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Le 20 octobre, des élections présidentielles et un référendum constitutionnel sur l'adhésion à l'UE ont eu lieu en Moldavie. Les résultats des élections présidentielles et du référendum sur l'intégration européenne ont surpris de nombreux habitants de la Moldavie. Un peu plus de 50 % des électeurs ont soutenu l'inclusion du parcours européen dans la constitution. Le 3 novembre 2024, la Moldavie organisera le deuxième tour de l'élection présidentielle, avec la présidente sortante Maia Sandu et l'ex-procureur général Alexandr Stoianoglo qui se qualifient. NewsMaker a analysé pourquoi les prévisions et les sondages ne se sont pas réalisés et ce qui peut être attendu par la suite. L'article a été traduit par Global Voices et republié avec l'autorisation de NewsMaker.
Avec une faible marge et un second tour
Le deuxième tour de l'élection présidentielle moldave aura lieu dans deux semaines, le 3 novembre. Les candidats seront Maia Sandu du parti au pouvoir PAS et Alexandr Stoianoglo des socialistes. Les sondages pré-électoraux indiquaient que Sandu serait probablement en tête et Stoianoglo en deuxième position, mais l'écart entre les chiffres était significatif.
Les sondages montraient qu'environ 30 à 35 % des répondants étaient prêts à soutenir Sandu, tandis qu'environ 10 % favorisaient Stoianoglo. Ces chiffres étaient tirés de l'électorat total, une grande partie des électeurs restant encore indécise. En conséquence, Sandu a obtenu 42,45 % des voix et Stoianoglo 25,98 %.
Des élections sous tension
Le référendum, quant à lui, était censé aboutir à une victoire écrasante du camp du « Oui ».
En réalité, le résultat du référendum a été presque équitablement partagé : 50,49 % ont voté en faveur de l'intégration européenne dans la Constitution, tandis que 49,57 % s'y sont opposés.
Les régions opposées à l'UE ?
Curieusement, selon les résultats préliminaires (après le dépouillement de la moitié des bulletins), le nombre de votes contre le référendum était nettement plus élevé (environ 56 %) que celui des votes en faveur. La situation a commencé à changer une fois les bulletins provenant des bureaux de vote à l'étranger comptabilisés. À l'intérieur du pays, la plupart des régions comptaient davantage d'électeurs opposés aux amendements constitutionnels. En effet, dans certaines régions où Sandu (l'initiatrice et principale promotrice du référendum) est arrivée en tête, la majorité a tout de même voté contre le référendum, comme dans les districts d’Ungheni et de Leova. Dans certains districts, comme Telenesti et Nisporeni, Sandu a obtenu moins de voix que le camp du « Oui » au référendum.
La capitale, Chișinău, a voté « Oui » pour l'amendement de la Constitution : 55,98 % des électeurs de la capitale l'ont soutenu, tandis que 44,02 % s'y sont opposés. Tous les districts de Chișinău et sa banlieue ont approuvé les amendements, à l'exception d'un seul, où la majorité s’est opposée à l’ajout du parcours européen à la Constitution.
Les régions du sud et du nord du pays ont majoritairement voté contre les amendements.
L’expert de WatchDog, Andrei Curararu, estime que le fait que, dans plus de la moitié des districts moldaves, plus de 50 % des électeurs se soient opposés aux amendements constitutionnels n’est pas représentatif.
Dans les États fédéraux, les entités fédérées occupent une place de choix. Cependant, nous sommes un État unitaire. Notre situation démographique fait que la population est majoritairement attirée par Chișinău. Je pense que la moitié de notre population vit désormais à Chișinău. Nous constatons que la Gagaouzie a voté contre les amendements, mais n’oublions pas que seulement 200 000 personnes y résident, et en général, seuls environ 55 000 votent..
Il a également souligné l’influence économique de Chișinău et de la diaspora sur le développement du pays, suggérant que ce facteur devrait être comparé aux régions ayant voté contre.
Pourquoi cela s'est-il produit ?
Après l'annonce des résultats préliminaires des élections et du référendum, Maia Sandu a déclaré qu'environ 300 000 électeurs avaient été ciblés pour des tentatives de corruption. On s'attendait à des provocations et à l'achat de votes lors des élections et du référendum. L'oligarque fugitif Ilan Shor condamné à 15 ans de prison en Moldavie, et son bloc « Victoire » ont créé un réseau de partisans en leur offrant de l'argent pour adhérer et recruter d'autres personnes. La police a mené à plusieurs reprises des perquisitions et arrêté des dirigeants et des membres des organisations territoriales du bloc pour financement illégal et influence sur le processus électoral. Curararu a souligné que la Moldavie adopte un « format télévisé » pour défendre la démocratie : « Nous menons des perquisitions et arrêtons deux ou trois dirigeants, mais nous ne travaillons pas avec la population. » « Et il s'est avéré que la population était bien plus influencée par Shor que nous ne le pensions auparavant. »
L'ancien représentant moldave auprès de l'ONU et du Conseil de l'Europe, Alexei Tulbure, a souligné que l'ingérence russe est devenue un facteur très sérieux influençant les résultats. Cependant, si des réformes judiciaires et des forces de l'ordre avaient été mises en œuvre en Moldavie, « le pouvoir destructeur de l'ingérence russe aurait pu être minimisé. »
La politologue Angela Colatski a comparé la réponse du gouvernement aux actions de Shor à « une piqûre de moustique. »
Quand vous vous asseyez pour jouer avec un tricheur, peu importe le jeu auquel vous jouez—vous devez toujours rester vigilant. Nous ne pouvons pas les combattre en utilisant leurs méthodes, car ce sont des méthodes illégales. Nous devons mobiliser l’ensemble de l’arsenal de l’État et anticiper leur usage.
