
Protestation à Port Villa, Vanuatu, en septembre 2018 : « Rise for climate to build a fossil-free world »(« Mobilisation pour le climat, construisons un monde sans énergies fossiles »). Photo publiée sur le compte Flickr de 350.org. CC BY-NC-SA 2.0
Plusieurs dirigeants et institutions du Pacifique ont exprimé leur inquiétude quant au retrait des États-Unis de l’Accord de Paris sur le climat et à sa signification pour l'avenir de l'action climatique mondiale.
Le Président américain Donald Trump a signé le décret après son investiture, lequel mettrait fin à la contribution financière du gouvernement américain aux pertes et dommages liés aux changements climatiques, en vertu de l'accord signé en 2015. En 2024, les États-Unis ont financé environ 22 % du budget de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) pour la période 2024-2025, soit un total d'environ 7,5 millions de dollars américains.
Trump avait également retiré les États-Unis du traité sur le climat au cours de son premier mandat en 2017, mais son successeur est revenu sur cette décision en 2021. L'accord historique de Paris engage 196 nations à travailler ensemble pour faire baisser la température mondiale de 1,5 degré Celsius.
Selon un rapport du Programme des Nations unies pour l'environnement, publié en octobre 2024, les émissions mondiales de gaz à effet de serre ont continué à augmenter en 2023, les pays riches comme les États-Unis produisant environ 77 % de l'ensemble des émissions contre seulement 0,02 % pour les nations insulaires du Pacifique.
Malgré cet écart, les pays du Pacifique sont davantage exposés aux effets néfastes des changements climatiques, tels que les cyclones de grande ampleur, l'élévation du niveau de la mer, la dégradation des sols, etc. Ces catastrophes ont déplacé des communautés, détruit des moyens de subsistance, fragilisé les économies locales et créé d'importants conflits sociaux dans de nombreux pays.
Interrogé, lors d'une conférence du Forum économique mondial à Davos en Suisse, sur le décret de Donald Trump, le Premier ministre de Papouasie-Nouvelle-Guinée, James Marape, a rappelé aux États-Unis qu'il est de « leur devoir moral d’assumer leur responsabilité » :
While it is not my place to advise the government of America, it is prudent that the biggest holder of carbon footprint takes the greater responsibility (because) much of the burden is being borne by those of us with the least carbon footprint.
There is a moral responsibility by each global leader to think from the global perspective instead of from their own national-interest perspective.
Evidence shows that we are at a tipping point, almost reaching the end of earth’s sustainability level. If this planet sinks, we all sink with it. There is no second Earth.
Bien que cela ne soit pas à moi de prodiguer des conseils au gouvernement américain, il serait juste que le plus gros émetteur de CO2 assume sa part de responsabilité (car) une grande partie du fardeau est supportée par ceux d'entre nous dont l'empreinte carbone est la plus faible.
Il est de la responsabilité morale de chaque dirigeant d'agir dans une perspective mondiale plutôt que dans l'optique de leurs propres intérêts nationaux.
Les faits montrent que nous sommes arrivés à un point de basculement, presque à la limite du seuil jugé viable de la Terre. Si cette planète sombre, nous sombrerons tous avec elle. Nous ne disposons pas d’une Terre de rechange.
Le procureur général du Vanuatu, Arnold Loughman, a qualifié la décision de Trump de « précédent préoccupant » et de « comportement déplorable », susceptible d’avoir de graves conséquences dans la région. Toujours selon lui, le retrait du gouvernement américain de l'accord compromettrait considérablement, dans un contexte mondial, le financement consacré à la lutte contre les changements climatiques.
These funds are essential for building resilience and supporting adaptation strategies. Losing this support could severely hinder ongoing and future projects aimed at protecting our vulnerable ecosystems and communities.
Ces fonds sont essentiels pour renforcer la résilience et financer les stratégies d'adaptation. Leur perte pourrait gravement entraver les projets en cours et futurs visant à protéger nos écosystèmes et communautés qui sont vulnérables aux changements climatiques.
Vanuatu fait partie des pays qui ont déposé une requête auprès de la Cour internationale de justice (CIJ), demandant à l'organe des Nations unies de se prononcer sur l’obligation des États de lutter contre le réchauffement climatique en vertu du droit international, et sur les sanctions encourues en cas d'inaction.
Sitiveni Rabuka, le Premier ministre des Fidji et ancien ministre du changement climatique, a déclaré que les pays du Pacifique étaient en train de revoir leurs plans d'action en matière de climat.
It will force us to rethink our position, some of us have been worrying, thinking about how the West particularly those closer to cooperation partners in the Pacific such as Australia and New Zealand.
