Félix Tshisekedi, et les deux ont confirmé leur participation.
Therese Kayikwamba Wagner pointe directement la responsabilité du conseil de sécurité de l'ONU dans ce conflit. Elle estime au nom du gouvernement congolais que l'ampleur du conflit est due en partie à la passivité de l'ONU. Dans une publication sur son compte X, elle dit:
🚨La RDC sollicite une session publique d’urgence du Conseil de sécurité de l’ONU en raison de l’aggravation de la situation au Nord-Kivu.
Thérèse Kayikwamba (@RDCongoMAE) séjourne à New York pour cette demande.Le gouvernement congolais souligne que cette crise à l'Est est avant tout le fruit de l'inaction décisive du Conseil, malgré l’internationalisation du conflit et les preuves claires de la présence rwandaise sur le sol congolais.
— Thérèse Kayikwamba Wagner (@RDCongoMAE) January 24, 2025
Lire : Crises humanitaires en RDC et au Soudan : plus de 14 millions de déplacés et risque de famine
Les principales victimes sont les populations civiles
Depuis le 26 janvier, un vent de panique règne dans la région du Nord-Kivu, et dans la ville de Goma. Contacté par Global Voices, Fabien Mat [nom d'emprunt], journaliste basé à Goma témoigne:
Selon les informations dont nous disposons, les gens sont restés en ville car le nord et l'ouest de la ville sont très dangereux. Il y a le M23 et les FARDC ainsi que les patriotes qui se battent. À l'est se trouve le Rwanda et au sud se trouve le lac Kivu. Les habitants sont donc restés chez eux. Cela est également lié à l'appel du porte-parole du gouvernement congolais, Patrick Muyaya, qui a demandé aux citoyens de rester chez eux pour éviter les dangers.
Cette publication de Patrick Muyaya, porte-parole du gouvernement, et Ministre de la Communication et des médias de la RDC sur son compte X confirme le témoignage de Fabien Mat:
RDC : Au regard de la situation sécuritaire dans la ville de #Goma marquée par la présence de l’armée rwandaise, nous tenons à rassurer la population que dans la suite des instructions du Président de la République, le Gouvernement continue de travailler pour éviter le carnage et les pertes en vies humaines au regard des intentions manifestes du #Rwanda. Nous recommandons à la population de #Goma de suivre les dispositions suivantes :
1) Rester à l'abri, à la maison ;
2) S'abstenir de commettre des actes de vandalisme et de pillage ;
3) Barrer la route à la propagande manipulatrice du #Rwanda. Nous appelons tous les Congolais, où qu'ils se trouvent dans le monde, à se mobiliser en soutien à nos compatriotes du #NordKivu, à nos @FARDC_officiel et au Commandant Suprême. Nous sommes tous gardiens de notre territoire !!!! Aucun centimètre ne sera cédé !!! #ToutPourlaPatrie !!! #BendeleEkweyaT!!!
— Patrick Muyaya (@PatrickMuyaya) January 27, 2025
Goma, qui servait de zone de sécurité relative pour les villageois menacés par le conflit, n'offre plus aucune garantie pour sa population, estimée à presque 1 million d'habitants (population locale et déplacées). Les bombardements ont endommagé les installations d'électricité, d'eau et de réseau téléphonique. Dans ce contexte, les fausses informations se multiplient, comme le confirme Benjamin [nom d'emprunt], journaliste contacté par Global Voices:
Nous devons juste faire preuve d'observation critique. Les propagateurs des fausses informations en profitent aussi pour sortir des anciennes images hors contexte. L'internet a été coupé pour éviter la propagation de fausses informations.
La situation humanitaire reste inquiétante. Le 27 janvier 2025, SkyNews dénombre plus de 250 000 déplacés dans la ville.
L'ONG humanitaire, Médecin Sans Frontière (MSF) cité par BBC Afrique rappelle que:
Depuis le début de l'année, les affrontements armés dans le territoire de Masisi au Nord-Kivu, se sont étendus vers le territoire de Kalehe au Sud-Kivu. L'intensification des combats a eu un impact sur la population civile qui fuit les territoires affectés.