
Membres de la communauté Chepang de Hekrang, district de Dhading, au Népal. Photo de l'auteur. Utilisée avec permission.
Selon le recensement 2021 de l'Office national des statistiques du Népal, les populations autochtones représentent 36 % de la population totale. Le gouvernement reconnaît 59 communautés comme autochtones en vertu de la loi de 2002 sur la Fondation nationale pour le développement des nationalités autochtones (NFDIN). En outre, deux groupes autochtones ont été ajoutés en 1998 par l'ordonnance du Rastriya Janajati Bikas Samiti (Gathan Adesh) 2054.
Alors que les autorités cherchent à réviser la stratégie et le plan d'action nationaux pour la biodiversité (NBSAP), qui fournissent un cadre stratégique pour la conservation de la biodiversité du Népal, elles organisent des conversations, des consultations et des sessions de partage de retour d'information. Les défenseurs de la biodiversité estiment qu'il s'agit d'un moment opportun pour garantir l'inclusion, la reconnaissance et la participation des peuples autochtones et des communautés locales (IPLC ou Indigenous Peoples and local communities) du Népal, qui sont souvent exclus des discussions et des processus décisionnels importants.
Gardiens de la biodiversité
Les peuples autochtones ont toujours vécu en étroite relation avec la terre, y compris les forêts, les collines, les zones humides, les îles intérieures, les déserts et les régions enneigées. Ils sont les gardiens et les protecteurs de la biodiversité.
Selon le rapport 2019 de la plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES), les peuples autochtones, qui représentent 6,2 % de la population mondiale, contribuent à la sauvegarde de 80 % de la biodiversité mondiale.
Depuis des millénaires, les peuples autochtones et les communautés locales entretiennent une relation profonde avec la nature. Leurs terres, territoires et eaux abritent la biodiversité restante la plus critique, fournissant des services essentiels à l'humanité. Les peuples autochtones et les communautés locales pratiquent également des croyances et des traditions spirituelles qui contribuent à la régénération et à la restauration.
Des études indiquent que la garantie des droits des peuples autochtones sur leurs terres, leurs territoires et leurs ressources profite non seulement à leurs communautés, mais aussi à l'environnement dans son ensemble et aux efforts déployés au niveau mondial pour lutter contre le changement climatique. Parmi les pratiques autochtones, citons la culture itinérante, l’Ubholi et l’Udhouli (pratiques de migration saisonnière) et les systèmes de culture en rotation. Ces pratiques jouent un rôle dans la conservation, la restauration et la régénération de la biodiversité.
Le Népal sert de modèle pour la conservation menée par les communautés grâce à ses groupes d'utilisateurs des forêts communautaires (Community Forest User Groups – CFUG), qui permettent aux communautés de décider activement des plans de conservation de leurs zones forestières. Avec plus de 23 026 groupes participant activement, ils contribuent de manière significative à la restauration des forêts, à la lutte contre les incendies et à la gestion de la biodiversité.
Les IPLC du Népal ont demandé aux fonctionnaires de réviser le NBSAP afin d’intégrer les questions autochtones dans les objectifs et les indicateurs nationaux. Ils demandent que cette révision reconnaisse et intègre leurs connaissances et leurs droits traditionnels, tout en reconnaissant les peuples autochtones comme des détenteurs de droits et non comme de simples parties prenantes.

Une femme emmène des chèvres paître dans la jungle à Jimling, Korak, Rapti Municipality -11, district de Chitwan au Népal. Photo de l'auteur. Utilisée avec permission.
Défis et contraintes actuels
On estime que 65 % des terres ancestrales des peuples autochtones sont aujourd'hui occupées par des zones protégées, telles que des parcs nationaux et des réserves de faune et de flore, qui ont contraint les communautés autochtones à quitter leurs terres. Au Népal, les lois, les réglementations et les politiques sont de plus en plus favorables aux entreprises plutôt qu'aux populations autochtones.
Pour en savoir plus : « Do national parks and wildlife conservation regulations in Nepal benefit Indigenous people ? » (Les parcs nationaux et les réglementations relatives à la conservation de la faune et de la flore au Népal profitent-ils aux populations autochtones ?)
Par exemple, l'approbation de la politique sur la « construction d'infrastructures physiques à l'intérieur des zones protégées » en janvier 2024 permet aux promoteurs de projets hydroélectriques de construire des projets entièrement à l'intérieur des zones protégées, de libérer un minimum d'eau pendant la saison sèche et d'acquérir des terres plus facilement. Les politiques forestières du gouvernement et la loi sur les parcs nationaux ne soutiennent souvent pas les peuples autochtones, limitant parfois leur accès à des ressources essentielles.
En outre, les récits entourant le développement ont évolué, les peuples autochtones étant présentés comme « anti-développement », ce qui marginalise encore davantage leur voix et ne tient pas compte de leur point de vue sur la croissance durable.