Mauvais timing
Alexei Tulbure estime que seules les réformes améliorant la vie des gens peuvent rendre le processus d'intégration européenne irréversible.
Si la vie des gens s'améliore, nous pourrons dire avec certitude qu'il n'y aura pas de retour en arrière. Mais ajouter des amendements à la Constitution ne rendra pas l'intégration européenne irréversible. Nous manquons de culture juridique.
De plus, organiser un référendum en même temps que l'élection présidentielle a suscité de nombreuses interrogations.Certains partisans pro-européens ont également voté contre, car « c'était un vote contre le gouvernement, et non contre l'Europe ». Tulbure a souligné que « c'était un message adressé au président et au PAS, qui ont organisé le référendum alors que ce n'était ni le bon moment ni la bonne méthode ».
Travail insuffisant auprès des électeurs
Une autre raison évoquée par les experts est le manque d'engagement auprès des électeurs. « Il faut un travail politique pour parvenir à un large consensus sur l'intégration européenne et unir la société », a déclaré Tulbure. Il estime que le processus devrait inclure d'autres groupes ethniques et politiques de la population ; ce qui « changerait leur attitude à son égard. » Il a ajouté : « S'ils sont exclus, ils deviennent une proie facile pour les propagandistes et les populistes. »
Selon lui, l'équipe du PAS n'a pas fait suffisamment d'efforts pour aller à la rencontre des électeurs.
Ils [les représentants du PAS] ont visité les districts centraux de la Moldavie, où réside principalement leur électorat stable. La présidente ne s'est pas rendue dans le nord ni dans le sud, où son taux de popularité est considérablement plus faible. Au cours des deux semaines à venir avant le second tour, elle doit visiter ces régions et persuader les habitants.
Angela Colatski a également souligné que l'idée du référendum avait été mal communiquée aux électeurs.« Tous les électeurs n'ont pas compris qu'il n'y aurait pas de second tour pour le référendum. Le slogan “Il n’y aura pas de second tour pour le référendum” est arrivé trop tard », a-t-elle déclaré.
Quelle est la suite ?
La Moldavie s'apprête à entamer le second tour des élections. Faire des prévisions est difficile. L'écart entre les candidats au premier tour est de 16 %. Sandu a déjà sollicité le soutien des partisans d'Octavian Țîcu, Andrei Năstase, Tudor Ulianovschi, Ion Chicu et Renato Usatîi pour le second tour. Toutefois, il est important de souligner que tous ces candidats ont critiqué la présidente en fonction.
Parmi les candidats mentionnés, Renato Usatîi a obtenu le plus de soutien électoral, terminant troisième au premier tour. Lors de la dernière élection présidentielle en 2020, Usatîi avait également terminé troisième et appelé à voter pour Sandu au second tour. Avant le premier tour de l'élection en cours, Usatîi a déclaré qu'il ne soutiendrait personne cette fois-ci. Stoianoglo, en revanche, pourrait rassembler tous les électeurs d'opposition. Mais il reste incertain si cela suffira à combler l'écart et à prendre l'avantage.
En revanche, il semble que Sandu ait déjà mobilisé son électorat stable et qu'il n'y ait plus de voix à récupérer. Les experts ne sont pas d'accord. Tulbure estime que Sandu dispose encore de deux ressources : les électeurs du nord et du sud du pays, qu’elle n’a pas réussi à convaincre au premier tour, et la diaspora, qui, bien qu’ayant déjà montré une forte mobilisation, pourrait apporter un soutien supplémentaire.
Angela Colatski estime que Maia Sandu doit renforcer sa coopération avec les autres forces pro-européennes, surtout à l’approche des élections législatives de l’été prochain. Les résultats du référendum ont révélé non seulement une profonde fracture au sein de la société, mais aussi un mécontentement à l’égard du gouvernement actuel. Les experts doutent depuis longtemps que le PAS puisse réitérer ses résultats de 2021. «Il est nécessaire de commencer dès maintenant à négocier une coalition pro-européenne», a souligné Colatski.
Curararu estime que le choc provoqué par les résultats du référendum et des élections pourrait motiver les électeurs pro-européens.
À deux semaines du second tour, la campagne va s’intensifier. Les deux candidats se sont déjà invités à débattre.