We try to comply with the demand for protocols about carbon emission.
We have been with the rest of the world encouraging those that have been extracting or exporting fossil fuel to scale down.
Notre allons devoir reconsidérer notre position ; certains d'entre nous se demandent avec anxiété quelle sera la réaction de l'Occident, en particulier de pays proches de nos partenaires dans le Pacifique, comme l'Australie et la Nouvelle-Zélande.
Nous faisons notre possible pour nous conformer à l’exigence de protocoles sur les émissions de carbone.
Avec le reste du monde, nous avons encouragé ceux qui extraient ou exportent des combustibles fossiles à réduire leurs activités.
Le ministre de l’Environnement et du Changement climatique a déclaré aux médias que le gouvernement fidjien avait déjà écrit une lettre à Donald Trump lui demandant de reconsidérer sa décision.
Dans un message publié sur Facebook, Aupito William Sio, l'ancien ministre néo-zélandais des Peuples du Pacifique, estime que le retrait des États-Unis permettra à la Chine d’étendre son influence au sein des institutions multilatérales.
…guess who'll step up big time to take their place as a leading force for global multilateral organizations? — it will be China!
…when the great USA withdraws from these global organizations and doesn’t want to pay their fees etc. it just means, China can now go about providing a global leadership role in these organizations without any interference from the USA. If you can’t count on your traditional allies and partners like the USA who else will step up big time in supporting small island states like the Pacific?
…devinez qui s'apprête à prendre un rôle de premier plan au sein des organisations multilatérales mondiales ? La Chine !
… si les États-Unis quittent ces organisations sans régler leur cotisation, la Chine pourra alors assumer un rôle de leader mondial sans aucune interférence de leur part. Qui d’autre défendra les petits États insulaires comme le Pacifique si vous ne pouvez pas compter sur vos alliés et partenaires de longue date comme les États-Unis ?
Dans un éditorial, le Samoa Observer a reproché à Donald Trump d'ignorer les effets dévastateurs provoqués par les changements climatiques.
For Trump, climate change is a hoax, for Pacific nations like Samoa, it is a reality we are living in. Maybe the Los Angeles fires and the hurricanes last year are not enough for one of the world’s richest men to realise that it is not a hoax.
Pour Trump, la crise climatique est un « canular », alors que pour les nations du Pacifique comme les Samoa, il s'agit d'une réalité. Peut-être que les incendies de Los Angeles et les ouragans de l'année dernière n'ont pas encore convaincu l'un des hommes les plus riches du monde que le réchauffement climatique est bien réel.
Un ancien ministre fidjien a déclaré sur X que les populations du Pacifique continueraient à se battre pour un avenir plus résilient aux changements climatiques.
President Trump has today signed an executive order for USA’s withdrawal from the Paris (Climate) Treaty. Our commitment to fighting for a climate resilient future for all Fijians and Pacific Islanders will not be diminished by this.
— Aiyaz Sayed-Khaiyum (@AiyazSKFiji) January 21, 2025
Le président Trump a signé aujourd'hui un décret prévoyant le retrait des États-Unis du traité de Paris (sur le climat). Nous nous engageons malgré tout à continuer à nous battre pour renforcer notre résilience en matière climatique pour tous les Fidjiens et les habitants des îles du Pacifique.
— Aiyaz Sayed-Khaiyum (@AiyazSKFiji) 21 janvier 2025
Le président des Palaos, Surangel Whipps Jr, devrait peut-être inviter de nouveau Donald Trump à venir plonger en apnée dans les eaux du Pacifique afin de constater la dégradation de l'écosystème causée par les changements climatiques. En décembre 2024, il avait fait part aux médias de sa proposition de convier le président américain à la prochaine réunion des dirigeants du Pacifique.
I would very much like to bring [Trump] to Palau if he can. That would be a fantastic opportunity to take him snorkelling and see the impacts. See the islands that are disappearing because of sea level rise, see the taro swamps that are being invaded.
J’aimerais beaucoup que Trump vienne aux Palaos, s’il le peut. Ce serait une occasion fantastique de l'emmener faire de la plongée en apnée et de voir les dommages provoqués par les changements climatiques. Voir les îles qui disparaissent à cause de l'élévation du niveau de la mer, voir les marais de taro victimes d’invasion d’autres espèces.
Cette décision suscite également la polémique aux États-Unis, où plusieurs politiciens et défenseurs de l'environnement s'opposent à la décision de Donald Trump. Le milliardaire américain Michael Bloomberg a ainsi annoncé qu'il interviendrait pour financer personnellement l'accord de Paris sur le climat, à hauteur de la cotisation prévue par les États-Unis.