Les problèmes rencontrés par les peuples autochtones sont encore exacerbés par des politiques contradictoires entre les trois niveaux de gouvernement au Népal. Par exemple, le gouvernement fédéral conserve l'autorité exclusive sur les parcs nationaux et les réserves naturelles, tandis que la gestion des forêts nationales relève de la compétence des provinces. Cette division peut entraîner des conflits lorsque les gouvernements locaux tentent de mettre en œuvre des mesures de conservation qui contredisent les politiques fédérales, en particulier lorsque les priorités locales diffèrent des objectifs nationaux.
Lors d'un entretien avec le président de la Nepal Indigenous Disabled Association (NIDA), Khadka Saru Magar a déclaré : « Les autochtones handicapés ne sont ni engagés ni impliqués dans la prise de décision. Leur représentation est purement symbolique et leur participation se limite à un engagement superficiel ».
Les IPLC veulent avoir davantage voix au chapitre dans les révisions du NBSAP
Les communautés autochtones et locales veulent que les prochaines révisions du plan d'action national pour la biodiversité adhèrent aux principes de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones (UNDRIP), à la Convention 169 de l'Organisation internationale du travail (OIT) et aux autres traités et cadres ratifiés par le Népal. Garantir leurs droits fonciers et reconnaître leur gestion historique et continue des écosystèmes est l'un des moyens les plus efficaces de protéger la biodiversité. Les pratiques coutumières jouent un rôle crucial dans la réduction de la déforestation et contribuent à la conservation et à la protection de la biodiversité.
Les activistes affirment qu'une communication inclusive et adaptée est essentielle pour partager les activités et les plans d'action du NBSAP avec les peuples autochtones, en particulier ceux qui se trouvent à proximité des parcs nationaux et des zones protégées.
L'avocat autochtone Shankar Limbu, vice-président de l’Association pour les droits de l'homme des peuples autochtones népalais (LAHURNIP), a insisté sur l'alignement du NBSAP sur les normes internationales telles que la DNUDPA, la Convention 169 de l'OIT et le Cadre mondial pour la biodiversité Kunming-Montréal (KMGBF). Il a également recommandé de le synchroniser avec les dispositions constitutionnelles du Népal, notamment l'article 51(j)(8) et les cadres politiques tels que le 16e plan quinquennal (2024-2029), qui promeuvent l'inclusion et la participation des communautés autochtones et locales dans le développement.
Les militants ajoutent que le CLIP (consentement préalable, libre et éclairé) doit être obligatoire pour protéger les droits des autochtones à posséder, utiliser et contrôler leurs terres, territoires et ressources ancestraux. Il doit également protéger leurs droits à définir les priorités de développement, à pratiquer l'autogestion, à préserver et à transmettre leur culture et à exercer leur autodétermination.
Le partage équitable des avantages tirés des ressources – monétaires, non monétaires et technologiques – est également essentiel pour garantir que les peuples autochtones et les communautés locales tirent des avantages équitables de l'utilisation de leurs connaissances et ressources traditionnelles.

Photo de l'auteur : Capture d'écran de la loi sur les forêts du gouvernement local de la municipalité rurale de Barpak Sulikot
Les défenseurs espèrent également que les révisions du NBSAP intégreront les lois forestières des gouvernements locaux, telles que celles de la municipalité rurale de Barpark Sulikot et de la municipalité de Sundarbazar, afin d'aborder les questions et les préoccupations des peuples autochtones. L'article 49 garantit le droit de protéger et de promouvoir les pratiques traditionnelles liées à la forêt, tandis que l'article 50 met l'accent sur la sauvegarde des connaissances traditionnelles liées aux forêts. Ces dispositions garantissent les droits des peuples autochtones, des communautés locales, des Dalits et des femmes dans la gestion des ressources forestières au sein des juridictions municipales.
Pour en savoir plus : Népal : équilibre entre droits des populations autochtones et conservation de la nature.
Les activistes espèrent que le NBSAP révisé donnera plus de pouvoir aux peuples autochtones au niveau local, qu'il impliquera activement les différentes parties prenantes et qu'il inclura des dispositions pour l’accès direct au financement pour les communautés autochtones.
Le NBSAP devrait intégrer un mécanisme de sauvegarde avec des principes clairs, des indicateurs et un système de recours pour protéger les droits de l'homme, en particulier ceux des femmes, des enfants et des autres groupes vulnérables dans le secteur de la biodiversité. Ce mécanisme doit garantir la justice et la responsabilité pour les violations commises à l'encontre des défenseurs de l'environnement et des autochtones, en accordant une attention particulière à ceux qui sont confrontés à la violence et aux représailles. En outre, le plan d'action national pour la biodiversité devrait intégrer des initiatives de conservation menées au niveau local et alignées sur les contextes socioculturels, en évitant les approches imposées d'en haut.