
Jolovan Wham participant à une veillée en l'honneur d'un trafiquant de drogues. Photo de la page Facebook de Jolovan Wham. Utilisée avec permission.
« Ce n'est pas moi qui devrais être jugé, votre honneur, mais plutôt l'État. Moi, je n'ai tué personne. » Une phrase prononcée par Jolovan Wham, activiste singapourien, le 3 février 2025, jour de son procès. Wham est accusé d'avoir porté atteinte à l'ordre public pour avoir participé à cinq veillées organisées en l'honneur de différents condamnés à mort entre le 29 mars 2022 et le 26 avril 2023.
La loi sur l'ordre public de Singapour interdit les rassemblements publics et les manifestations politiques nécessitent un permis. Une personne accusée d'avoir participé à l'une de ces manifestations peut risquer une amende de 3000 dollars de Singapour (environ 2000 €), et jusqu'à 5000 dollars de Singapour (environ 3500 €) si récidive.
Wham avait participé à plusieurs veillées en soutien au combat contre la peine de mort, commémorant par la même occasion la mémoire de trafiquants de drogues exécutés par l'État.
Plus de 30 personnes accompagnaient Wham lors de son apparition au tribunal. Sur Instagram, Eljah Tay, l'une des personnes accompagnant Wham, lui offre son soutien.
It is ridiculous that this is how the state continues to use our public resources, especially while the state gets away scot-free for the murders they have been committing behind bars.
Cette manière qu'a l'État d'utiliser nos ressources publiques est totalement ridicule, surtout lorsqu'ils n'ont pas à s'inquiéter des meurtres qu'ils commettent en toute impunité derrière les barreaux.
About 30 of us accompanied Jolovan today at the State courts to witness his statement “Your Honour, it is the state who should be on trial, not me. I didn't kill anyone”, said Jolovan Wham when called to the stand. I imagined I could hear the silent collective cheer we made pic.twitter.com/0VGvbihVwV
— Neo Swee Lin of TheNeoKeleLims (@ickacangmachine) February 3, 2025
Nous étions une trentaine à accompagner Jolovan lors de son procès à la cour d'État, et nous avons pu assister à sa déclaration lorsqu'il fut appelé à la barre : « ce n'est pas moi qui devrai être jugé, votre honneur, mais plutôt l'État. Moi, je n'ai tué personne ». Je pense que tout le monde l'a acclamé dans son esprit à ce moment-là. pic.twitter.com/0VGvbihVwV
– Neo Swee Lin of TheNeoKeleLims (@ickacangmachine) 3 février 2025
Plusieurs groupes humanitaires se sont également indignés face aux accusations portées à l'encontre de Wham et à l'acharnement auquel font face les opposants à la peine de mort. L’Asian Forum for Human Rights and Development (FORUM-ASIA) et le CIVICUS ont publié une déclaration commune exhortant aux autorités d'annuler toute accusation :
These recent charges against Jolovan Wham demonstrate how Singapore maintains a restrictive environment against activists. This is a clear example of judicial harassment made in retaliation for simply exercising one’s right to protest and freedoms of expression and peaceful assembly.
Ces accusations allant à l'encontre de Jolovan Wham démontrent à quel point Singapour reste un environnement nocif pour les activistes. Elles sont un véritable exemple de harcèlement judiciaire en représailles d'un simple rassemblement pacifique, et s'opposent ainsi à la liberté de manifester et à la liberté d'expression.
FORUM-ASIA et le CIVICUS signalent également que l'élection d'un nouveau premier ministre n'a pas réglé le problème d'abus des lois utilisés pour faire taire les critiques : « L'abus constant de lois restrictives, dont la Loi relative à l’ordre public, dans le seul but de persécuter les défenseurs des droits humains prouve que rien n'a changé, même sous une nouvelle administration ».
Ce n'est pas la première fois que Wham fait face à de telles accusations. Il avait déjà été condamné pour avoir organisé des « rassemblements illégaux » et avoir manifesté sans permis. En novembre 2020, il avait été inculpé pour avoir tenu une pancarte sur laquelle était dessiné un smiley souriant en solidarité avec deux jeunes activistes pour le climat.
Wham avait déjà abordé le sujet du manque de liberté à Singapour lors d'un entretien avec l’Human Rights Foundation en aout 2024 :
In Singapore, to say or do anything that the government does not approve of is to risk being detained. This is why there are so few human rights activists in Singapore and why my colleagues and I must keep doing what we do. They fined me thousands of dollars for simply protesting or posting on social media. There is no freedom of expression or freedom of association in Singapore, which is why it is not a democracy.
À Singapour, il suffit de dire quelque chose qui ne plaît pas au gouvernement pour être emprisonné. C'est d'ailleurs pour cela qu'il y a aussi peu de militants pour les droits de l'homme. Et c'est aussi pourquoi moi et mes collègues devons continuer de faire ce que nous faisons. J'ai déjà écopé de milliers de dollars d'amendes rien que pour avoir manifesté ou pour avoir posté sur les réseaux sociaux. À Singapour, il n'y a ni liberté d'expression ni liberté d'association. Ce pays n'a véritablement rien d'une démocratie.
La peine à l'encontre des autres activistes ayant participé à ces veillées n'a pas encore été décidée. Jolovan Wham est censé revenir devant les juges le 1ᵉʳ avril.